Pendant des décennies, des progrès quasi constants ont été réalisés dans la réduction de la taille et l’augmentation des performances des circuits qui alimentent les ordinateurs et les smartphones. Mais la loi de Moore touche à sa fin, car les limites physiques – telles que le nombre de transistors qui peuvent tenir sur une puce et la chaleur qui résulte de la densité croissante de ces transistors – ralentissent le rythme de l’augmentation des performances. La capacité de calcul plafonne progressivement, alors même que l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et d’autres applications à forte intensité de données exigent une puissance de calcul toujours plus grande.
De nouvelles technologies sont nécessaires pour relever ce défi. Une solution potentielle vient de la photonique, qui offre une consommation d’énergie et une latence réduites par rapport à l’électronique.
L’une des approches les plus prometteuses est l’informatique en mémoire, qui nécessite l’utilisation de mémoires photoniques. Le passage de signaux lumineux à travers ces mémoires permet d’effectuer des opérations quasi instantanées. Mais les solutions proposées pour créer ces mémoires se sont heurtées à des difficultés telles que les faibles vitesses de commutation et la programmabilité limitée.
Aujourd’hui, une équipe internationale de chercheurs a mis au point une plateforme photonique révolutionnaire qui permet de surmonter ces limites. Leurs conclusions ont été publiées dans la revue Nature Photonics.
En collaboration avec John Bowers, professeur d’ingénierie électrique et informatique (ECE) à l’UC Santa Barbara, et Galan Moody, professeur associé à l’ECE, le scientifique du projet Paolo Pintus, professeur adjoint à l’université de Cagliari, a coordonné le projet avec Nathan Youngblood de l’université de Pittsburgh, Yuya Shoji, professeur à l’institut des sciences de Tokyo, et Mario Dumont, qui a obtenu son doctorat dans le laboratoire de John Bowers.
Les chercheurs ont utilisé un matériau magnéto-optique, le grenat de fer et d’yttrium (YIG) substitué au cérium, dont les propriétés optiques changent dynamiquement en réponse à des champs magnétiques externes. En utilisant de minuscules aimants pour stocker des données et contrôler la propagation de la lumière à l’intérieur du matériau, ils ont ouvert la voie à une nouvelle catégorie de mémoires magnéto-optiques. Cette plate-forme innovante exploite la lumière pour effectuer des calculs à des vitesses nettement plus élevées et avec une efficacité bien supérieure à celle que l’on peut obtenir avec l’électronique traditionnelle.
Ce nouveau type de mémoire présente des vitesses de commutation 100 fois supérieures à celles des technologies photoniques intégrées les plus récentes. Elles consomment environ un dixième de l’énergie et peuvent être reprogrammées plusieurs fois pour effectuer des tâches différentes. Alors que les mémoires optiques actuelles ont une durée de vie limitée et peuvent être écrites jusqu’à 1 000 fois, l’équipe a démontré que les mémoires magnéto-optiques peuvent être réécrites plus de 2,3 milliards de fois, ce qui équivaut à une durée de vie potentiellement illimitée.
« Ces matériaux magnéto-optiques uniques permettent d’utiliser un champ magnétique externe pour contrôler la propagation de la lumière à travers eux », a déclaré M. Pintus. « Dans ce projet, nous utilisons un courant électrique pour programmer les micro-aimants et stocker des données. Les aimants contrôlent la propagation de la lumière dans le matériau Ce:YIG, ce qui nous permet d’effectuer des opérations complexes, telles que la multiplication matrice-vecteur, qui est au cœur de tout réseau neuronal. »
Les auteurs estiment que ces résultats pourraient marquer le début d’une révolution dans le domaine de l’informatique optique, ouvrant la voie à des applications pratiques dans un avenir proche.
Légende illustration : réseau de mémoire photonique par un artiste – Crédit photo : Brian Long
Source : Santa Barbara UC