Les systèmes d’imagerie optique connaissent une transformation majeure grâce à l’intelligence artificielle. Une nouvelle approche automatisée promet d’optimiser la conception des lentilles sans intervention humaine, réduisant considérablement le temps et les coûts de développement. Les implications pour l’industrie de l’imagerie sont vastes, notamment pour les appareils photo des smartphones.
La méthode DeepLens, développée par Xinge Yang, Qiang Fu et Wolfgang Heidrich à l’Université des Sciences et Technologies du Roi Abdullah (KAUST), s’appuie sur le concept d’apprentissage par curriculum. Cette approche structurée et itérative prend en compte les paramètres clés des systèmes d’imagerie, tels que la résolution, l’ouverture et le champ de vision.
L’apprentissage par curriculum décompose la tâche complexe de conception d’un système de lentilles en étapes progressives. Les exigences en termes de résolution, de taille d’ouverture et de champ de vision sont augmentées graduellement, permettant à l’intelligence artificielle d’appréhender le problème de manière incrémentale.
Une autonomie sans précédent
Un aspect remarquable de DeepLens réside dans son indépendance vis-à-vis des conceptions humaines préexistantes. Le système est capable de créer entièrement sa propre conception d’un système optique composé, comprenant plusieurs éléments de lentilles réfractives, chacun avec ses propres formes et propriétés personnalisées, afin d’obtenir les meilleures performances globales.
Xinge Yang souligne l’efficacité de cette approche : «Les méthodes automatisées traditionnelles n’apportent que des optimisations mineures aux conceptions existantes. Notre approche peut optimiser des conceptions de lentilles complexes dès le début, réduisant drastiquement les mois de travail manuel d’un ingénieur expérimenté à une seule journée de calcul.»
Des résultats probants
La méthode DeepLens a déjà démontré son efficacité dans la création de conceptions optiques classiques et d’une lentille computationnelle à profondeur de champ étendue. Les tests ont été réalisés dans un format de téléphone portable avec un grand champ de vision, utilisant des éléments de lentille à surfaces fortement asphériques et une courte distance focale arrière.
L’approche a également été éprouvée dans un système d’imagerie classique à six éléments, permettant d’analyser l’évolution de sa conception et de ses performances optiques au fur et à mesure de son adaptation aux spécifications de conception.
Applications et perspectives
Xinge Yang explique : «Notre méthode s’adresse spécifiquement à la conception de lentilles réfractives multi-éléments, courantes dans les dispositifs allant des microscopes aux caméras cellulaires et aux télescopes. Nous anticipons un fort intérêt de la part des entreprises impliquées dans les caméras de dispositifs mobiles, où les contraintes matérielles nécessitent une assistance computationnelle pour une qualité d’image optimale.»
Actuellement, l’approche DeepLens ne s’applique qu’aux éléments de lentille réfractive. Toutefois, l’équipe de KAUST travaille à étendre le système aux systèmes optiques hybrides combinant des lentilles réfractives avec des optiques diffractives et des métalentilles.
«Cela permettra de miniaturiser davantage les systèmes d’imagerie et de débloquer de nouvelles capacités telles que les caméras spectrales et l’imagerie conjointe couleur-profondeur.» conclut une nouvelle fois Xinge Yang.
Légende illustration : La méthode de conception DeepLens est très efficace pour créer à la fois des conceptions optiques classiques et une lentille de calcul à profondeur de champ étendue. © 2024 KAUST.
Yang, X., Fu., Q. & Heidrich, W. Curriculum learning for ab initio deep learned refractive optics. Nature Communications 15, 6572 (2024).| article