Une théorie pour expliquer la supraconductivité à haute température

Une théorie physique, simple et complète, décrivant l’origine de la supraconductivité à haute température critique, vient d’être élaborée par une équipe de l’Institut de physique théorique (IPhT).

Cette équipe a entamé une collaboration avec des expérimentateurs du CEA et du Laboratoire de physique du solide d’Orsay qui pourrait conduire à la conception de supraconducteurs à température ambiante.

De même que l’eau peut prendre en glace sous l’effet de minimes variations de température, la matière peut changer d’état, même au zéro absolu (à -273,15°C), en présence de fluctuations quantiques de ses composantes microscopiques. À partir de ce postulat, les théoriciens de l’IPhT ont démontré que d’infimes instabilités magnétiques à température nulle pouvaient « coller » des électrons en paires supraconductrices au sein de matériaux tels que des cuprates de baryum et d’yttrium. Ce résultat contre-intuitif a en réalité une portée universelle. Il met en lumière la filiation entre un état initial, à la fois singulier et générique, et des états incompatibles entre eux, comme l’anti-ferromagnétisme et la supraconductivité.

La supraconductivité à haute température dans les cuprates échappe à l’interprétation « classique » où les électrons sont liés en paires supraconductrices (de Cooper) grâce à leurs interactions avec le réseau cristallin du matériau. Avec les travaux de chercheurs de l’IPhT, elle pourrait bien avoir trouvé « sa » théorie !

Les cuprates de baryum et d’yttrium (par exemple YBa2Cu3O7) sont organisés en réseaux cristallins dont les feuillets contenant les atomes de cuivre et d’oxygène sont le théâtre des propriétés isolantes, magnétiques ou supraconductrices macroscopiques des matériaux. Pour modéliser leur comportement, les physiciens cherchent à utiliser les propriétés de chaque élément chimique du cristal pour décrire l’ensemble, sans succès jusqu’à présent. La question posée par les chercheurs prend le contre-pied de cette approche « chimique » : existe-t-il une loi physique universelle capable de rendre compte des propriétés complexes des supraconducteurs à haute température critique qui s’appliquerait à tous les matériaux sans exception ?

Pour comprendre ce qui se joue, revenons aux cuprates. Que se passe-t-il lorsqu’on fait varier la teneur en oxygène ? Les atomes d’oxygène attirent les électrons des atomes de cuivre, créant de ce fait des « trous » (lacunes chargées positivement) qui favorisent la mobilité des électrons d’un cuivre à son voisin. Pour un « dopage » nul en oxygène, le matériau est isolant et anti-ferromagnétique et à forte concentration, il devient supraconducteur. C’est le grand écart ! Entre ces états considérés par les physiciens aux antipodes l’un de l’autre, il existe un état paradoxal dit « pseudo-gap ». Dans cet état, le matériau n’est plus un « aimant » mais pas encore un supra-conducteur. À l’échelle microscopique, apparaissent des paires de Cooper, dont la cohérence collective est détruite par le champ magnétique local.

Les physiciens ont repris une théorie « non conventionnelle » qu’ils ont résolue mathématiquement pour la première fois avec les outils de la théorie quantique des champs. Cette théorie éclaire d’un jour nouveau le rôle joué par les phénomènes magnétiques. Les fluctuations magnétiques locales sont d’abord les « ennemies » de la cohérence des paires de Cooper microscopiques en cours de formation avant de devenir leurs meilleures « amies ». C’est au point singulier où ces fluctuations quantiques sont maximales que se produit l’improbable basculement. « À partir de cette singularité initiale, explique Catherine Pépin, un des auteurs de cette théorie, on a eu la surprise de voir apparaître des phases (états de la matière) comme par génération spontanée ! C’est une nouvelle avenue pour expliquer les supraconducteurs à haute température et les façonner à la manière des alchimistes ! »

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Bachoubouzouc

Bravo pour ces progrès dans un champ de recherche aux nombreuses applications énergétiques…

Nicolondon

Si la theorie tient la route et est demontree par des experiences, ca sent tres fort le prix Nobel !

marcarmand

Peut-on imaginer utiliser cette théorie pour fabriquer d’autres matériaux supraconducteurs à haute température?