Des chercheurs ont créé un hydrogel peu coûteux capable de filtrer le phosphore des eaux de surface contaminées, des réserves d’eau potable ou des flux d’eaux usées afin de réduire la pollution par le phosphore et de réutiliser le phosphore pour des applications agricoles et industrielles. En plus de capturer et de libérer efficacement le phosphore, les hydrogels peuvent être réutilisés plusieurs fois, ce qui les rend rentables.
Le phosphore est un élément essentiel pour de nombreuses applications, en particulier les engrais agricoles. Mais il y a deux grands défis à relever. Tout d’abord, le phosphore utilisé pour l’agriculture et les applications industrielles provient principalement d’opérations minières, qui reposent sur des ressources limitées et peuvent poser des problèmes environnementaux. Deuxièmement, les niveaux élevés de phosphore dans les eaux de surface – provenant du ruissellement agricole, des stations d’épuration et d’autres sources – contribuent à d’importants problèmes de qualité de l’eau tels que l’eutrophisation, conduisant à ce que l’on appelle les « zones mortes ».
« L’idée de filtrer le phosphore des eaux contaminées n’est pas nouvelle, mais les technologies existantes reposent sur des acides ou des bases puissants pour libérer le phosphore une fois qu’il a été capturé », indique Jan Genzer, coauteur d’un article sur ces travaux et professeur émérite S. Frank et Doris Culberson d’ingénierie chimique et biomoléculaire à l’université d’État de Caroline du Nord. « En fin de compte, cela pose des défis environnementaux en soi et rend coûteuse la collecte du phosphore à l’aide de technologies de filtration. Nous avons fait des progrès considérables dans la résolution de ce problème ».
Les chercheurs ont créé un hydrogel qui combine deux matériaux disponibles dans le commerce : le polyéthylèneimine (PEI), qui est un polymère peu coûteux dont la structure moléculaire lui permet d’extraire le phosphore de l’eau lorsque celle-ci traverse le matériau, et le poly(méthyl-éther vinylique-co-anhydride maléique) (PMVEMA), qui est un polymère peu coûteux qui se lie au PEI pour former un gel robuste qui permet à l’eau de passer tout en conservant son intégrité structurelle.
Lors des essais, l’hydrogel PEI/PMVEMA s’est avéré extrêmement efficace pour éliminer le phosphore de l’eau contaminée lorsqu’elle s’écoulait à travers le matériau à température ambiante. Il a également libéré efficacement le phosphore capturé à température ambiante en utilisant des bases douces.
« Nos expériences suggèrent que l’hydrogel serait capable d’éliminer bien plus de 90 % du phosphore des eaux usées ou des eaux de surface contaminées », explique M. Genzer. « Nous avons également démontré que nous pouvions récupérer jusqu’à 99 % de ce phosphore pour le réutiliser. Nous avons également montré que l’hydrogel peut être réutilisé avec une baisse minimale des performances. Par exemple, après trois utilisations, nous pouvions encore réutiliser 97,5 % du phosphore. »
« Pour replacer les choses dans leur contexte, les matériaux actuels de filtration du phosphore coûtent entre 20 et 300 dollars par livre de phosphore qu’ils peuvent capturer », ajoute M. Genzer. « Notre matériau coûte 23 dollars par livre de phosphore éliminé si vous ne l’utilisez qu’une seule fois. Mais vous pouvez l’utiliser encore et encore. Si vous utilisez l’hydrogel deux fois, le coût tombe à 8 dollars par livre de phosphore récolté. Si vous l’utilisez 50 fois, le prix tombe à moins de 50 cents par livre. »
« Nous avons déposé un brevet provisoire pour ce matériau et nous recherchons des partenaires industriels intéressés par l’incorporation de ce matériau dans des applications pratiques pour le traitement des eaux usées, l’assainissement de l’environnement et la récolte de phosphore à des fins agricoles et industrielles », précise encore M. Genzer.
« Du point de vue de la recherche, le prochain grand défi consiste à déterminer comment utiliser ce matériau pour extraire le phosphore des sols contaminés. Il s’agit d’un problème plus complexe que l’élimination du phosphore des liquides. »
L’article, intitulé « Functional Hydrogels for Selective Phosphate Removal from Water and Release on Demand » (Hydrogels fonctionnels pour l’élimination sélective du phosphate de l’eau et la libération à la demande), est publié dans Langmuir. Le premier auteur de l’article est Jiangfeng Xu, étudiant en doctorat à NC State. L’auteur correspondant est Kirill Efimenko, professeur associé de recherche en ingénierie chimique et biomoléculaire à NC State. L’article a été cosigné par Christopher Gorman, professeur de chimie à NC State, Yaroslava Yingling, Kobe Steel Distinguished Professor of Materials Science and Engineering à NC State, et Lisa Castellano, associée de recherche à NC State. DOI : 10.1021/acs.langmuir.5c00679