Les propriétés structurelles du mycélium d’une moisissure commune du sol sont prometteuses pour des applications biomédicales, telles que les hydrogels et les échafaudages tissulaires.
Les champignons jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes naturels en décomposant les matières organiques mortes et en les réintroduisant dans l’environnement sous forme de nutriments. Mais une nouvelle étude de l’université de l’Utah révèle qu’une espèce, Marquandomyces marquandii, une moisissure omniprésente dans le sol, pourrait constituer un élément de base prometteur pour la fabrication de nouveaux matériaux biomédicaux.
Ces dernières années, les scientifiques ont examiné le mycélium fongique, ce réseau de filaments semblables à des racines (ou hyphes) qui pénètrent dans les sols, le bois et d’autres substrats riches en nutriments, à la recherche de matériaux présentant des propriétés structurelles qui pourraient être utiles à l’homme, en particulier dans le domaine de la construction.
Dans une série de démonstrations en laboratoire, des chercheurs en génie mécanique et en biologie de l’université ont montré que M. marquandii peut se développer en hydrogels, des matériaux qui retiennent beaucoup d’eau et imitent la souplesse et la flexibilité des tissus humains, selon une étude récente.
Contrairement à d’autres champignons qui ont du mal à retenir l’eau et à rester durables, M. marquandii produit des hydrogels épais et multicouches qui peuvent absorber jusqu’à 83 % d’eau et reprendre leur forme initiale après avoir été étirés ou soumis à des contraintes, selon Atul Agrawal, auteur principal de l’étude et doctorant au John and Marcia Price College of Engineering. Ces propriétés en font un bon candidat pour des utilisations biomédicales telles que la régénération tissulaire, les échafaudages pour la culture de cellules ou même les dispositifs flexibles et portables.
Son article est le dernier en date à sortir du laboratoire de l’auteur principal Steven Naleway, professeur agrégé de génie mécanique. En collaboration avec le mycologue Bryn Dentinger, conservateur au Musée d’histoire naturelle de l’Utah, il explore les substances biologiques afin de développer des matériaux bio-inspirés ayant des applications structurelles et médicales.
Agrawal et Naleway cherchent à obtenir un brevet pour leurs découvertes sur le champignon Marquandomyces.
« Celui-ci en particulier était capable de développer ces grandes couches mycéliennes charnues, ce qui nous intéresse particulièrement. Le mycélium est principalement composé de chitine, une substance similaire à celle que l’on trouve dans les coquillages et les exosquelettes des insectes. Il est biocompatible, mais c’est aussi un tissu très spongieux », indique Naleway, dont le laboratoire est financé par la National Science Foundation. « En théorie, on pourrait l’utiliser comme modèle pour des applications biomédicales ou essayer de le minéraliser pour créer une structure osseuse. »

Les champignons constituent un règne à part entière, avec environ 2,2 à 3,8 millions d’espèces, dont seulement 4 % ont été caractérisées par les scientifiques. Depuis des décennies, les scientifiques ont dérivé de nombreux composés pharmacologiques des champignons, de la pénicilline au LSD. M. Naleway fait partie d’un groupe d’ingénieurs qui s’intéressent actuellement aux microstructures fongiques en vue d’une utilisation potentielle dans d’autres domaines.
La façon dont les hyphes fongiques se développent explique pourquoi les mycéliums pourraient avoir des propriétés structurelles utiles.
« Au fur et à mesure qu’ils se développent, ils forment des parois transversales qui compartimentent un filament très long en de très nombreuses cellules individuelles », ajoute M. Dentinger, professeur agrégé de biologie et conservateur au Musée d’histoire naturelle de l’Utah. « Ils se développent tant qu’ils trouvent suffisamment de nutriments autour d’eux. Il n’y a pas de stade de développement où ils s’arrêtent. C’est une stratégie fondamentalement différente de celle des animaux pour vivre dans leur environnement. »
Les champignons ont développé la multicellularité d’une manière très différente de celle que l’on observe chez les animaux et les plantes, où les cellules se différencient et restent généralement dans des états différenciés.
« Chez les champignons, chaque cellule est capable de se différencier puis de revenir à son état d’origine. Ils sont tout simplement beaucoup plus malléables et adaptables », dit M. Dentinger. « Il y a donc beaucoup à exploiter dans ces comportements qui n’ont pas encore été pleinement explorés. »
Au cours de l’étude, l’équipe a découvert que ces cultures mycéliennes présentaient un degré d’hydrophilie inhabituellement élevé, retenant 83 % d’eau sans perdre leur forme.
« Ce qui était intéressant dans notre recherche, c’est que le champignon lui-même a créé une structure complète et très organisée », précise M. Agrawal. Le Marquandomyces a surpassé les matériaux fabriqués à partir de champignons plus couramment étudiés, tels que le Ganoderma et le Pleurotus, des espèces qui présentent des limites en matière de rétention d’eau, ce qui restreint leur application dans les systèmes biomédicaux à base d’hydrogel.
Lors d’expériences en laboratoire, l’équipe d’Agrawal a découvert que le matériau pouvait récupérer 93 % de sa forme et de sa résistance après des contraintes répétées.
« Pour pouvoir maintenir cette structure, toute la colonie de mycélium est reliée entre elle, et ce que nous avons observé grâce à l’imagerie optique, c’est qu’au sein de ces couches, au niveau du site de transition, il s’agit d’une structure à gradient fonctionnel », conclut M. Agrawal. « Cela permet de répartir la concentration des contraintes entre les couches. Ainsi, lorsque nous appliquons une contrainte mécanique, celle-ci est répartie de manière uniforme, ce qui améliore les performances mécaniques de ces hydrogels. »
L’étude, intitulée « Multilayer, Functionally Graded Organic Living Hydrogels Built by Pure Mycelium », a été publiée en ligne le 27 août dans JOM, The Journal of the Minerals, Metals & Materials Society. DOI : 10.1007/s11837-025-07685-5
Source : Université de l’Utah