Une nouvelle méthode pour concevoir des langues électroniques

De la même façon que les nez électroniques sont capables d’analyser des gaz (odeurs), les langues électroniques sont dédiées à l’analyse des liquides et trouvent de plus en plus d’applications dans l’industrie agroalimentaire, l’analyse de l’environnement et le domaine de la santé.

Ces dispositifs qui s’inspirent des procédures physiologiques du goût, utilisent des capteurs intégrant différents composés, souvent longs à fabriquer. Des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Université Joseph Fourier et de l’Université Paris-Sud [1], ont mis au point une méthode novatrice qui simplifie grandement la conception de ces langues électroniques, en s’inspirant de la façon dont des protéines sont reconnues par les Héparanes Sulfates (sucres complexes naturels) présents à la surface des cellules. Ces résultats ont été publiés dans la revue Angewandte Chemie du 8 octobre.

Les auteurs de l’étude ont mis au point une méthode combinatoire évitant de s’astreindre à la préparation de nombreuses molécules différentes utilisées classiquement pour les langues électroniques. Les chercheurs préparent d’abord différentes solutions en mélangeant seulement deux petites molécules ayant des propriétés physico-chimiques distinctes, et en variant leurs proportions relatives. Ils déposent ensuite des gouttes de ces solutions sur un substrat, afin de créer un réseau de plots ou capteurs par auto-assemblage des molécules en monocouche. C’est l’ensemble des signaux issus de tous les capteurs qui constitue la signature, ou le "goût", d’une protéine et permet de générer son « profil 2D ou 3D » caractéristique.

Cela a permis par exemple de distinguer des chimiokines de structures très voisines. Si plusieurs protéines sont présentes simultanément, le "goût" du mélange peut être décomposé en ses composantes individuelles et chaque protéine reconnue. Dans l’exemple relaté dans Angewandte Chemie, avec deux molécules, onze récepteurs combinatoires sont produits, ce qui génère onze signaux. En passant de 2 à 3 molécules différentes dans la composition des plots, on multiplie par 6 le nombre de récepteurs combinatoires distincts et on affine d’autant la sensibilité de la langue pour reconnaître des protéines très similaires.

Pour la détection du signal, les chercheurs ont utilisé une technique déjà connue mais jamais utilisée dans ce domaine, l’imagerie par résonance de plasmons de surface (SPRi) : le substrat est un prisme optique recouvert d’une fine couche d’or dans laquelle les mouvements collectifs des électrons (plasmons) sont modifiés chaque fois qu’une protéine s’adsorbe sur l’un des capteurs. Cette modification est mesurée optiquement. Les avantages de cette technique sont nombreux : pas besoin de marqueur fluorescent ou radioactif, lecture en parallèle et en temps réel de tous les plots.

Grâce à sa simplicité, cette nouvelle approche pourrait conduire au développement de langues artificielles fiables et peu onéreuses, pour l’agroalimentaire, l’analyse de l’environnement ou le domaine de la santé.

[1] Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (CNRS/Université Paris-Sud), Unité « Structures et propriétés d’architectures moléculaires » (CNRS/CEA/Université Joseph-Fourier Grenoble) et Institut de biologie structurale (CNRS/CEA/Université Joseph-Fourier Grenoble).

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