À l’heure où la pénurie d’eau douce menace d’atteindre des proportions alarmantes, la recherche scientifique s’engage dans une course contre le temps pour proposer des solutions viables. L’estimation est inquiétante : d’ici à 2025, la moitié de la population mondiale pourrait vivre dans des zones confrontées à la rareté de l’eau. Face à cette situation, des scientifiques de l’Université nationale de Singapour ont développé un nouvel aérogel conçu pour améliorer l’efficacité de la récolte de l’eau atmosphérique.
Les chercheurs de l’Université nationale de Singapour (NUS) ont récemment mis au point un aérogel capable d’absorber l’humidité de l’air jusqu’à 5,5 fois son poids. Sous la direction de l’associé professeur Tan Swee Ching du Département des Sciences et Ingénierie des Matériaux, ce développement se présente comme une solution concrète pour lutter contre la rareté de l’eau douce, notamment dans les régions arides. Leur aérogel maintient sa performance sur une large gamme de niveaux d’humidité et reste efficace même lorsque l’humidité relative est aussi basse que 20 pour cent, ce qui le rend adapté à divers environnements.
La capacité de l’aérogel à absorber et libérer de l’eau a été démontrée en intégrant le matériau dans un générateur d’eau atmosphérique autonome et alimenté par l’énergie solaire. Cet appareil récolte et libère de l’eau douce sans recourir à des sources d’énergie extérieures, illustrant ainsi l’applicabilité pratique de cette technologie.
Exploitation de l’atmosphère
On estime que l’atmosphère terrestre contient environ 13 000 milliards de litres d’eau, un réservoir potentiellement exploitable pour atténuer la pénurie d’eau dans des régions arides ou sujettes à la sécheresse. Cependant, la conversion efficiente de la vapeur d’eau en ressource utilisable représente un défi de taille, surtout compte tenu de la variabilité des conditions atmosphériques et des exigences énergétiques des technologies actuelles.
La récolte d’eau atmosphérique par sorption (SAWH) utilise des sorbants pour extraire l’eau de l’air. Cette méthode propose une solution à faible consommation énergétique et facile à utiliser, applicable dans des environnements divers, y compris ceux avec des ressources limitées. Toutefois, les sorbants conventionnels comme l’alumine activée, les gels de silice et les zéolithes présentent des inconvénients, notamment une absorption d’eau insuffisante ou la nécessité de températures élevées pour libérer l’eau.
Les sorbants plus récents, tels que les sels hygroscopiques et les cadres organo-métalliques, améliorent certains aspects mais souffrent de problèmes comme la déliquescence et l’agglomération, réduisant ainsi leur efficacité et capacité d’absorption de l’eau. De plus, les dispositifs SAWH ne supportent généralement qu’un seul cycle de capture-libération d’eau par jour, ce qui limite leur potentiel pour une production continue et à grande échelle d’eau douce.

Innovation et adaptation
Les chercheurs de NUS ont surmonté ces obstacles en transformant le chlorure de magnésium en un complexe magnésium super-hygroscopique et en l’intégrant dans des aérogels composés d’alginate de sodium et de nanotubes de carbone. Cette composition unique leur a permis de créer un aérogel composite qui surpasse les technologies précédentes. Cet aérogel, tel une éponge, capture la vapeur d’eau directement de l’air dans sa structure poreuse où elle se condense et est stockée jusqu’à l’utilisation. Exposé à la lumière solaire ou à une légère augmentation de la température ambiante (autour de 50°C), l’aérogel libère l’eau stockée sous forme liquide. Les propriétés des nanotubes de carbone et du complexe magnésium facilitent une absorption et une libération rapide de l’eau.
L’aérogel montre des performances remarquables : il absorbe jusqu’à 5,5 fois son poids à 95 pour cent d’humidité relative et 27 pour cent à 20 pour cent d’humidité relative, conditions typiques des déserts. Sa structure robuste permet une utilisation répétée sans perte d’efficacité, et il est économiquement viable à produire, avec un coût des matières premières pour un mètre carré de seulement 2 dollars américains.
« L’aérogel présente une cinétique d’absorption/désorption rapide avec 12 cycles par jour à 70 pour cent d’humidité relative, équivalent à un rendement en eau de 10 litres par kilogramme d’aérogel par jour », a précisé l’associé professeur Tan. « Les nanotubes de carbone jouent un rôle clé dans l’amélioration de l’efficacité de conversion photothermique de l’aérogel, permettant une libération d’eau plus rapide avec une consommation d’énergie minimale. »

De la théorie à la pratique
La mise en œuvre pratique de cette technologie se concrétise par la conception d’un générateur d’eau atmosphérique alimenté par le soleil et autonome, incorporant deux couches de l’aérogel novateur. Chaque couche alterne dans le cycle d’absorption/désorption d’eau sans recours à une source d’énergie externe, illustrant la viabilité de l’aérogel pour une production continue d’eau douce.
Les applications potentielles de cette technologie sont vastes, allant du refroidissement par évaporation à la récolte d’énergie, en passant par la détection intelligente et l’agriculture urbaine. Une demande de brevet a été déposée pour cette innovation.
Les chercheurs de NUS envisagent des collaborations avec des exploitations agricoles locales et des partenaires industriels pour faire progresser leurs recherches et commercialiser leur technologie.
Légende illustration : Le professeur associé Tan Swee Ching (à gauche), M. Qu Hao (à droite) et leur équipe du College of Design and Engineering de NUS ont mis au point un nouvel aérogel (matériau noir ressemblant à une éponge) qui absorbe très efficacement la vapeur d’eau directement de l’air et qui est capable de libérer rapidement l’eau douce du matériau sans nécessiter de sources d’énergie externes.
Source : NUS