Dans le village alpin de Loèche, niché au cœur des montagnes suisses, une initiative audacieuse redonne vie à une infrastructure oubliée. Sur les toits des locaux de Leuk TDC, opérateur télécoms historique, deux antennes paraboliques datant de 1972 ont été métamorphosées en un site de production d’énergie solaire décarbonée. Ce projet, fruit d’un partenariat entre l’installateur CKW et l’entreprise israélienne SolarEdge, illustre comment l’adaptation d’infrastructures existantes peut contribuer à la transition énergétique, tout en surmontant des défis techniques inédits.
Une reconversion aux allures de puzzle technologique
L’idée est née d’une constatation simple : des structures massives, autrefois dédiées à la réception de signaux satellites, étaient laissées à l’abandon. « Ces anciennes antennes paraboliques étaient inutilisées mais nous savions que nous les utiliserions d’une manière ou d’une autre, explique John Harris, directeur général de Leuk TDC. La mobilité des antennes, avec la possibilité d’être alignées horizontalement et verticalement, s’est avérée idéale pour l’installation de panneaux solaires. En suivant la trajectoire du soleil tout au long de la journée, leurs paraboles optimisent l’absorption du rayonnement solaire. À l’issue de leur installation, nous obtenons beaucoup plus d’heures d’électricité qu’avec un système classique, et les optimiseurs de puissance améliorent encore plus la production d’électricité. »
Chacune des paraboles, d’un diamètre de 30 mètres, accueille désormais 307 panneaux photovoltaïques. Grâce à leur capacité à suivre la trajectoire du soleil, elles produisent environ 110 000 kWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique annuelle de vingt-cinq foyers suisses.
Mais la rénovation ne s’est pas limitée aux antennes. Un système complémentaire de 555 000 kWh/an a été installé sur le toit principal du centre de données de Leuk TDC. Associée à l’énergie hydraulique, déjà utilisée par l’entreprise, cette production solaire garantit désormais une alimentation 100 % renouvelable pour un site dont la demande énergétique croît chaque année.

Un défi technique surmonté par l’innovation
La géométrie particulière des antennes, conçues pour concentrer les ondes radio, posait un problème évident : leur surface incurvée entraînait des ombres variables entre les modules solaires, risquant de réduire drastiquement l’efficacité du système. « Avec des onduleurs classiques, un seul panneau ombragé aurait affecté la performance de toute la chaîne, précise Manuel Jossi, responsable adjoint de la technologie solaire chez CKW, l’entreprise chargée de l’installation. Sans l’utilisation d’optimiseurs de puissance, nous n’aurions tout simplement pas pu atteindre le niveau d’énergie produit aujourd’hui. À tous ceux qui prévoient des installations solaires similaires, je leur conseille d’allouer suffisamment de temps à la planification et de collaborer avec des personnes de confiance pour surmonter les contraintes techniques. »
La solution retenue repose sur une architecture modulaire, où chaque couple de panneaux dispose d’un optimiseur individuel. Ce dispositif, couplé à des onduleurs à courant continu, permet d’isoler les pertes liées à l’ombrage et de maximiser la production globale.

Vers une autonomie énergétique et financière
Pour Leuk TDC, cette démarche s’inscrit dans une stratégie plus large. Le centre de données, cœur des activités de l’entreprise, nécessite une puissance électrique en constante augmentation. En combinant hydroélectricité et solaire, l’organisation vise à couvrir « 100 % des besoins futurs sans dépendre des fluctuations du réseau », selon Harris. Cette autonomie se traduit aussi par des bénéfices économiques : en réduisant ses coûts énergétiques variables, Leuk TDC sécurise ses marges dans un secteur concurrentiel.
Au-delà des calculs financiers, le projet incarne une philosophie de durabilité. « Réutiliser des infrastructures existantes, plutôt que de construire ex nihilo, est une approche responsable, poursuit Harris. Nous espérons que cette initiative inspirera d’autres acteurs à repenser leurs installations sous-exploitées. »

Une leçon d’adaptabilité
L’expérience suisse interroge les modes d’intégration du solaire dans des contextes urbains ou industriels. Selon les experts, les toits et structures désaffectés représentent un gisement considérable en Europe, où l’espace constructible est limité. Dans un paysage énergétique marqué par l’urgence climatique, l’histoire des antennes de Loèche offre une leçon d’ingéniosité. Elle prouve qu’innover ne passe pas nécessairement par la rupture radicale, mais parfois par la réinterprétation créative de ce qui existe déjà.
Alors que les centres de données mondiaux absorbent aujourd’hui près de 1 % de la consommation électrique globale, selon l’Agence internationale de l’énergie, ce type de reconversion pourrait jouer un rôle clé dans la réduction de l’empreinte carbone du numérique.

Source : solarEdge / CP