Ce qui semblait être un véritable cas de brisure de symétrie spontanée était en fait causé par de minuscules tensions dans les échantillons.
De minuscules tensions dans un cristal peuvent entraîner un comportement surprenant des électrons qui ressemble étroitement à un mécanisme très recherché, ont découvert des physiciens du RIKEN. Les études antérieures devront peut-être être réévaluées à la lumière de cette découverte.
La symétrie est un concept extrêmement important en physique, car elle peut grandement simplifier l’analyse des systèmes complexes. La brisure de symétrie spontanée (SSB) est un domaine qui intéresse particulièrement Christopher Butler du RIKEN Center for Emergent Matter Science (Centre RIKEN pour la science de la matière émergente).
« La rupture spontanée de symétrie est un phénomène d’une importance fondamentale, qui sous-tend la physique des transitions de phase, depuis la congélation d’un liquide jusqu’au célèbre mécanisme de Higgs dont on pense qu’il a conféré une masse à toutes les particules de l’univers primitif », explique M. Butler.
Un exemple de SSB est celui d’une balle perchée au sommet d’une colline parfaitement symétrique qui se met à rouler vers le bas de la colline. Le roulement brise la symétrie initiale du système, bien que la loi de la gravité n’ait pas de direction privilégiée.
Pour mieux comprendre ce phénomène clé, l’équipe de M. Butler recherche des SSB qui apparaissent dans le comportement collectif d’un grand nombre d’électrons dans les matériaux. « Tout exemple de SSB que nous trouverons dans la nature nous apportera de profondes connaissances ».
Dans un premier temps, son équipe s’est montrée très enthousiaste lorsqu’elle a cru découvrir un exemple de SSB dans les électrons à la surface des cristaux de sulfure de silicium et de zirconium à l’aide d’un microscope à effet tunnel.
« Nous avons été extrêmement surpris et excités lorsque nous avons vu que les électrons présentaient un comportement ondulatoire le long d’un axe privilégié », se souvient-il. « C’était comme jeter une pierre dans un étang et observer des ondulations se déplaçant uniquement à gauche et à droite, et pas dans d’autres directions – cela semblait être une preuve irréfutable de la présence de SSB dans un fluide d’électrons. »
Mais Butler a commencé à avoir des doutes. Le degré de brisure de symétrie variait d’un échantillon à l’autre, ce qui ne devrait pas se produire s’il s’agissait d’une SSB.
En effectuant des mesures très exigeantes – en surveillant la même centaine d’atomes pendant dix semaines – l’équipe a découvert que la brisure de symétrie était due à de minuscules tensions dans les cristaux introduites lors de la fabrication.
« Nous avons découvert un phénomène qui ressemble extérieurement à la SSB mais qui est en fait une contrefaçon », précise M. Butler. « Les réalités désordonnées des matériaux réels (distorsions minuscules mais omniprésentes) nous ont permis d’obtenir un faux très convaincant. »
Cet effet pourrait être exploité dans des dispositifs utilisant l’ingénierie de la déformation. Mais l’étude a également des implications plus importantes, estime M. Butler.
« De nombreuses découvertes, dont certaines très médiatisées, pourraient devoir être réévaluées », conclut-t-il. « Si un rapport prétend observer un comportement électronique brisant la symétrie, il faut maintenant montrer qu’il n’est pas simplement dû à la déformation résiduelle. »
Sans se décourager, M. Butler prévoit de poursuivre sa recherche d’exemples authentiques de SSB dans le fluide d’électrons d’un cristal.
Butler, C. J., Murase, M., Sawada, S., Jiang, M.-C., Hashizume, D., Guo, G.-Y., Arita, R., Hanaguri, T. & Sasagawa, T. Valley polarization of Landau levels in the ZrSiS surface band driven by residual strain. Physical Review X 15, 011033 (2025). doi: 10.1103/PhysRevX.15.011033