La quête des matériaux quantiques idéaux a longtemps intrigué les scientifiques. Les Weyl semimétaux, en particulier, ont suscité un intérêt considérable en raison de leurs propriétés électromagnétiques exotiques. Cependant, la réalisation d’un tel matériau pur restait un défi majeur. Une équipe internationale de chercheurs vient de lever ce voile, offrant une nouvelle perspective à l’étude des matériaux quantiques.
Laboratoire de Transport Quantique à Corrélation Forte du Centre RIKEN pour les Sciences des Matières Emergentes (CEMS) a mené une étude révolutionnaire. Cette recherche a abouti à la synthèse d’un Weyl semi-métal idéal, répondant ainsi à un problème qui préoccupait les spécialistes depuis plus d’une décennie. Les fermions de Weyl, issus des excitations quantiques collectives des électrons dans les cristaux, sont au cœur de cette avancée.
Les chercheurs ont réussi à créer un matériau abritant une paire unique de fermions de Weyl, sans états électroniques superflus. Ce résultat est d’autant plus remarquable que la plupart des matériaux Weyl actuels présentent une conduction électrique dominée par des électrons triviaux indésirables, masquant ainsi les fermions de Weyl.
Publié récemment dans la revue Nature, cet ouvrage est le fruit d’une collaboration étroite s’étendant sur quatre années. Elle impliquait le CEMS, le Programme Interdisciplinaire Théorique et Mathématique des Sciences (iTHEMS) de RIKEN, le Centre Électronique de Phase Quantique (QPEC) de l’Université de Tokyo, l’Institut de Recherche sur les Matériaux de l’Université de Tohoku, et l’Université Technologique Nanyang de Singapour.
Les scientifiques ont élaboré un semi-métal Weyl à partir d’un semi-conducteur topologique, reprenant une stratégie théoriquement proposée en 2011 mais ensuite abandonnée. Le semi-conducteur utilisé dans cette étude était le tellurure de bismuth, Bi2Te3. En ajustant soigneusement la composition chimique du matériau, en substituant le chrome au bismuth, ils ont créé (Cr,Bi)2Te3.
Ryota Watanabe, doctorant et co-auteur principal de l’étude, a exprimé son étonnement face à l’effet Hall anormal important observé dans (Cr,Bi)2Te3. «Nous avons été fascinés par cet effet Hall anormal important dans (Cr,Bi)2Te3, qui signalait une physique nouvelle au-delà de celle des semi-conducteurs topologiques», a-t-il déclaré. Suite à cela, Ching-Kai Chiu de l’iTHEMS a ajouté : « Contrairement aux matériaux Weyl précédents, la structure électronique unique de (Cr,Bi)2Te3 nous a permis d’expliquer quantitativement nos expériences à l’aide d’une théorie précise. Nous avons pu alors remonter jusqu’à l’effet Hall anormal important aux fermions de Weyl émergents. »
Le premier auteur, Ilya Belopolski du CEMS, a rappelé que cette découverte avait surpris lui-même et ses collègues du monde entier. Il a souligné que différentes communautés avaient déjà établi les connaissances théoriques et expérimentales clés nécessaires pour synthétiser ce semi-métal Weyl. Cependant, le manque de communication entre elles avait retardé cette découverte.
Belopolski attribue cette découverte à l’environnement créatif et collaboratif unique du CEMS. «Il y avait de nombreux groupes de recherche talentueux aux États-Unis, en Chine et à travers l’Europe travaillant sur des sujets connexes pendant de nombreuses années. La raison pour laquelle cette découverte a eu lieu ici est probablement due à l’environnement intellectuel dynamique et créatif de RIKEN», a-t-il expliqué.
Une application potentielle de cette découverte se trouve dans les dispositifs terahertz (THz). Contrairement aux semi-conducteurs, les semi-métaux peuvent absorber la lumière de faible fréquence, allant jusqu’aux fréquences THz. Yuki Sato, chercheur postdoctoral et co-auteur de l’étude, a mentionné : «Nous sommes actuellement intéressés à appliquer notre semi-métal Weyl idéal à la génération et à la détection de la lumière THz.»
Légende illustration : GEN AI
Article : Belopolski et al. (2025) Synthesis of a semimetallic Weyl ferromagnet with point Fermi surface. Nature. doi: 10.1038/s41586-024-08330-y