La gestion des déchets plastiques demeure un problème urgent à résoudre. Chaque année, près de 450 millions de tonnes de plastique sont rejetées dans le monde, et seulement 9% de ce volume est recyclé. La majorité est incinérée ou finit dans des décharges, les océans ou d’autres endroits indésirables. Cependant, une innovation récente du Laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL) aux USA propose une solution prometteuse pour transformer ces déchets en ressources précieuses.
Transformation des polymères de déchets
Les chimistes d’ORNL ont développé une technique pour modifier les polymères des plastiques jetés. Leur méthode permet de créer de nouveaux macromolécules dont les propriétés surpassent celles des matériaux initiaux. Cette technique, appelée upcycling, pourrait contribuer à atténuer l’impact environnemental des plastiques en réarrangeant leurs blocs de construction polymériques. Les sous-unités moléculaires se lient pour former des chaînes de polymères qui, à leur tour, peuvent se connecter par leurs squelettes et des molécules réticulées, donnant naissance à des plastiques polyvalents. La composition de ces chaînes détermine la robustesse, la rigidité ou la résistance à la chaleur des plastiques obtenus.
La modification moléculaire, sur laquelle repose cette innovation, a déjà été récompensée par deux Prix Nobel de Chimie. En 2005, le prix fut attribué aux développeurs de la réaction de métathèse, qui permet de rompre et de former des doubles liaisons entre atomes de carbone dans des cycles et des chaînes, permettant ainsi l’échange de sous-unités pour créer de nouvelles molécules.
En 2020, le prix a été décerné pour le développement du CRISPR, des «ciseaux génétiques» pour l’édition des brins d’ADN. Jeffrey Foster, à la tête de l’étude publiée dans le Journal of the American Chemical Society, a comparé leur travail à « CRISPR pour l’édition des polymères ». Il a souligné que leur méthode n’est pas le recyclage classique où l’on « fait fondre et espère le meilleur ».
Des applications pratiques
L’équipe d’ORNL a précisément modifié des polymères courants qui contribuent significativement au problème des déchets plastiques. Dans certaines expériences, ils ont utilisé du polybutadiène, un composant fréquent dans les pneus, tandis que dans d’autres, ils ont travaillé avec de l’acrylonitrile butadiène styrène (ABS), un matériau dur utilisé dans les jouets en plastique, les claviers d’ordinateur, les conduits de ventilation, les équipements de protection, et les appareils de cuisine.
Jeffrey Foster a mentionné que «cette filière de déchets n’est pratiquement pas recyclée du tout». Il ajoute que leur technologie pourrait avoir un impact significatif en termes de conservation de masse et d’énergie à partir de matériaux actuellement destinés aux décharges.
Le premier pas dans la création d’additifs pour la synthèse de polymères consiste à dissoudre les polymères de déchets. Les chercheurs ont broyé des polybutadiènes synthétiques ou commerciaux et de l’ABS, puis les ont plongés dans un solvant, le dichlorométhane, pour mener une réaction chimique à une température basse (40 degrés Celsius) pendant moins de deux heures. Un catalyseur de ruthénium a facilité la polymérisation, un processus déjà utilisé par l’industrie pour fabriquer des plastiques robustes et convertir la biomasse en carburants et autres composés organiques de haute valeur. Les groupes fonctionnels des chaînes polymériques, notamment les doubles liaisons entre carbones, augmentent les possibilités de réactions chimiques nécessaires à la polymérisation.
Vers un recyclage circulaire
Cette méthode d’upcycling utilise les blocs de construction existants pour intégrer la masse et les caractéristiques des matériaux de déchets, fournissant ainsi une fonctionnalité et une valeur ajoutées. Jeffrey Foster a noté que «le nouveau procédé a une haute économie atomique», ce qui signifie que presque tout le matériau introduit est récupéré. Les chercheurs ont démontré que ce processus, qui utilise moins d’énergie et produit moins d’émissions que le recyclage traditionnel, intègre efficacement les matériaux de déchets sans compromettre la qualité des polymères.
Les prochaines étapes pour les chercheurs incluent la modification des types de sous-unités dans les chaînes de polymères et leur réarrangement pour évaluer la possibilité de créer des matériaux thermostables de haute performance, comme les résines époxy, le caoutchouc vulcanisé, le polyuréthane et le silicone. Ils cherchent également à optimiser les solvants pour soutenir la durabilité environnementale durant le traitement industriel. Le chimiste a conclu que «certains prétraitements seront nécessaires pour ces plastiques de déchets, que nous devons encore déterminer».
Légende illustration : Pour recycler les polymères des plastiques usagés, des chimistes de l’Oak Ridge National Laboratory ont inventé un moyen de générer de nouvelles macromolécules aux propriétés plus intéressantes que celles du matériau de départ. Credit: Adam Malin/ORNL, U.S. Dept. of Energy
Article : « Polyalkenamers as Drop-In Additives for Ring-Opening Metathesis Polymerization: A Promising Upcycling Paradigm » – DOI : 10.1021/jacs.4c10588
Source : ORNL