Pour le CEA, il faut préparer le bouquet énergétique du futur

Suite au débat national sur la transition énergétique lancé le 29 novembre 2012, les experts de l’Ancre [1], alliance dont la présidence est actuellement assurée par le CEA, élaborent un rapport sur les principaux verrous technologiques à lever afin d’accélérer les développements industriels en la matière.

Bernard Bigot, Administrateur général du CEA, rappelle les enjeux d’une telle réflexion.

Quels sont les objectifs de la transition énergétique ?

La transition énergétique s’impose pour faire face aux défis posés par la croissance démographique et économique à l’échelle mondiale, ainsi que par la nécessité de préserver notre environnement et de prévenir les risques de trop forts changements climatiques. Il s’agit également de faire face à l’inéluctable raréfaction et au renchérissement des combustibles fossiles. En effet, comment assurer pour tous la disponibilité énergétique, avec une gestion économe des matières premières tout en satisfaisant ces objectifs ? Une solution semble s’imposer, reposant sur le triptyque sobriété / efficacité / décarbonisation. Il s’agit de passer d’un modèle mondial basé à plus de 80 % sur l’usage des énergies fossiles qui s’épuisent, vers un mix énergétique où domineront de manière complémentaire les énergies renouvelables et nucléaires.

À l’échelle nationale, la France a décidé de conduire une réflexion collective sur ce sujet, conviant les citoyens, les experts et les décideurs à y participer.

Comment la communauté scientifique se positionne t-elle ?

La transition énergétique nécessite d’abord le développement de moyens de production d’énergie à faible niveau d’émissions de CO2. Il incombe aux scientifiques d’identifier les verrous (scientifiques, technologiques, économiques et sociétaux) afin d’accélérer les développements industriels qui lui sont indispensables. Ces enjeux sont au coeur des réflexions programmatiques coordonnées par les opérateurs publics de recherche [2] au sein de l’Ancre.

Dans leur rapport, ces experts ont analysé les différentes ressources énergétiques composant notre bouquet actuel, ou susceptibles d’intégrer l’offre future, évaluant leur maturité technologique et industrielle, leur valorisation et rentabilité, leur impact environnemental…

Chaque ressource présente des avantages et inconvénients et pose des défis dont les solutions seront spécifiques à chacune d’entre elles. Pour certaines, l’amélioration des technologies existantes peut suffire à proposer une solution viable, économiquement et écologiquement. Pour d’autres, l’amélioration des connaissances actuelles et une rupture technologique (forte innovation dans les matériaux ou les stratégies d’exploitation) seront nécessaires…

Au-dela des modes de production énergétique, le rapport de l’ANCRE s’intéresse également aux usages…

En effet, le soutien de la recherche au développement de nouvelles technologies d’exploitation doit s’accompagner d’un travail sur la valorisation de l’énergie produite, c’est-à-dire sur l’efficacité des procédés de transport et de consommation des énergies disponibles.

Le développement de matériaux innovants est par exemple un axe fort, que ce soit pour le secteur du bâtiment, des transports ou des usages industriels. La transition énergétique a également un impact sur le mode de fonctionnement de la société et sur l’économie. Aussi convient-il de développer des modèles et scénarii énergétiques pour étudier et anticiper les conséquences des choix stratégiques. Cela implique notamment la prise en compte de la formation aux nouveaux métiers de l’énergie, issus de nouvelles filières et nouveaux savoir-faire.

[1] Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie.
[2] CEA, CNRS, CPU, IFP Énergies nouvelles (membres fondateurs), ANDRA, BRGM, CDEFI, CIRAD, CSTB, IFREMER, IFSTTAR, INERIS, INRA, INRIA, IRD, IRSN, IRSTEA, LNE, ONERA (membres associés).

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fredo

“…vers un mix énergétique où domineront de manière complémentaire les énergies renouvelables et nucléaires.” C’est donc le mix cible que propose l’Ancre, avec quelles proportions respectives cibles pour nucléaire et ENR ? Si c’est 20% max pour ENR … Autre point: l’Ancre est composée de centres de recherches publics, de là à y voir un lobby pour ponctionner l’Etat en subventions. Après, à voir ce que proposera concrètement l’Ancre.

javahl

La recherche privé présentent aussi des inconvénients; la recherche du profit avec notamment pour conséquence la réduction de la sécurité, et pour le nucléaire, c’est quand même très génant. Je pense que cette étude fait bien le point de tous les problèmes rencontrés. Etivons des faires des à prioris sur tel ou tel choix. Les experts et les différents acteurs auront leur mot à dire, et si cette étude est bien menée, je suis assez confiant sur le résultat final

fredo

j’approfondis le 1er biais que j’évoquais: le président actuel de l’Ancre est Bernard Bigot, directeur général du CEA. Le conflit d'(intérêt est tellement évident que la rédaction d’Enerzine elle même a titré: “Pour le CEA (et non l’Ancre), il faut préparer le bouquet énergétique du futur” CEA voulant donc bien dire Commissariat à l’Energie Atomique.

Nicias

Le CEA est aujourd’hui le Commisseriat à l’énergie atomique et aux énergies nouvelles. Sa mission (et les crédits qu’il dépense et peut réclamer) est donc aussi de développer les EnR n’en déplaise à fredo pour qui de toutes façon le CEA a mordu dans la pomme radioactive. Bref le CEA est aujourd’hui doublement biaisé.

Devoirdereserve

Pour avoir entendu M. Bigot à de nombreuses reprises et dans divers contextes présenter sa vision du bouquet énergétique futur, la part EnR et nucléaires s’entendent bien 50%-50%… Par exemple, c’est ce qu’il a soutenu lors du colloque Energie 2012 CNRS-Académie des Technologies, que j’avais évoqué déjà avec vous ici même à propos de D. Lincot. Vous pouvez aussi retrouver ses auditions devant l’OPECST… Ensuite, la question c’est 50% de combien ? Réponse avec un nucléaire quasi constant. Ce qui équivaut à avoir beaucoup plus d’ambition pour les renouvelables que n’importe quel autre scénario ! Les axes de travail du CEA sont en conséquence : stockage d’hydrogène pour tamponer éolien et PV, que cela soit pour mettre ensuite en PAC (développée aussi) ou pour faire du biocarburant. On notera aussi le coup d’accélérateur sur les batteries. Je ne détaille pas le reste. D’abord, je ne suis pas là pour faire la com du CEA… Sur l’intitulé de la fonction de l’Administrateur Général, c’est comme ça depuis la création de l’organisme… Difficile de changer… et je ne comprends pas bien ce qui vous gêne… Il y a bien un Conseil d’Administration, comme partout ! Pour ce qui est d’Ancre, la présidence est tournante. D’abord cela fût l’IFP, maintenant le CEA, prochainement un autre membre fondateur (CNRS ou CPU).

Temb

“Réponse avec un nucléaire quasi constant” : Cela signifie que ce M Bigot prévoit une production française à 820TWh?? A quel horizon? Je n’ai vu aucun scénario, même les plus fous qui penche sur une telle explosion de la consommation. Avec un scnéario pareil il faudrait absorber 410TWh de production renouvelable, c’est effectivement plus qu’ambitieux. Les scénarios classiques sont sur 450 à 600TWh en moyenne en 2030. Si on part sur du 50/50 ça fait quand même beaucoup moins à produire, lais aussi effectivement quelques réacteurs à fermer. Pour M Bigot on fait comment, on prolonge indéfiniment leur durée de vie ou alors on construit combien d’EPR?

Pastilleverte

j’avais compris CEA EA pour Energies Alternatives, mais ne chipotons pas. Le 50/50 évoqué ne peut concerner que l’électricité etpas 100 % de l’énergie primaire, ou alors à un horizon tellement lointain … Transition, à ma connaissance, ne veut pas dre basculement soudain et irréversible… Dans cette optique, garder une part de nuke à 50% n’est que du simple réalisme, même si, évidemment le CEA prêche pour sa (“vieille”) paroisse ! Imaginons un instant que les chercjhurs… trouvent une formule de “transmutation” robuste et “bon marché”, permettant derégler la questio des déchéts, je préférerais que ces chercheurs soient français ou européens plutôt qu’asiatiques ou américains ! (oui, bon, évdemment dans ce cas ça risque demettre Mme Corine Lepage au chomage technique…)

Sdwxb

A quel horizon? A l’horizon 2060-2070 !

Devoirdereserve

Le slogan, voilà la difficulté. Tout le monde a acheté le 50/50. Mais de quoi parle-t-on ? D’énergie finale ? Utile ? Primaire ? D’électricité ? La formule choc de M. Bigot était 50% de 75% c’est pareil que 75% de 50% ! Je tâche de retrouver le détail. Mais ce scénario est moins radical, plus raisonnable, que celui de Sauvons le Climat, qui effectivement, prévoit d’augmenter considérablement l’électricité, et la part du nucléaire. Et l’objectif est bien d’éradiquer les fossiles.

Dan1

Devoirdereserve fait bien de mettre en exergue le flou de la promesse présidentiel avec le fameux : “ramener la part du nucléaire à 50% du mix électrique”. Car la question qui vient immédiatement à l’esprit de ceux qui cherche à comprendre, c’est : 50% de quoi ?? J’ai esquissé des réponses possibles : Je rappelle également que le Président a promis d’atteindre cet objectif en 2025 puis à dit ensuite qu’il serait atteint en 20 ans (2032). Si on considère les transferts d’usage consécutif à une forte volonté de réduire notre addiction au FOSSILE (facture énergétique de plus 60 milliards d’Euros), 50% ne veut pas nécessairement dire réduction drastique du nucléaire.

fredo

merci pour vos réponses instructives. J’en déduis pour le nucléaire que les propositons de l’Ancre sont basées sur une stabilité du parc nucléaire, même si la part passerait en 2025 de 75% à 50% dans la production électrique. Pour les ENR, j’en déduis dans le scénario de référence de l’Ancre que: si la part du nucléaire est stable et que la part des ENR est au même niveau, alors les ENR devront remplacer le pétrole (et donc pas le nucléaire). Ce qui s’appele donner le change ! Autre point: la cible de 50/25/25 de la production électrique en 2025. Si le nucléaire est stable, comme l’a dit Temb, cela suppose une consommation électrique 2025 à 800 TWh environ. (cible ppi élec 2009-2020 à 492Twh en 2020…). Je note l’émergence de l’hydrogène pour tamponner éolien et pv. Poussons le raisonnement: à partir du moment où on parvient à tamponner, éolien et pv pourraient se substituer à l’ensemble des énergies minières (pas seulement fossiles) !

jmdesp

Vou s n’avez pas bien lu ce qui dit devoirdereserve. Il oppose justement le scénario de bigot (et non de l’ANCRE) à celui de SLC, qui correspond lui à ce que vous dites, augmentation forte de la part de l’électricité. Donc je comprends que bigot a des idées pour développer fortement les EnR dans les consommations d’énergie non-électrique, et j’aimerais bien voir en quoi ça consiste. Ce que je lis plus haut ne me convainct guère, stocker l’hydrogène que ce soit pour les pile à combustible, ou des bio-carburants, économiquement on ne s’en sort pas, le capital immobilisé dans les infrastructures nécessaires pour cela est beaucoup trop important par rapport au temps où elles peuvent être utilisées. Mais on peut faire de la recherche pour voir si les progrès donnent l’espoir de débloquer la situation.

Devoirdereserve

Pas de trace du 0,50×0,75=0,75×0,5… Mais voici les transparents de la présentation donnée au colloque Energie CNRS/Acadadémie des Technologies. L’ensemble des axes de recherche développés par Ancre sont listés. Ceci comprend aussi les outils de modélisation de scénario. Parce qu’il faut confronter les estimations à la serpe (ou les intuitions, ou les slogans) à la possibilité de les réaliser économiquement dans le délai visé… Vous noterez aussi le réjouissant retour de la cogénération nucléaire… Tant qu’à avoir des réacteurs, autant les utiliser à fond. Enfin, dans le même registre, vous pouvez écouter M. Bigot lors ducolloque Chimie et Enjeux Energétiques à la Maison de la Chimie. Le propos est donc axé sur… la Chimie, et le public est non-spécialiste (beaucoup de lycéens). C’est parfois un peu vite dit, mais vous pourrez juger de la sincérité de l’engagement pour les EnR… L’échéance pour la suppression des fossiles est bien 2050.

Devoirdereserve

@Jmdesp : nos posts se sont croisés. Une partie (seulement) est dans la présentation Ancre. Comme l’échéance est 2050, faut voir, comme vous dites. Fredo : pour ce qui est du fonctionnement d’Ancre, il ne s’agit pas d’une “pompe à subvention” (je vois bien que vous caricaturez !) Les organismes membres d’Ancre sont publics. Ils vivent de toute façon en partie grâce à leur subvention. L’alliance est un dispositif pour hiérarchiser les priorités, établir une feuille de route, assurer la cohérence… Dont les agences de financement (Agence Nationale de la Recherche, Ademe) sont libres de s’inspirer pour leur programmation… ou pas. Y’a pas un rond en plus. Les organismes ayant bâti la feuille de route ensemble, ils sont enclins à répondre aux appels à projets des agences ensemble, en réduisant ainsi les doublons…

jmdesp

J’ai vu le scénario, on reste un peu sur des généralité et des plans globaux de recherche. Par rapport à la vision politique de “demain on déploit la solution”, il y a comme un décalage (par exemple le GP6, programmes à 5 ans en cours de proposition, on parle donc de trucs dont les résultats ne peuvent guère être dans les voitures avant presque 2025). Marrant de sentir l’IFP pousser les gaz de schistes, en essayant de les dissimuler avec des histoires de géothermie. Sur les biofuels, je pense qu’ils sont à coté de la plaque, et je regrette l’absence de prise en compte des raisons profondes des problèmes avec la filière actuelle. Toute filière complexe, réalisant des traitements sophistiqués de la matière première est condamnée à avoir un taux de retour énergétique (EROEI) mauvais, qui la rend inefficace. Seule une filière très simple, où les huiles extraites sont utilisées presque directement peut avoir un bon rendement, même si le problème de la surface nécessaire restera majeur, que ce soit en culture ou pour les algues. Enfin j’aime bien le chapitre sur la cogénération nucléaire, mais je sais que les gens qui ont un peu les mains dans le cambuis sont très sceptique sur la possibilité d’arriver à mettre cela en place sans que les coûts d’infrastructure ne coulent la rentabilité du projet, rendant à eux seuls le MWhth même considéré gratuit initialement plus cher que celui généré de manière classique. Je pense que si on se lançais quand même, s’il y a une centrale qui est dans une situation très favorable, c’est Gravelines, dans un climat froid où des apports de chaleur se rentabilisent plus vite, et avec 2 agglomération à 15 et à 20 km, et des possibilités d’usage industriel encore plus proches. On notera d’ailleurs que pour les mêmes raisons, auxquelles s’ajoutent celle de concentrer 6 réacteurs 900MW, c’est certainement la centrale sur laquelle on souhaite le moins voir arriver un accident un jour.

fredo

Vous ne m’avez pas bien lu, je pointe du doigt une évidence: le scénario CEA/Ancre suppose à la fois un développement des ENR et la substitution aux fossiles, on peut en déduire que les ENR devraient se substituer aux fossiles dans ce scénario.

Lenox

18.5 % d’éolien + 18.5 % de solaire PV + 11 % d’Hydrolique et hydrolien + 1 % biomasse et biogaz + 1% géothermie = 50 % d’ENR. Et 50 % de nucléaire . Soit 100 % sans gaz,ni charbon,ni pétrole. Et comme le rappelle “Devoir de réserve”:Stockage d’hydrogène pour tamponer éolien et PV, que l’on pourra mettre ensuite en PAC (développée aussi).Et coup d’accélérateur sur les batteries… Bref, tout ceci me semble vraiment réaliste à l’horizon 2055-2065 voir 2070 au plus tard. Par contre 2050 me parait optimiste(mais sait on jamais?).

Lenox

à l’horizon 2055-2065,le parc de véhicules électriques(batteries comme hydrogène avec PAC) et hybrides du genre hydrogène-électrique sera majoritaire et peut-être la totalité du parc de véhicules en 2070. Dés lors les productions électriques d’ENR intermittentes seront entièrement absorbées pour la recharge des batteries et la production d’hydrogène pour véhicules.

fredo

Merci pour le lien vers colloque Energie.Cette histoire de formule choc de M Bigot m’intrigue néanmoins (0,50×0,75=0,75×0,5). A ce stade, j’y vois plus un moyen d’occulter la formule choc du Président Hollande sur le nucléaire qui doit passer de 75% à 50% de la production électrique ! Pouvez-vous nous éclairer sur sons sens et sa portée à vos yeux? Merci PS: je caricature effectivement sur la “pompe à subventions”, mais il ya quand même un peu de vrai je pense !

fredo

Merci pour le lien vers colloque Energie.Cette histoire de formule choc de M Bigot m’intrigue néanmoins (0,50×0,75=0,75×0,5). A ce stade, j’y vois plus un moyen d’occulter la formule choc du Président Hollande sur le nucléaire qui doit passer de 75% à 50% de la production électrique ! Pouvez-vous nous éclairer sur sons sens et sa portée à vos yeux? Merci PS: je caricature effectivement sur la “pompe à subventions”, mais il ya quand même un peu de vrai je pense !

fredo

Merci pour le lien vers colloque Energie.Cette histoire de formule choc de M Bigot m’intrigue néanmoins (0,50×0,75=0,75×0,5). A ce stade, j’y vois plus un moyen d’occulter la formule choc du Président Hollande sur le nucléaire qui doit passer de 75% à 50% de la production électrique ! Pouvez-vous nous éclairer sur sons sens et sa portée à vos yeux? Merci PS: je caricature effectivement sur la “pompe à subventions”, mais il ya quand même un peu de vrai je pense !

Baden

Pour Gravelines, il y a déjà un projet de cogénération (valorisation vapeur circuit tertiaire) pour alimennter le terminal méthanier en construction. Vivement que l’on pousse pour d’autres projets de ce type, un réacteur 900 MW électrique, c’est quand même 1800 MW de vapeur qui relargués (à l’eau ou à l’atmosphère).