Gaz de schiste : passe d’armes entre l’Amicale des foreurs et C. Lepage

L’Amicale des foreurs et des métiers du pétrole (AFMP) a répondu le 20 août dernier à Corinne Lepage qui avait considéré la lettre tranmise à la ministre de l’Écologie au sujet des hydrocarbures de roche mère comme un « tissu de contre vérités ».

"Permettez-nous de contester à notre tour les arguments que vous avancez pour justifier ce propos" a donc répliqué l’AFMP, qui dénonce également être devenu "la cible privilégiée des
détracteurs
."

Voici la teneur intégrale de ce droit de réponse :

• Le rapport PE 464 425 publié par le Parlement Européen a été réalisé comme vous le dîtes « à la demande de la Commission Environnement » par le cabinet de consultants allemand LudwigBölkow-Systemtechnik (LBST), dont nous ne contestons pas la compétence ; mais le fait que ce rapport ait été commandé à ce cabinet par une commission dont les convictions ne font guère de doute n’offre pas une garantie absolue d’impartialité.

D’ailleurs, il est bien fait état en préambule du rapport d’une clause de non-responsabilité qui stipule que « Les opinions exprimées dans le présent document sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position du Parlement européen ».

Vous vous attardez longuement sur le rapport de l’Energy Institute de l’Université du Texas qui serait entaché d’un conflit d’intérêt, permettez-nous à notre tour d’émettre des réserves sur la totale objectivité du rapport du LBST.

• Ce rapport est d’ailleurs tout à fait incomplet, car, par exemple, il parle des puits forés dans le bassin parisien sans recours à la fracturation hydraulique (ce qui n’est pas tout à fait exact) mais il ne fait pas mention des très nombreux puits « conventionnels » forés aux Pays-Bas qui dans leur immense majorité sont stimulés par fracturation hydraulique, ce depuis des décennies.

• Ce rapport fait état de « 260 substances connues utilisées pour la fracturation hydraulique », sans préciser dans quelles proportions elles entrent dans la composition du fluide de fracturation ; de plus cet argument est fallacieux car il laisse entendre que l’on mélange 260 produits (toxiques, mutagènes, carcinogènes et/ou allergènes) pour obtenir le fluide de fracturation. Il n’en est évidemment rien et les composés qui sont injectés contiennent, comme beaucoup de produits que nous utilisons quotidiennement, des substances nocives ou toxiques, encore faut-il préciser dans quelle proportion elles sont présentes. Il est bien connu que le savon et les lessives, les produits ménagers et les cosmétiques, contiennent des substances nocives pour l’homme et pour l’environnement, qui, sous un certain dosage, sont cependant acceptées !

Ceci dit, nous sommes entièrement d’accord avec vous en ce qui concerne le strict respect du règlement REACH.

• Toujours au sujet des produits chimiques, dans une tribune du journal « La Croix » en date du 15 mars 2011, vous parliez « des 500 produits toxiques qui sont utilisés pour permettre la mise en œuvre du procédé de fracturation ». Nous serions curieux de savoir où sont passés les 240 produits qui manquent à l’appel !

• Le rapport commandé par la Ministre de l’Écologie en février 2011 au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies portant sur les hydrocarbures de roche-mère fait état de son coté d’une douzaine de produits, ce qui rejoint les chiffres que nos collègues de Halliburton et Schlumberger nous ont donnés : nous avons plutôt tendance à faire confiance à ce rapport qu’à celui du LBST.

Ce rapport a au moins l’avantage de ne pas aller dans le sens de la pensée dominante de ses commanditaires : c’est certainement la raison pour laquelle il est totalement passé sous silence.

• Vous mettez en doute la capacité des opérateurs à conduire les opérations de forage et de fracturation en toute sécurité en faisant un amalgame au sujet des « Américains » qui est insultant pour la profession et les administrations qui sont chargées de la contrôler.

Pourtant en page 83 du rapport du LBST, il n’est fait mention que d’accidents qui ont été sanctionnés, alors que vous avez l’air d’insinuer qu’il s’agirait de pratiques courantes !

TOTAL, par exemple, à qui on a interdit la possibilité de faire des recherches en France en abrogeant des permis régulièrement obtenus, est techniquement au fait de l’exploitation des huiles et gaz de roche mère ; son savoir faire reconnu universellement est iniquement désavoué en France : c’est une honte pour notre industrie pétrolière ainsi bafouée.

Oui, il est exact que 6000 puits environ ont été forés en France. Nous en avons parlé pour préciser que l’isolation des aquifères était parfaitement maîtrisée par les pétroliers, mais vous mélangez tout en amalgamant la technique de forage et la fracturation, ce qui est excusable car ces technologies sont complexes, mais cet amalgame contribue, comme le reste, à jeter le doute auprès du grand public, lui aussi béotien en la matière. Si vous tenez absolument à lier isolation des nappes phréatiques et fracturation, alors renseignez vous sur l’expérience des Pays-Bas en la matière.

Vous agitez également le chiffon rouge à propos des tremblements de terre : il s’agit d’un phénomène bien connu, car sur nombre de gisements existants la déplétion entraine des micro-séismes, comme c’est le cas à Lacq par exemple où 2.000 secousses se sont produites au fur et à mesure que le gisement de Lacq profond se décomprimait. En 60 ans, la pression du réservoir a baissé de 650 bars à 25 bars provoquant un affaissement du terrain superficiel de l’ordre de 60 mm et induisant 4 secousses de magnitude supérieure à 4 sur l’échelle de Richter, 44 plus grandes que 3 et le reste se situant entre 1 et 3 degrés : la population ne s’est jamais affolée et les vaches ont continué à paître tranquillement dans les champs alentour.

Quant au puits foré dans le Lancashire par la Société Cuadrilla Resources, des micro-séismes ont effectivement été enregistrés (magnitude décroissant de 2,3 à 1,5). Le forage a été arrêté le temps d’étudier tous les paramètres, puis il a repris pour aboutir à une découverte de gaz de schiste très importante, alors que selon vous « l’expérience a été stoppée ». Tout récemment, le gouvernement britannique a donné son feu vert à la réintroduction de la fracturation hydraulique comme méthode d’exploration en matière de gaz de schiste.

L’eau nécessaire pour les fracturations

Nous maintenons les chiffres que nous avons mentionnés dans notre lettre car ils sont assortis d’une précision concernant la taille du drain considéré, ce qui n’est pas le cas du vôtre : à être imprécis de la sorte, il est facile d’instiller le doute et la peur !

Par ailleurs vous faites état dans votre lettre du fait que « les nouveaux projets de la seule année 2010 représentent 17 Mds de M3, contre 50 Mds pour tous les autres usages de l’eau », alors que les chiffres de votre rapport de référence parle de LITRES, soit mille fois moins : erreur ou manipulation ?

Enfin, sachez que l’eau d’arrosage ne retourne pas dans la nappe phréatique comme vous l’écrivez : les quantités d’arrosage sont calculées pour compenser l’évapo-transpiration des plantes ou du gazon.

On sait par ailleurs parfaitement retraiter l’eau issue de la fracturation, comme toutes les eaux industrielles.

• Parlons maintenant du mitage du territoire : les puits une fois forés et complétés laissent une très faible empreinte dans le paysage, ce qui n’est pas le cas des éoliennes dont nous ne contestons pas pour autant l’installation.

• Le sombre tableau que vous dressez se doit d’être tempéré par des avis radicalement différents venant des plus hautes instances, comme celui de Kandeh Yumkella, co-directeur de l’initiative onusienne « Sustainable Energy for All », sur le rôle du gaz naturel, dont le gaz de schiste. Après rencontres avec les gouvernements, acteurs industriels et organisations non gouvernementales – dont le WWF – M. Yumkella estime que l’exploitation du pétrole et du gaz est « essentielle », et que le gaz de schiste jouera un « rôle majeur dans la réduction des gaz à effet de serre, protégeant les forêts et améliorant la santé et la qualité de vie des plus défavorisés». Il ajoute que le gaz de schiste « est l’une des solutions dont nous avons besoin pour réduire la déforestation et le chiffre de 2 millions de personnes qui meurent chaque année asphyxiées par des feux de cheminée domestiques ».

Sur le développement du gaz de schiste aux Etats-Unis, M. Yumkella rappelle que le gaz de schiste a permis de « considérablement réduire les émissions de carbone… et rendre l’énergie économiquement plus abordable ».

• Vous nous faites un grand honneur en nous taxant d’idéologues, mais nous n’entretenons aucun parti politique, ni cellule de réflexion, ni fondation, nous sommes simplement des ingénieurs et techniciens qui mettons ou avons mis nos compétences au service des hommes. Oui, nous croyons que la technologie peut contribuer au progrès de l’humanité et nous avons derrière nous des siècles qui justifient cela. Le pétrole en particulier a contribué à un fabuleux bond en avant de l’humanité depuis un siècle.

Cette technologie que vous vouez aux gémonies, n’en bénéficiez-vous pas, comme nous, tous les jours ?

A rejeter ainsi la capacité des hommes à relever des défis techniques, vous décrédibiliser totalement le mouvement écologique qui est porteur de thèmes auxquels nous sommes pourtant réellement sensibles.

Nous nous sentons en effet concernés par la protection de l’environnement, mais nous constatons à regret que le ton condescendant, parfois même agressif, les clichés simplistes, l’argumentation déformée, tronquée ou dissimulée cherchant à nourrir les peurs, que nous observons depuis bientôt deux ans, ne servent pas la cause de l’écologie.

Nous vous prions d’agréer, Madame, nos respectueuses salutations.

Jacques Sallibartant – Président
Jean-Claude Rémondet – Vice-président

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s. lang

Juste une petite remarque, pour montrer à quel point cette réponse est partiale et orientée (et bien loin de la prétendue objectivité technique et scientifique à laquelle prétend obéir l’AFMP): Les citations de M. Kandeh Yumkella, co-directeur de l’initiative onusienne « Sustainable Energy for All », sont totalement dévoyées: 1/ Aux USA, l’utilisation de gaz de schiste (de gaz naturel, d’une manière générale) a réduit les émissions de GES par rapport à l’utilisation du charbon, dans la génération d’électricité. Situation qui n’a strictement rien à voir avec la situation française. 2/ L’utilisation de gaz naturel en lieu et place de bois, pour lutter contre la déforestation: oui, dans les endroits où la forêt coupée n’est pas remplacée! Encore une fois, c’est une situation sans rapport aucun avec la situation française (pour mémoire la surface de la forêt française est croissante). Si certains points de la réponse sont effectivement tout à fait pertinents, la simple mention de ces deux “arguments” suffit à décrédibiliser totalement cette volonté de “neutralité idéologique” de l’AFMP. La volonté de vouloir ramener le débat sur des considérations purement techniques (ce qui est loin d’être pertinent, à mon avis) est une belle dose de poudre aux yeux, quand on voit un tel détournement d’analyse. Quant à l’argument premier qui est de rejeter le rapport parce que commandité par une entité dont on soupçonne le parti-pris, c’est non seulement insultant pour l’intégrité du cabinet en question, mais c’est en plus contre-productif, puisqu’à cela on oppose des chiffres donnés par… des foreurs et pétroliers. Dont l’objectivité me semble pour le moins douteuse.

Enpassant

Que de mauvaise foi… Il suffit pour s’ne rendre compte de visionner GAZLAND, (documentaire partisan à regarder avec distanciation) qui laisse quand même quelques “interrogations” en suspens, auxquelles ne répondent pas Hlliburton ou Schlumberger…. Pour autant, dire qu’il ne faut pas s’enquérir de savoir si le sous-sol français ne regorge pas de Gaz de Schiste serait tout aussi imbécile, notamment si demain on sait l’extraire “proprement” (sans se suicider, quoi…).

chelya

C’est quand même hallucinant de voir les foreurs reprocher qu’au sein de l’union européenne ce soit les services du commissaire européen à l’environnement qui soit chargé d’éclairer sur… l’impact d’une activité sur l’environnement ! Il voulait que ce soit qui d’autres ? Le commissaire aux affaires maritimes et à la pêche ?

Trotta olivier

Rapport de la Royal Society et de la Royal Academy of Engineering sur la fracturation hydraulique et l’exploitation des gaz de schistes. Pour ne pas mourir idiot, il faut écouter le plus d’avis possibles d’experts et couper la poire en 2, chacun défendant son beefteck ! pour le reste, je pense depuis longtemps que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas, soit la sobriété énergétique heureuse qui éviterait toutes ces querelles de clochers des pour et des anti, etc… bon, c’est souvent un business d’ailleurs tout ce bavardage… bref du bon sens que diable ! enfin, en tant qu’inventeur de la co2mmunication et de l’éco2nomie je ne peux pas faire l’apologie du gaz fossile donc du gaz de schiste et des énergies fossiles en général ; je rappelle que 12 gr de CO2 = 1 ballon de football de CO2 en volume de 23 cm de diamètre ! une fois ça sous les yeux en référent, votre vie change radicalement… Cordialement. Et personne n’a vu sinon “CO2rinne Lepage”, simple CO2incidence ?! Alors, l’éco2logie, oui ?! ou l’éco2 logique… l’écologie, le vert, le green ont le grand désavantage de n’être que des mots vagues, pas le CO2 : des chiffres, des faits vérifiables, etc… et la nuance est de taille. L’éco2nomie serait à l’écologie ce que la mer est à l’océan est les feuilles à l’automne, c’est dire les progrès accomplis… mais pas forcément pour les rentiers de l’écologie… 100% des produits et des services green, vert, ecolos, bio… ont pourtant un impact CO2 bel et bien réel dont on ne parle guère… forcément ! à suivre…

Energie+

Pour rappel très résumé, bilan des gaz des schiste : pollution de l’air (complexes BTEX etc), risques de pollutions des eaux à court comme à LT (produits utilisés + diffusion de contaminants types métaux lourds, mercure, arsenic etc), bilan énergétique faible : entre 1 et 2 unités d’énergie obtenue pour 1 unité d’énergie nécessaire, nécessités d’infrastructures dont stockage, multiples forages au km2, noria de camions (800 mouvements en moyenne par forage), nuisances d’exploitations et visuelles, brevets et technologie américaine donc retombées locales atténuées, multiples sociétés d’exploitation dont la responsabilité à long terme sera nulle en cas de dégâts à l’environnement etc. Selon la couche de schiste, un puits peut donner accès à des quantités de gaz très variables pour être sûr de rentabiliser un champ il faut donc une forte densité de forages, des milliers de déplacements de camions, auxquels s’ajoutent la pollution du raffinage. Suivant les endroits où les produits très toxiques utilisés pénètrent (quelle que soit la méthode utilisée, y compris celle de Gasfrac), par exemple une nappe phréatique, leur vitesse de propagation peut aller de 1 à 1000. Dans certains cas, ils peuvent ainsi parcourir des centaines de mètres par jour dans les sous-sols. Sur 278 produits utilisés étudiés, 93% affectent la santé et 43% sont également des perturbateurs endocriniens durables (impacts sur la différenciation sexuelle, la stérilité, régulation hormonale, facteurs de diabète, cancers etc). L’exploitation de gaz de schistes peut entraîner la remontée de contaminants des sols, à court, moyen ou long terme (large diffusion de métaux lourds, arsenic, mercure, matériaux radioactifs etc) (Pr Theo Colborn Université de Floride) de même que la pollution de l’air (complexes BTEX « benzène, toluène, éthylbenzène, xylène » + oxydes nitreux, méthane, métaux lourds etc.). Une étude publiée par le professeur Robert W. Howarth de l’Université Cornell et confirmée par l’Université de Stanford constate qu’une fois calculé l’impact des émissions fugitives de méthane dans le cycle de vie, les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par les gaz de schiste sont plus élevées que celles du charbon et du mazout. Le bilan des gaz de schiste est déplorable et au pire son exploitation « ponctuelle à certains endroits où les risques sont moindres et maîtrisables» pourrait à terme avoir un intérêt pour des applications à haute valeur ajoutée et « recyclables » et non sous forme « combustible ». D’autant que cette dernière retarderait encore l’essor et les innovations des énergies renouvelables.

Noshit

Pourquoi est ce que ce sont systematiquement des societes petrolieres texanes qui viennent piller les sous sols méditerranéens ? et se trouvent aussi impliquées par sociétés cousines dans les guerres et agitations dans les memes zones ? ouvrez les yeux sur les Halli Burt*n et compagnies !!! Non a ce pillage sacage et oui aux energies alternatives . pourquoi les agences de notation americaines se sont jetées sur la Grece pour les faire plonger alors que les grecs ne sont pas plus endettés que les US , …. et que l’on a comme par hasard découvet dans les fonds marins des eaux territoriales grecques des reserves petroliferes enormes ? ras le bol qu’on vienne nous ficher le bazar en mediterranée pour nous piller a bons comptes pour les texans