Le fabricant français d’électroménager Brandt, figure historique de l’industrie hexagonale est en redressement judiciaire. Après des années de difficultés structurelles et de reculs successifs sur ses marchés traditionnels, la procédure en cours marque un tournant décisif pour une entreprise qui fut longtemps synonyme de savoir-faire tricolore. Les quelque 2 800 salariés répartis sur plusieurs sites de production scrutent désormais avec angoisse l’avenir d’un fleuron industriel malmené. Le tribunal de commerce se donne maintenant six mois pour trouver un repreneur capable de redresser la barre.
Le Groupe Brandt dispose de trois sites de production. Deux usines en France situées à Orléans (cuisinières, fours, tables vitrocéramique et induction) et Vendôme (hottes décoratives, fours, micro-ondes encastrables), ainsi qu’un complexe industriel à Sétif en Algérie d’une superficie de 95 000 m² capable de produire huit millions d’appareils par an. Le groupe a été le premier fabricant d’électroménager à recevoir le label Origine France Garantie en 2011.
Avec un chiffre d’affaires de 260 millions d’euros, dont 70% en France et 30% en Europe, le groupe est présent dans 36 pays. Il emploie environ 750 salariés répartis sur ses différents sites. Les deux usines françaises produisent environ 500 000 pièces par an. Le groupe appartient au conglomérat algérien Cevital depuis son rachat en 2014.
Une érosion progressive
L’histoire récente de Brandt ressemble à celle de nombreux champions industriels français rattrapés par la concurrence internationale. Fondée en 1924, l’industriel avait bâti sa réputation sur des produits robustes et fiables avec les marques Brandt, De Dietrich, Sauter ou Vedette. Elles symbolisent depuis des décennies l’excellence française dans les foyers européens. Mais depuis quelques années le gros électroménager connait de larges reculs, marqué notamment par la crise de l’immobilier. Car il faut savoir que l’acquisition d’un bien immobilier voire un déménagement reste propice à ce type d’achat.
Les coûts de production en France (masse salariale), bien plus élevés que dans d’autres pays européens ou asiatiques pèsent en général lourd dans la balance. L’entreprise se retrouve prise dans un étau entre le maintient de ses sites hexagonaux afin de préserver l’emploi et la lutte contre des concurrents délocalisés produisant à moindre coût.
Les symptômes d’une industrie en mutation
Au-delà du cas Brandt, c’est toute une filière qui traverse une zone de turbulences. L’électroménager européen fait face à plusieurs défis. La pression concurrentielle venue d’Asie, la révolution numérique qui bouleverse les usages et les attentes des consommateurs, ainsi que les nouvelles normes environnementales qui imposent des investissements colossaux. Les marques traditionnelles peinent à suivre le rythme imposé par des acteurs plus agiles ou disposant d’énormes capacités financières.
Le redressement judiciaire de Brandt intervient également dans un contexte économique fragile, où l’inflation galopante grignote le pouvoir d’achat des ménages. Les Français, contraints de serrer les cordons de la bourse, privilégient les prix bas au détriment de la durabilité ou de l’origine des produits. La tendance actuelle mine les fondements même du modèle économique des fabricants nationaux, qui misaient traditionnellement sur la qualité plutôt que sur les volumes.
L’équation périlleuse du sauvetage
Les prochains mois s’annoncent donc critiques et plusieurs scénarios se dessinent. Une reprise par un groupe industriel français soucieux de préserver l’outil de production national, l’arrivée d’un investisseur étranger attiré par la valeur de la marque, ou encore un plan de continuation drastique accompagné de fermetures de sites.
Dans tous les cas, cette procédure de redressement autorise la poursuite de l’activité avec un gel des dettes. Affaire à suivre …