Une équipe de recherche conjointe de l’Institut de géochimie de l’Académie chinoise des sciences (IGCAS) et de l’université du Shandong a identifié pour la première fois de l’hématite cristalline (α-Fe2O3) et de la maghémite (γ-Fe2O3) formées par un impact majeur dans des échantillons de sol lunaire prélevés par la mission chinoise Chang’e-6 dans le bassin South Pole-Aitken (SPA). Cette découverte, publiée dans Science Advances le 14 novembre, fournit des preuves directes, basées sur des échantillons, de la présence de matériaux hautement oxydés à la surface de la Lune.
Les réactions d’oxydoréduction sont un élément fondamental de la formation et de l’évolution des planètes. Néanmoins, des études scientifiques ont montré que ni la fugacité de l’oxygène à l’intérieur de la Lune ni l’environnement à sa surface ne favorisent l’oxydation. Conformément à cela, le fer multivalent sur la Lune existe principalement à l’état ferreux (Fe2+) et métallique (Fe0), ce qui suggère un état globalement réduit. Cependant, grâce à la poursuite de l’exploration lunaire, de récentes études de télédétection orbitale utilisant la spectroscopie visible-proche infrarouge ont suggéré la présence généralisée d’hématite dans les régions de haute latitude de la Lune.
De plus, des recherches antérieures sur les échantillons de Chang’e-5 ont révélé pour la première fois la présence de magnétite submicronique (Fe3O4) générée par des impacts et des traces de Fe3+ dans des verres d’impact. Ces résultats indiquent que des environnements oxydants localisés ont existé sur la Lune pendant les processus de modification de la surface lunaire induits par des impacts externes. Malgré ces progrès de la recherche, des preuves minéralogiques concluantes de la présence de minéraux fortement oxydants comme l’hématite sur la Lune restaient difficiles à obtenir. De plus, l’étendue des processus d’oxydation et la prévalence de minéraux oxydés caractéristiques à la surface lunaire ont longtemps fait l’objet d’un débat intense.
Le bassin SPA, l’un des plus grands et des plus anciens bassins d’impact du système solaire, avec des échelles et des fréquences d’impact extrêmement complexes, offre un laboratoire naturel idéal pour étudier les réactions d’oxydation à la surface lunaire. Le retour réussi d’échantillons de sol du bassin SPA par la mission Chang’e-6 de 2024 a offert l’occasion de rechercher des substances hautement oxydées formées lors d’impacts majeurs. L’équipe de recherche a identifié pour la première fois des grains d’hématite de taille micrométrique dans le sol lunaire de Chang’e-6. Grâce à une combinaison de microscopie électronique à microzone, de spectroscopie de perte d’énergie des électrons et de spectroscopie Raman, elle a confirmé la structure cristalline et les caractéristiques d’occurrence uniques de ces particules d’hématite, vérifiant que ces minéraux sont des composants lunaires primaires plutôt que des contaminants terrestres.

L’étude suggère que la formation d’hématite est étroitement liée aux événements d’impact majeurs de l’histoire lunaire. Les températures extrêmes générées par les impacts importants auraient vaporisé les matériaux de surface, créant un environnement transitoire en phase vapeur à haute fugacité en oxygène. Parallèlement, ce processus aurait provoqué la désulfuration de la troilite ; les ions fer libérés ont ensuite été oxydés dans l’environnement à haute fugacité et ont subi un dépôt en phase vapeur, formant de l’hématite cristalline de taille micrométrique. Cette hématite coexiste avec la magnétite magnétique et la maghémite.
Il convient de noter que l’origine des anomalies magnétiques répandues à la surface de la Lune, notamment celles du bassin SPA nord-ouest, reste mal expliquée. Compte tenu de la corrélation étroite entre les processus d’oxydation et la formation de minéraux porteurs magnétiques, cette étude fournit des preuves clés basées sur des échantillons pour clarifier les porteurs et l’histoire évolutive de ces anomalies magnétiques lunaires.
Cette recherche remet en question la croyance de longue date selon laquelle la surface lunaire est entièrement réduite. Elle offre également des indices cruciaux pour déchiffrer l’évolution des anomalies magnétiques lunaires et les mécanismes sous-jacents aux grands événements d’impact, faisant ainsi progresser notre compréhension de l’évolution lunaire.
Article : « Discovery of crystalline Fe2O3 in returned lunar soils » – DOI : 10.1126/sciadv.ady5169












