Le mouvement citoyen Terre de Liens publie une cartographie exclusive révélant l’ampleur de la disparition des exploitations agricoles de petite taille en France. Entre 2017 et 2020, 40 000 fermes ont cessé leur activité, majoritairement absorbées par des structures plus importantes, selon les données de l’association. À quelques jours du Salon des maires, l’organisation interpelle les élus locaux sur leur capacité à inverser une tendance qui menace directement la souveraineté alimentaire des territoires et l’accès à une production locale de qualité.
Une concentration accélérée du secteur agricole
L’enquête triennale sur la structure des exploitations agricoles, conduite par le ministère de l’Agriculture, confirme un phénomène délétère, rapporte Terre de Liens : les petites fermes françaises disparaissent au profit d’exploitations toujours plus vastes. Le processus de concentration contraint les structures restantes à se spécialiser pour maintenir leur rentabilité, créant une dépendance accrue aux intrants chimiques et aux équipements technologiques coûteux.
L’association y voit des conséquences directes sur l’emploi agricole et l’environnement. Avec le départ prévu d’un quart des agriculteurs à la retraite d’ici 2030, l’accélération du phénomène semble inéluctable sans intervention politique.
Coline Sovran, chargée de plaidoyer de Terre de Liens, analyse la situation : « On assiste à un véritable plan social à bas bruit qui va de pair avec une concentration et une financiarisation inédite des fermes en France. L’image d’Épinal de la petite ferme française à taille humaine s’érode chaque jour un peu plus. Il est temps de dire la vérité aux Français·es. La politique agricole que nos gouvernements mènent depuis des décennies creuse la tombe de cette agriculture que la majorité des Français réclame. »
Des régions particulièrement touchées
La cartographie publiée par Terre de Liens en partenariat avec TerritoiresFertiles.fr offre un état des lieux commune par commune sur trois décennies. Les chiffres révèlent des disparités territoriales marquées : en Bretagne comme dans le nord de la France, près de trois quarts des fermes ont disparu depuis 1988, indique le mouvement. Les territoires ont basculé vers une spécialisation en élevage intensif, au détriment de la diversification des productions.
À l’échelle nationale, 90% des départements ont perdu plus de la moitié de leurs exploitations entre 1988 et 2020, selon les données compilées par l’association.


Sylvain Oxoby, maire d’Ohain dans le Nord, témoigne : « Dans ma commune, le nombre de petites fermes ne cesse décroître au profit d’une agriculture productiviste qui ne contribue en rien à l’alimentation locale. En tant que maire, je cherche à agir pour donner la priorité à une agriculture vivante, qui n’épuise pas les ressources et bénéficie aux habitants et habitantes : je me bats pour préserver les terres agricoles et développer les installations pour une alimentation locale de qualité, face à de très grandes exploitations que menacent nos petits agriculteurs. »
Cinq leviers d’action pour les élus municipaux
Face aux élections municipales, Terre de Liens profite du Salon des maires pour interpeller les candidats. Le mouvement propose cinq mesures concrètes pour permettre aux élus locaux d’inverser la dynamique sur leur territoire.
La première consiste à faciliter l’accès au foncier agricole en mettant des terrains à disposition ou en créant des dispositifs de mise en relation. Le parc naturel régional du Haut-Languedoc a ainsi développé le réseau « Élus Sentinelles » pour préserver l’activité agricole face à l’abandon des terres, cite l’organisation.
Le recensement et la valorisation du patrimoine foncier agricole constituent le deuxième axe. Dans la vallée des Jalles près de Bordeaux, six communes ont uni leurs forces pour créer un périmètre de protection contre la spéculation immobilière, selon les exemples fournis par Terre de Liens.
Le troisième levier porte sur la gestion de la ressource en eau, illustré par l’exemple de Wingles dans le Pas-de-Calais où la collectivité acquiert des terres pour les confier à des agriculteurs bio.
Quatrième mesure proposée par le mouvement : encourager les circuits courts et l’agriculture biologique. À Chambray-lès-Tours, la ferme municipale bio alimente quotidiennement la cuisine centrale qui prépare mille repas.
Enfin, l’accès universel à une alimentation de qualité passe par des dispositifs de prix adaptés, comme l’Écopôle alimentaire de la communauté de communes d’Audruicq qui distribue cinq cents paniers hebdomadaires à tarification différenciée, rapporte Terre de Liens.
Les enjeux d’une transition nécessaire
La disparition progressive des petites structures agricoles pose la question de la résilience alimentaire des territoires. Alors que citoyens et agriculteurs plaident pour une production locale diversifiée, le mouvement de concentration compromet l’accès à des produits variés de proximité, alerte l’association. Les élections municipales à venir représentent une opportunité pour les candidats de s’engager sur des politiques agricoles et alimentaires locales ambitieuses.
La mobilisation des communes constitue un contre-pouvoir face aux logiques économiques qui poussent à l’agrandissement des exploitations. Les exemples cités par Terre de Liens démontrent qu’une action publique locale volontariste peut préserver une agriculture à taille humaine et favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs. Reste à savoir si les futurs édiles saisiront les leviers proposés par le mouvement pour construire des systèmes alimentaires territoriaux durables.
Accéder à la carte : https://territoiresfertiles.fr/
Source : Terre des liens











