Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)

Le Vendredi 22 octobre 2010 a eu lieu l’inauguration officielle de la première unité de méthanisation agricole d’Ille-et-Vilaine, une installation portée par l’exploitant agricole Gildas Fouchet qui est l’aboutissement de plusieurs années de travail.

La totalité des besoins thermiques de l’exploitation agricole et de la maison de Gildas Fouchet sont couverts par la production de l’installation de méthanisation afin d’atteindre une totale autonomie énergétique. Au total, l’économie réalisée sur l’achat de propane et de fuel pour l’exploitation et la maison s’élève à environ 13 000 €/an.

Cette démarche a été soutenue dans le cadre du Plan Eco-Energie Bretagne (Contrat de Projet Etat-Région), par l’Etat, l’ADEME et la Région Bretagne et leur partenaire, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine.

L’exploitation située sur la commune de Domagné dans le département de l’Ille-et-Vilaine est de type polyculture élevage, associant cultures, élevages de volailles et de veaux de boucherie. Elle compte 60 ha de surface agricole utile (SAU), dont 55 ha potentiellement épandables.

Les parcelles dédiées à la culture de céréales, maïs et colza sont réparties sur deux sites :

• le lieu-dit « La Grande Neuville » : 18 ha de SAU
• le lieu-dit « La Cour d’Ahaut » : 42 ha de SAU

L’élevage, situé au lieu-dit La Cour d’Ahaut, est constitué d’un atelier de 372 places de veaux de boucherie et d’un atelier de volailles de 1 000 m². Les veaux de boucherie sont logés sur caillebotis intégral et génèrent chaque année 2 000 m3 de lisier. Les volailles, quant à elles, produisent 140 tonnes de fumier par an. Le site « La Cour d’Ahaut » comprend les bâtiments veaux et volailles, le silo de stockage des produits végétaux et les pré-fosses de stockage du lisier.

Les consommations énergétiques : la situation initiale

Les élevages de veaux et de volailles consomment annuellement plus de 200 000 kWh pour le chauffage de l’eau de buvée des veaux ainsi que le chauffage du bâtiment volailles. Avec la mise en place de l’installation de biométhanisation, le chauffage au propane du bâtiment volailles a été remplacé par des aérothermes à eau chaude issue du cogénérateur.

Par ailleurs, la maison d’habitation de Gildas Fouchet, située à 200 m du cogénérateur, consomme annuellement 30 000 kWh pour le chauffage. L’exploitant a également pour projet de chauffer la serre d’une exploitation voisine.


" L’origine et l’historique du projet

• La genèse du projet

Le projet de méthanisation a été motivé par l’augmentation tarifaire des énergies fossiles, un désir de diversification, une conviction personnelle et la sensibilité environnementale de produire une énergie renouvelable.

Suite aux visites de plusieurs installations de méthanisation en Allemagne, une étude d’ingénierie a été effectuée en 2007 d’où sortiront toutes les données techniques et économiques qui suivront dans ce dossier. Celle-ci a été expertisée par AILE puis présentée à l’ADEME ainsi qu’à différentes collectivités locales.

L’installation a été conçue pour répondre aux objectifs suivants :

  • substituer le fuel et le propane pour les besoins de l’élevage,
  • valoriser les effluents d’élevage, les cultures dérobées et des déchets de proximité,
  • diversifier les revenus de l’exploitation,
  • réduire l’achat d’engrais chimiques en le substituant par du digestat,
  • désodoriser les effluents d’élevage.

Le dossier de demande d’autorisation ICPE a été déposé en août 2008, alors que la méthanisation ne faisait pas encore l’objet d’une réglementation spécifique. L’enquête publique qui a suivi s’est déroulée du 8 décembre 2008 au 9 janvier 2009. Toutes les remarques se sont avérées positives et l’arrêté d’autorisation d’exploiter a été signé en juillet 2009.

Au cours de cette phase d’instruction ICPE, Gildas Fouchet a pu bénéficier d’un soutien financier de l’Etat, de l’ADEME, du Conseil Régional de Bretagne et du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine.

Gildas Fouchet décide de confier la réalisation de l’installation à la société Biogaz PlanET France, spécialiste de la méthanisation depuis plus de 12 ans, qui l’a accompagné tout au long de son projet dans les phases d’ingénierie et administratives.

• La construction et la mise en route

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)Le permis de construire est obtenu en novembre 2008 et l’arrêté d’autorisation en juillet 2009. Les travaux de terrassement de l’installation démarrent en août 2009, suivis de la réalisation des différents ouvrages et de l’équipement de l’installation.

En parallèle, les démarches pour le raccordement électrique sont réalisées (Proposition Technique et Financière, certificat ouvrant droit à Obligation d’Achat de l’électricité, contrat d’achat de l’énergie électrique, etc.) aboutissant à l’autorisation de raccordement au réseau le 12 mars 2010.

La montée en température du fermenteur commence le 18 janvier 2010. Le fermenteur est ensuite rempli aux ¾ avec du lisier de veaux de l’exploitation puis chauffé à l’aide d’une chaudière d’appoint. Une fois la température de 37°C atteinte, des substrats solides sont progressivement introduits dans le fermenteur et brassés au lisier. Des analyses du substrat en fermentation sont régulièrement effectuées pour vérifier la stabilité du processus biologique et le taux de dégradation de la matière organique par les bactéries contenues dans le lisier. La quantité et la qualité du biogaz produit sont contrôlées en continu.

Début mars 2010, la qualité et la quantité de biogaz produit sont alors suffisantes pour faire fonctionner le cogénérateur. Progressivement, au fur et à mesure de l’augmentation de la ration de substrats solides introduits, la puissance électrique augmente pour atteindre 100 kWe le 30 avril 2010.

 

• L’historique

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)

 

• Les substrats

# Les substrats de l’exploitation

Les substrats agricoles provenant de l’exploitation utilisés pour alimenter le fermenteur sont les suivants :
– 2 000 m3/an de lisier de veaux,
– 200 t/an de fumier de volailles,
– Env. 600 t/an de cultures dérobées (cultivées sur 30 ha).

# Les substrats extérieurs

Pour compléter cette base de substrats agricoles, l’installation valorise également des déchets et co-produits issus d’industries agro-alimentaires locales et de coopératives agricoles. Les substrats provenant de l’extérieur sont variables selon les saisons et les livraisons.

Exemples de substrats valorisés : déchets de céréales, fruits et légumes d’hypermarchés, invendus de boulangerie, déchets de tomates, déchets de restauration, produits laitiers, etc.

Selon la valeur énergétique de ces substrats, les quantités introduites dans le fermenteur varient entre 1 500 et 2 500 t/an en moyenne.

# La ration du fermenteur et son pouvoir méthanogène

Selon les saisons, la matière introduite dans le fermenteur est d’environ 4 000 – 5 000 t/an de matière brute totale, soit environ 12 t par jour. La composition de la ration moyenne du fermenteur est la suivante :

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" L’installation de méthanisation

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• Les substrats : stockage et incorporation

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)Le lisier de veaux est incorporé via une canalisation et une pompe directement dans le fermenteur, à intervalles réguliers.

Les co-produits liquides provenant de l’extérieur sont pré-stockés dans deux pré-fosses béton de 30 m3 chacune. Une pompe envoie ces substrats dans le fermenteur à intervalles réguliers, selon la ration établie. L’aire de réception des substrats liquides est conçue pour permettre l’accès et le déchargement des camions bennes et camions citernes apportant les co-substrats. Les livraisons sont planifiées de façon à limiter le temps de stockage des substrats dans les pré-fosses avant leur incorporation dans le fermenteur. Les émissions d’odeurs sont ainsi très limitées.

Les transferts se font par une pompe à bras long, installée dans le pré-stockage.

Les co-produits solides (tels que les déchets de céréales apportés par la coopérative voisine) sont stockés sous les bâtiments de l’exploitation.

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)A l’aide d’un tracteur équipé d’un godet, Gildas FOUCHET remplit quotidiennement de substrats solides une trémie de 8 m3 équipée d’un système de pesée et placée sur une dalle béton, à proximité immédiate du fermenteur.

La trémie est équipée d’un système de pré-mélange permettant de décompacter et d’homogénéiser les substrats solides incorporés dans la trémie. Une vis sans fin, pilotée par ordinateur, introduit ensuite directement le mélange dans le fermenteur, à doses régulières pré-paramétrées.

Les substrats sont incorporés par petites doses et de façon régulière (environ toutes les heures), pour permettre un apport régulier de matière organique aux bactéries chargées de leur dégradation. La matière est également brassée régulièrement et lentement afin de bien l’homogénéiser et d’éviter la formation de couches et croûtes de surface.

• Le cœur de la fermentation

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)L’installation de méthanisation est composée d’un seul fermenteur.

Le fermenteur est une cuve en béton de 923 m3 bruts (14 m diamètre sur 6 m de hauteur), enterré à 3 m de profondeur. Un matériau isolant (panneau de polyuréthane) disposé sur la totalité des parois hors sol de la cuve évite les pertes thermiques.

Un réseau de chaleur est intégré dans le béton au niveau des parois et du radier du fermenteur.
L’eau chaude issue du co-générateur circule dans ce réseau afin de maintenir le mélange en fermentation entre 38 et 40°C ; une sonde permet de réguler la température au sein du fermenteur. Cette température (système mésophile) favorise le développement et l’activité des micro-organismes.

L’agitation des substrats en fermentation est assurée par deux systèmes de brassage :

– un mélangeur à pales à rotation lente (moteur 15 kW),
– un mélangeur immergé à rotation rapide, dont la position verticale est réglable (moteur 13 kW).

Ces deux systèmes de brassage, fonctionnant par intermittence et à intervalles pilotés par l’automate, ont plusieurs objectifs :

– favoriser le contact entre les bactéries et la matière organique,
– éviter la formation de croûte en surface,
– éviter la formation de couches se formant selon les différentes densités.

Le moteur électrique de l’agitateur à pales étant à l’extérieur, la maintenance de l’appareil est grandement facilitée.

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)Une surverse (tube de 300 mm de diamètre) permet le passage par gravité de la matière dégradée du fermenteur vers la fosse de stockage du digestat. Un système d’injection d’air (aide à la surverse) permet le débouchage de la surverse en cas d’accumulation de matière solide à l’intérieur.

Des hublots de visualisation placés sur le haut du fermenteur, au-dessus de la surface de la matière en fermentation permettent de visualiser l’intérieur du fermenteur et surveiller la production de biogaz ainsi que d’éventuelles apparitions de couches ou de mousse en surface.

•  Le biogaz
 
Le biogaz est stocké au dessus du fermenteur sous un  collecteur double membrane : une première membrane en polyéthylène, étanche au gaz, se gonfle en fonction de la production de biogaz, tandis que la seconde membrane, en PVC, est maintenue tendue par un système d’injection d’air qui maintient un différentiel de pression constant entre les deux membranes. Celle-ci joue ainsi le rôle de protection contre les intempéries et permet favorise l’acheminement du biogaz vers le co-générateur. 

Unité de méthanisation agricole en Bretagne (Part 1)Avant d’être stocké dans le collecteur double membrane, le biogaz passe à travers une chambre de désulfuration. Il s’agit d’une structure en bois située entre le haut du fermenteur et le collecteur double membrane. Une faible quantité d’oxygène est injectée au niveau de cette structure bois afin de favoriser l’oxydation du soufre contenu dans le biogaz ; cette oxydation est assurée par des bactéries présentes sur le plancher en bois. Le soufre se cristallise pour retomber dans le digestat. 
 
Le volume de biogaz pouvant être stocké dans le collecteur est de l’ordre de  263 m3, soit l’équivalent de 5 à 6 heures de production. La pression du biogaz est contrôlée par un différentiel de pression et reste comprise entre environ 1 et 3 mbar. En cas de surpression ou de dépression, une soupape de sécurité permet l’évacuation de l’excédent de biogaz. 
 
Le biogaz produit, ayant été désulfuré biologiquement, est ensuite refroidi en transitant par une canalisation de 80 m de long enterrée à 1 m de profondeur. Son refroidissement autour de 15°C condense la vapeur d’eau qu’il contient, augmentant ainsi son pouvoir calorifique. 
 
 
•  Le local technique
 
Le local technique, intégré dans un container, comprend les éléments suivants :

–  les systèmes de commande et de régulation,
–  le système de synchronisation / raccordement réseau,
–  le système de visualisation de la production,
–  le bureau d’enregistrement des données.

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Walis

Pas trop tôt vu le potentiel très important de la Bretagne pour ce genre de production d’énergie. En mix avec l’éolien et l’hydrolien et des économies d’énergie la Bretagne pourrait être indépendante énergétiquement et fournir des compléments de revenu importants à ses agriculteurs.

Patlabrosse

Merci pour cette présentation très complète. Bon courage à l’exploitant. Nous aimerons avoir des infos sur la suite.

michel123

ce serait déja une grande amélioration olfactive Si tous les éleveurs de porc pouvaient méthaniser les excréments de ces charmantes bestioles , outre la production de méthane , l’utilisation des composts résiduels permettrait de produire moins de nitrates lessivables et de diminuer en conséquence les nuisances vers les nappes phréatiques et donc la production d’algues en excés et tout ce qui en découle .

trimtab

Exemplaire, mais…… “Par ailleurs, la maison d’habitation de Gildas Fouchet, située à 200 m du cogénérateur, consomme annuellement 30 000 kWh pour le chauffage.” 30,000 kWh pour chauffer une maison me semble ENORME ! Erreur de virgule ? trimtab

Dan1

Non la valeur annoncée n’est pas exhorbitante. Si la maison fait 150 m2 habitable chauffé, cela donne 200 kWh/m2/an et ça cadre tout à fait avec la RT 2005 (si tant est que la maison soit conforme à cette norme). On ne le dira jamais assez, si on veut faire des économies d’énergie, ce n’est pas exclusivement sur l’électricité qu’il faut taper. Il faut d’abord réduire les besoins en chauffage de l’habitat… même s’ils sont satisfaits avec du gaz bon marché :

Envircinq

Bravo à Gildas FOUCHET Ce serait super, si cela pouvait faire naitre beaucoup d’autres projets de production décentralisée en Bretagne et ailleurs

Sicetaitsimple

nous en saurons plus demain.Au delà de l’engagement qui manifestement est la base de ce projet, il faudra en savoir plus sur les coûts, qui manifestement ne sont pas négligeables..M. Fouchet mérite à coup sûr nos encouragements, notamment en Bretagne qui a au moins autant de problèmes de pollution chronique des sols et de l’eau que de problèmes d’approvisionnement electrique, encore faut-il que sa solution soit généralisable.. Bonne chance en tous les cas.

Kalao

A quand des bouteilles de Biogaz?!!! Bravo pour ces initiatives à soutenir mais qui se cantonnent autour d’exploitations agricoles dans des zones relativement limitées. tant mieux pour ceux qui peuvent en bénéficier, cela limite déjà l’utilisation d’énergies fossiles et permet la récupération des déchets, limitera les diverses pollutions pour la santé de tous car l’enjeu est bien là La Bretagne avec son élevage, son agriculture doit développer ces unités de méthanisation et être aidée, encouragée  pour ces initiatives soutenables.  Toutes les régions agricoles et d’élevage devraient développer ces coopérations, s’unir afin de généraliser ces initiatives et ainsi réduire l’utilisation du tout fossile, pétrole