Les systèmes neuro-prothétiques, qui stimulent artificiellement la contraction musculaire par courant électrique, offrent une lueur d’espoir pour les personnes paralysées ou amputées. Malgré des décennies de recherche, ces dispositifs restent peu utilisés en raison de la fatigue musculaire rapide et du contrôle limité qu’ils procurent.
Une nouvelle approche pour un meilleur contrôle musculaire
Des chercheurs du MIT ont mis au point une méthode innovante visant à améliorer le contrôle musculaire tout en réduisant la fatigue. Plutôt que d’utiliser l’électricité pour stimuler les muscles, ils ont opté pour la lumière. Une étude menée sur des souris a démontré que cette technique optogénétique permet un contrôle musculaire plus précis et une diminution significative de la fatigue.
« Il s’avère qu’en utilisant la lumière, via l’optogénétique, on peut contrôler les muscles de manière plus naturelle. En termes d’application clinique, ce type d’interface pourrait avoir une utilité très large », explique Hugh Herr, professeur de sciences des médias et des arts, co-directeur du K. Lisa Yang Center for Bionics au MIT, et membre associé du McGovern Institute for Brain Research du MIT.
Le principe de l’optogénétique
L’optogénétique repose sur l’ingénierie génétique des cellules pour qu’elles expriment des protéines sensibles à la lumière, permettant ainsi aux chercheurs de contrôler l’activité de ces cellules en les exposant à la lumière. Bien que cette approche ne soit pas encore réalisable chez l’humain, Hugh Herr, l’étudiant diplômé du MIT Guillermo Herrera-Arcos, et leurs collègues du K. Lisa Yang Center for Bionics travaillent actuellement sur des moyens de délivrer ces protéines de manière sûre et efficace dans les tissus humains.
Herr est l’auteur principal de l’étude, publiée aujourd’hui dans Science Robotics. Herrera-Arcos en est l’auteur principal.
Contrôle optogénétique
Depuis des décennies, les chercheurs explorent l’utilisation de la stimulation électrique fonctionnelle (FES) pour contrôler les muscles du corps. Cette méthode implique l’implantation d’électrodes qui stimulent les fibres nerveuses, provoquant la contraction d’un muscle. Cependant, cette stimulation tend à activer l’ensemble du muscle d’un coup, ce qui n’est pas la manière naturelle dont le corps humain contrôle la contraction musculaire.
« Les humains possèdent une fidélité de contrôle incroyable, obtenue par un recrutement naturel du muscle, où les petites unités motrices, puis les unités de taille moyenne, puis les grandes unités motrices sont recrutées, dans cet ordre, à mesure que la force du signal augmente », explique Hugh Herr. « Avec la FES, lorsque vous stimulez artificiellement le muscle avec de l’électricité, les plus grandes unités sont recrutées en premier. Ainsi, à mesure que vous augmentez le signal, vous n’obtenez aucune force au début, puis soudainement, vous obtenez trop de force. »

Cette grande force rend non seulement plus difficile le contrôle fin du muscle, mais elle épuise également le muscle rapidement, en cinq à dix minutes.
Résistance à la fatigue
En utilisant des données issues de ces expériences, les chercheurs ont créé un modèle mathématique du contrôle musculaire optogénétique. Ce modèle relie la quantité de lumière entrant dans le système à la force générée par le muscle.
Ce modèle mathématique a permis aux chercheurs de concevoir un contrôleur en boucle fermée. Dans ce type de système, le contrôleur délivre un signal de stimulation, et après la contraction du muscle, un capteur détecte la force exercée par le muscle. Cette information est renvoyée au contrôleur, qui calcule si, et dans quelle mesure, la stimulation lumineuse doit être ajustée pour atteindre la force désirée.
Grâce à ce type de contrôle, les chercheurs ont constaté que les muscles pouvaient être stimulés pendant plus d’une heure avant de se fatiguer, tandis que les muscles devenaient fatigués après seulement 15 minutes de stimulation FES.
Défis et perspectives
Un obstacle que les chercheurs s’efforcent de surmonter est la manière de délivrer en toute sécurité les protéines sensibles à la lumière dans les tissus humains. Il y a quelques années, le laboratoire de Hugh Herr a rapporté que chez les rats, ces protéines peuvent déclencher une réponse immunitaire qui inactive les protéines et peut également entraîner une atrophie musculaire et la mort cellulaire.
« Un objectif clé du K. Lisa Yang Center for Bionics est de résoudre ce problème », indiqué Hugh Herr. « Un effort multiprongé est en cours pour concevoir de nouvelles protéines sensibles à la lumière et des stratégies pour les délivrer, sans déclencher de réponse immunitaire. »
Pour atteindre les patients humains, le laboratoire de Herr travaille également sur de nouveaux capteurs pouvant être utilisés pour mesurer la force et la longueur des muscles, ainsi que sur de nouvelles méthodes pour implanter la source lumineuse. Si ces efforts aboutissent, les chercheurs espèrent que leur stratégie pourrait bénéficier aux personnes ayant subi des AVC, des amputations de membres, des lésions de la moelle épinière, ainsi qu’à d’autres personnes ayant une capacité de contrôle des membres altérée.
« Cela pourrait mener à une stratégie minimalement invasive qui changerait la donne en termes de soins cliniques pour les personnes souffrant de pathologies des membres », conclut Hugh Herr.
Légende illustration : Des chercheurs du MIT ont mis au point un moyen d’aider les personnes amputées ou paralysées à retrouver le contrôle de leurs membres. Au lieu d’utiliser l’électricité pour stimuler les muscles, ils ont utilisé la lumière. Ici, Guillermo Herrera-Arcos observe la lumière qui émane d’un neurostimulateur optique. Crédit : Steph Stevens
Article : « Closed-loop optogenetic neuromodulation enables high-fidelity fatigue-resistant muscle control » – DOI: https://www.science.org/doi/10.1126/scirobotics.adi8995