La saga des prix des énergies

Un mot sur la saga du gaz que vous connaissez assez bien, si vous suivez ce blog. C’est l’Etat qui fixe en effet le prix du gaz sur la base d’une formule contractuelle longuement négociée qui prend en compte les contrats d’approvisionnement à long terme de GDF Suez lesquels sont basées sur le prix du baril de Brut, alors qu’il n’y a maintenant qu’un rapport assez lointain entre le prix du brut et celui du gaz. Le gaz étant directement utilisable comme source d’énergie primaire, son prix de vente est directement corrélé aux thermies qu’il peut produire dans une installation de production d’électricité, de chaleur ou des deux à la fois(cogénération). Le brut, lui, fait l’objet d’un traitement complexe en raffinerie pour en extraire, du gaz, des carburants, de légers (essence, jet fuel) à lourds (gazole, fiouls lourds), des huiles, des bitume, du naphta (coupe pétrolière pour la pétrochimie) etc. Difficile de définir le "vrai" prix de revient du gaz que vous consommez dans ces conditions.

D’où l’importance, au delà du prix du baril. De l’existence d’un marché des produits pétroliers à Rotterdam qui permet de suivre le prix des produits en fonction de l’offre et de la demande. Quand on vous dit d’ailleurs que les marges de raffinage sont déprimées, ça veut dire qu’entre le prix des bruts, qui a sa logique propre et celui des produits raffinés, il n’y a pas de quoi faire vivre l’outil de raffinage. Vous en connaissez les conséquences.

Or en Europe il n’y pas un marché du gaz alors qu’au contraire, aux Etats Unis où il existe une forte demande en gaz, il existe un marché spot du gaz avec des cotations journalières qui a "divergé" depuis longtemps de celui du brut. Ce marché donne une vue plus réaliste du prix du gaz là où nous nous satisfaisons du prix sur lequel GDF Suez et les pouvoirs publics se mettent d’accord, sans intervention d’une quelconque concurrence. La première cause du prix du gaz très élevé que nous payons en France provient de l’absence de prix de marché et de concurrence. D’où la formule "négociée" entre l’Etat et GDF Suez qui nous régit.

Phénomène récent additionnel aux Etats Unis, les gaz de schistes sont soudainement arrivés sur le marché US dont ils constituent désormais un bon quart. Cette arrivée massive de nouvelles offres de gaz et producteurs a fait baisser le marché au point qu’il existe un différentiel désormais important entre le prix de gaz en Europe, calculé à partir du prix du baril de brut et celui du marché US.

Les Pouvoirs Publics aimeraient bien, en cette période pré électorale, que le consommateur français puisse bénéficier du prix de marché US mais ils sont prisonniers à plus d’un titre du système qu’ils ont mis en place. La "formule" qui fixe ce prix à la consommation a fait l’objet d’un accord contractuel entre GDF Suez et les pouvoirs publics et GDF Suez serait en droit d’amener l’Etat en justice pour non respect de ses engagements. Comme on est entre copains, néanmoins, ca n’a pas été le cas lors de la précédente crise et GDF Suez a accepté d’assumer la perte financière qui en a été le résultat. Seulement on ne peut, éternellement, faire payer le fournisseur sans qu’il ne demande, un jour, une certaine réciprocité.

Vous comprenez, maintenant, l’embarras des Pouvoirs Publics pour pouvoir réviser une formule de prix que ses experts ont définis et accepté pour appliquer n’importe quel prix électoraliste sans base scientifique. Alors on va faire du timing, repousser a révision à la hausse de quelques mois ou la minorer en promettant à GDF Suez qu’ils pourront(= on les laissera) se refaire une santé quand … les prix baisseront. On leur demandera, pour les médias, d’aller renégocier leurs contrats d’approvisionnement à long terme. Et puis on en reparlera dans 6 mois.

Autre élément qui rend les pouvoirs publics prisonniers de leur système. Ils sont actionnaires de GDF Suez et à ce titre intéressés au dividendes que la société leur verse en fonction de leurs résultats. Tout ce que l’on "donne" au consommateur en baissant plus ou moins artificiellement les prix, ne rentrera pas dans les caisse de GDF Suez et viendra donc minorer les dividendes versé à l’Etat.

Troisième raison d’embarras pour les pouvoirs publics, ils viennent, pour des raisons environnementales et électoralistes, de prendre une position drastique sur les possibilités d’exploration des gaz de schistes en France en revenant même sur des permis d’exploration déjà accordés. Or la raison fondamentale de la baisse du marché US du gaz réside justement dans l’arrivée de ces gaz de schistes sur le marché américain. Difficile dans ces conditions de demander à bénéficier du prix US chez nous alors qu’on interdit en même temps chez nous l’exploitation de ces gaz non conventionnels qui en permettrait la baisse.

Et voila pourquoi vous aurez quand même une augmentation du prix du gaz mais "raisonnable" néanmoins pour ne pas mécontenter l’électeur.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par CaDerange

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