Le comité Nobel vient de couronner trois figures majeures de l’immunologie. Mary E. Brunkow, Fred Ramsdell et Shimon Sakaguchi reçoivent le prix Nobel de physiologie ou médecine 2025 pour leurs découvertes révolutionnaires sur la tolérance immunitaire périphérique, ce mécanisme qui empêche notre système de défense de se retourner contre nos propres organes. Une reconnaissance qui célèbre près de trois décennies de recherches acharnées, des travaux qui ont ouvert la voie à de nouvelles thérapies contre le cancer et les maladies auto-immunes. L’annonce a été faite ce lundi 6 octobre par l’Assemblée Nobel de l’Institut Karolinska, à Stockholm, dans un communiqué de presse officiel rédigé par le comité Nobel de physiologie ou médecine.
Une énigme biologique résolue
Chaque jour, notre organisme fait face à des milliers de microbes cherchant à l’envahir. Les agents pathogènes présentent des apparences variées, certains ayant même développé des ressemblances avec nos propres cellules, une forme de camouflage biologique. La question fondamentale qui a longtemps taraudé les immunologistes est celle-ci : comment le système immunitaire distingue-t-il ce qu’il doit attaquer de ce qu’il doit protéger ? Les trois lauréats ont apporté des réponses majeures à cette interrogation, identifiant les « gardiens de sécurité » de notre système immunitaire tels que les lymphocytes T régulateurs, des cellules qui empêchent nos défenses de s’en prendre à notre propre corps.
Comme l’explique le comité Nobel, « leurs découvertes ont été décisives pour notre compréhension du fonctionnement du système immunitaire et pour expliquer pourquoi nous ne développons pas tous de graves maladies auto-immunes ».
Sakaguchi, le chercheur qui nageait à contre-courant
En 1995, Shimon Sakaguchi réalisait la première percée majeure, à une époque où le consensus scientifique privilégiait une autre théorie. La communauté des chercheurs était alors convaincue que la tolérance immunitaire se développait uniquement par l’élimination des cellules immunitaires potentiellement dangereuses dans le thymus, un processus baptisé « tolérance centrale ». Le professeur japonais, aujourd’hui âgé de 74 ans et rattaché à l’université d’Osaka, a démontré que le système immunitaire possédait une complexité bien supérieure. Il a révélé l’existence d’une classe inconnue de cellules immunitaires, protégeant l’organisme des pathologies auto-immunes.
Six années plus tard, en 2001, Mary Brunkow et Fred Ramsdell apportaient la seconde pièce du puzzle. Les deux chercheurs américains ont élucidé pourquoi une souche spécifique de souris présentait une vulnérabilité accrue aux maladies auto-immunes. Leur découverte ? Une mutation génétique touchant un gène qu’ils ont baptisé Foxp3. Plus remarquable encore, ils ont établi que des mutations dans l’équivalent humain de ce gène provoquent une maladie auto-immune sévère, connue sous le nom d’IPEX.
Le chaînon manquant identifié
C’est en 2003 que Shimon Sakaguchi a parachevé l’édifice scientifique en reliant ces deux découvertes majeures. Le chercheur japonais a prouvé que le gène Foxp3 gouverne le développement des cellules qu’il avait identifiées huit ans plus tôt. Ce type de cellules, désormais connues sous l’appellation de lymphocytes T régulateurs, surveillent en permanence les autres cellules immunitaires pour garantir que notre système de défense tolère nos propres tissus.
Les trois scientifiques se partageront équitablement la récompense de 11 millions de couronnes suédoises, soit environ un million d’euros.
Mary E. Brunkow, 64 ans, titulaire d’un doctorat de l’université de Princeton, occupe actuellement le poste de responsable de programme senior à l’Institute for Systems Biology à Seattle. Fred Ramsdell, 65 ans, docteur depuis 1987 de l’université de Californie à Los Angeles, exerce comme conseiller scientifique chez Sonoma Biotherapeutics à San Francisco.
Des perspectives thérapeutiques prometteuses
Les retombées de ces travaux dépassent largement le cadre de la recherche fondamentale. Comme le souligne le comité Nobel dans son communiqué, les découvertes des lauréats ont lancé le champ d’étude de la tolérance périphérique, stimulant le développement de traitements médicaux contre le cancer et les maladies auto-immunes. Leurs avancées pourraient également améliorer le taux de réussite des transplantations d’organes, un domaine où le rejet immunitaire demeure un obstacle majeur. Plusieurs de ces thérapies innovantes font actuellement l’objet d’essais cliniques, laissant entrevoir des applications concrètes dans un avenir proche.
Alors que les maladies auto-immunes touchent des millions de personnes à travers le monde, les travaux de Brunkow, Ramsdell et Sakaguchi ouvrent des perspectives inédites pour soulager ces patients.
Source : Comité Nobel