La détection des concentrations minimes de substances dans divers domaines pose des défis techniques considérables. Les systèmes de spectroscopie traditionnels, bien que précis, sont souvent trop volumineux pour des applications nécessitant une intervention minimale. Comment alors concilier précision et miniaturisation?
Les systèmes de spectroscopie de laboratoire, souvent appelés bench-top, sont reconnus pour leur précision mais aussi pour leur taille et leur complexité. Leur utilisation dans des espaces restreints ou pour des diagnostics intrusifs est limitée. Par exemple, dans le domaine de la diagnostique biomédicale, où l’espace est souvent compté, ces systèmes sont inadaptés.
Les techniques de spectroscopie par laser traditionnelles utilisent des composants lourds comme des sources lumineuses, des miroirs, des détecteurs et des cellules à gaz pour détecter la lumière absorbée ou diffusée par un échantillon, rendant leur application dans des scénarios demandant une invasivité minimale, tels que le diagnostic intravasculaire, pratiquement impossible.
L’innovation dans la miniaturisation de la spectroscopie
Une étude publiée dans le journal Advanced Photonics présente une avancée avec l’introduction d’un spectromètre photoacoustique à fibre optique miniaturisé (FPAS). Ce dispositif a été conçu pour détecter des gaz à des niveaux de parties par milliard (ppb) et analyser des échantillons de la taille de nanolitres en des temps de réponse de millisecondes.
«Nous avons tenté de répondre au défi important de réduire la taille actuelle du spectromètre photoacoustique à une échelle micro tout en conservant ses performances de détection élevées, particulièrement pour le diagnostic intravasculaire et la surveillance de la santé des batteries au lithium qui exigent une invasivité minimale,» a dit le professeur Bai-Ou Guan de l’Université de Jinan, auteur correspondant de l’article.
Contrairement aux systèmes de spectroscopie laser traditionnels, qui sont souvent configurés en chemin ouvert et souffrent d’une perte de sensibilité lors de leur miniaturisation, le FPAS utilise la spectroscopie photoacoustique (PAS). Cette technologie détecte les ondes sonores générées par les molécules de gaz lorsqu’elles sont excitées par une lumière modulée. L’intégration d’une membrane élastique gravée au laser dans l’extrémité d’une fibre optique, combinée avec une section de capillaire de silice pour former une cavité micro Fabry-Pérot (F-P), permet d’atteindre une amplification acoustique locale sans recourir à des cellules de gaz résonantes volumineuses ou des microphones de grande taille.

Les faisceaux de lumière pour l’excitation et la détection du signal photoacoustique sont délivrés directement à travers la même fibre, éliminant ainsi le besoin d’optique libre encombrante pour le transport de la lumière. Avec une longueur de cavité de seulement 60 micromètres et un diamètre de 125 micromètres, le système est extrêmement compact mais conserve une limite de détection pour le gaz acétylène à 9 ppb, presque aussi sensible que les spectromètres de laboratoire traditionnels plus grands. Le temps de réponse est également remarquablement rapide, avec des mesures en aussi peu que 18 millisecondes.
Les applications potentielles
Les chercheurs ont démontré l’efficacité du spectromètre en surveillant en temps réel les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) dans des gaz en mouvement, en détectant la fermentation dans des solutions de levure avec des volumes d’échantillon aussi petits que 100 nanolitres, et en suivant les niveaux de CO2 dissous dans les vaisseaux sanguins de rats in vivo par insertion de l’FPAS dans la veine caudale.
«Le spectromètre a mesuré efficacement les niveaux de CO2 en conditions hypoxiques et hypercapniques, soulignant son potentiel pour la surveillance en temps réel des gaz sanguins intravasculaires sans nécessiter de prélèvement de sang,» a expliqué le professeur associé Jun Ma de l’Université de Jinan.
De plus, la fibre optique peut se connecter facilement à une source laser à rétroaction distribuée à faible coût et s’intégrer dans les réseaux de fibre optique existants, rendant le système non seulement compact mais aussi économiquement viable pour diverses applications de spectroscopie.
Légende illustration : Le spectromètre photoacoustique à fibre permet une surveillance continue des gaz intravasculaires. Crédit photo : Jun Ma (Université de Jinan)
Article en libre accès de J. Ma et al, « Microscale fiber photoacoustic spectroscopy for in-situ and real-time trace gas sensing, » Adv. Photon. 6(6) 066008 (2024), doi : 10.1117/1.AP.6.6.066008