Vers la fabrication artificielle de cellules sur mesure ?

Les chercheurs de l’EPFL ont établi une méthode permettant de prédire très précisément la quantité de protéines qu’un gène va produire selon les circonstances. Ce "guide" devrait permettre d’améliorer la fabrication artificielle de cellules.

Situés au cœur de nos cellules, les gènes sont responsables de la fabrication de n’importe quel élément de notre organisme (organes, hémoglobine, etc.). Lorsqu’ils en reçoivent l’ordre, ils se mettent à produire des protéines, qui sont en quelque sorte les briques du vivant. Le rôle des gènes est donc très important.

La production des protéines, ou expression des gènes, découle d’un procédé extrêmement complexe. Une foule d’éléments sont interconnectés et s’influencent mutuellement. Les protéines ont un impact sur les gènes, qui ont à leur tour un impact sur les protéines, etc. Le processus est si complexe que les biologistes ne comprennent pas encore exactement la façon dont l’ensemble de cette machine est régulée.

Deux diplômés de l’EPFL, Arun Rajkumar et Nicolas Denervaud, ainsi que le chercheur Sebastian Maerkl, viennent d’ajouter une pièce importante à ce puzzle. Ils sont parvenu à réaliser un véritable mode d’emploi, qui montre comment contrôler la quantité de protéines générées. Les résultats de cette étude ont été publiés dans Nature Genetics.

Un gène n’est pas simplement «on» ou «off»

A la base, la plupart des gènes présentent à leur extrémité un segment d’ADN appelé promoteur. Ce dernier est essentiel à la production de protéines. Lorsque le promoteur est activé, il génère une molécule spécifique appelée mARN, qui sera ensuite transformée en protéine. Or un gène n’est pas seulement en mode «on» ou «off». Les nuances peuvent être beaucoup plus subtiles, et la quantité de protéines peut varier. L’équipe du Maerkl Lab a établi un modèle pour comprendre toutes ces variations.

Comme un variateur d’intensité lumineuse

Les scientifiques se sont concentrés sur des cellules de levures, qui font office de modèle pour beaucoup de processus qui se déroulent dans les cellules humaines. Ils ont généré 209 promoteurs, qu’ils ont introduits dans le génome de la cellule. En plaçant les 209 souches de levure dans un dispositif microfluidique, puis en utilisant des méthodes de fluorescence, les scientifiques ont pu constater que chacune des variantes produisait une quantité différente de protéines.

"Nos résultats in vivo sont venus confirmer les données in vitro que nous possédions. Cela nous a permis d’établir un modèle de calcul informatique pour prédire le niveau d’expression des gènes, sur la base de données in vitro". En somme, il suffit maintenant d’opérer un ou deux changements sur la structure d’un promoteur pour réguler la production de protéines de manière très précise. «Un peu comme avec un variateur d’intensité lumineuse », illustre Sébastian Maerkl.

Vers la fabrication de cellules sur mesure?

Ces nouveaux apports scientifiques ne sont pas à négliger, car la méthode devrait pouvoir s’appliquer à tous les promoteurs de gènes d’une cellule de levure. Elle constitue donc un outil précieux pour une meilleure compréhension des processus biologiques. Elle devrait en outre permettre de fabriquer des cellules sur mesure.

«Nous commençons seulement à comprendre tous ces phénomènes, mais le potentiel est important. Une meilleure compréhension de la biologie pourrait permettre de fabriquer artificiellement de nouvelles cellules optimisées, dotées de meilleures performances. On pourrait par exemple générer des cellules qui sont optimales pour produire du biocarburant, ou encore des médicaments contre la malaria.»

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