La plateforme de recrutement française Gojob change d’échelle. Le géant japonais des ressources humaines PERSOL a pris 85% de son capital pour 122 millions €, une opération qui valorise l’IA de matching instantané de l’entreprise et marque une nouvelle étape dans la consolidation technologique du secteur. Le management restera aux commandes, tandis que PERSOL envisage une montée à 100% d’ici 2028. L’enjeu est clair : accélérer la digitalisation mondiale des services RH.
Fondée en 2015 par Pascal Lorne, Gojob s’est spécialisée dans le placement rapide et automatisé de personnel temporaire grâce à l’intelligence artificielle. L’entreprise compte 249 employés (230 en France, 19 aux États-Unis). La proposition de valeur a de quoi séduire avec un taux de croissance annuel moyen d’environ 40% et un leadership revendiqué sur la croissance du secteur en France en 2024 ; La mise à l’échelle coche toutes les cases recherchées par PERSOL, qui ambitionne de devenir une « société de services RH axée sur la technologie » à l’horizon 2030.
Des atouts technologiques
La plateforme Gojob utilise des algorithmes propriétaires pour repérer rapidement le meilleur talent au sein de larges volumes de données.
Elle permet d’obtenir la confirmation d’une mission en seulement vingt-quatre minutes, là où les agences traditionnelles requièrent généralement un à deux jours. La plateforme affiche un taux de remplissage supérieur à 90%, et démontre ainsi la capacité de son IA à mobiliser rapidement les candidats adéquats. Parallèlement, elle maintient un taux de désistement inférieur à 1%, contre 35% en moyenne dans le secteur, une autre preuve de l’engagement des intérimaires une fois la mission lancée.
Au final, ces performances se traduisent par une expérience utilisateur nettement plus fluide et par des gains d’efficacité opérationnelle significatifs, tant pour les entreprises clientes que pour les candidats.
Les contours financiers et stratégiques de l’opération
Le japonais PERSOL a donc du débourser 122 millions d’euros pour acquérir 85% du capital, s’octroyant la majorité des droits de vote tout en laissant la gouvernance opérationnelle à l’équipe fondatrice, un équilibre destiné à préserver l’agilité de la start-up.
Le groupe japonais prévoit de racheter le solde d’ici quatre ans, pour un montant compris entre 44 millions et 71 millions d’euros selon la performance future. Dans ses comptes, Gojob sera rattachée à un autre segment, signe que PERSOL distingue nettement cette brique technologique de ses activités classiques de ressources humaines.
Des synergies et une expansion géographique attendues
L’acquéreur entend bien capitaliser sur trois leviers :
- déployer les algorithmes de matching de Gojob dans ses filiales asiatiques pour moderniser le travail temporaire ;
- monétiser la plateforme en mode SaaS auprès d’entreprises tierces ;
- accélérer l’implantation de Gojob aux États-Unis, premier marché mondial de l’intérim, où la start-up est présente depuis 2021.
À plus court terme, l’intégration passera par la création d’une division dédiée au sein de PERSOL, mêlant des cadres japonais et des dirigeants français pour aligner les décisions centrales et l’autonomie locale.
« Nous croyons que nos ambitions se concrétiseront davantage avec PERSOL qu’avec des fonds de capital-risque », confie Pascal Lorne, fondateur et CEO de Gojob, soulignant la proximité culturelle sur la « valorisation du potentiel humain ». Nicolas Duchemin, CTO, voit dans l’opération « l’opportunité de grandir significativement » grâce aux moyens du groupe japonais.
Des enjeux pour le marché de l’emploi
En misant lourdement sur l’automatisation du recrutement, PERSOL acte la montée en puissance de l’IA comme facteur de rupture dans les RH.
Pour les intérimaires, la promesse est une fluidité accrue et un accès élargi à des missions internationalisées. Pour les entreprises, c’est la perspective d’un sourcing ultra-rapide, dopé par la data. Il reste encore à vérifier la capacité du modèle à s’adapter à de multiples contraintes réglementaires et à préserver la dimension humaine du placement.
Avec ce rachat, PERSOL cherche autant un relais de croissance qu’un laboratoire technologique. Si l’intégration tient ses promesses, le duo franco-japonais pourrait bousculer les standards du travail temporaire digital. À l’heure où l’automatisation bouleverse déjà la sélection de CV, la prochaine frontière se jouera peut-être sur la capacité à combiner les algorithmes prédictifs et l’accompagnement personnalisé, un équilibre délicat que Gojob devra préserver sous pavillon nippon.
Source : Persol / Gojob