Normalement, lorsque les liquides se solidifient, leurs molécules se figent, ce qui rend le mouvement des ions beaucoup plus difficile et entraîne une forte baisse de la conductivité ionique. Désormais, des scientifiques ont synthétisé une nouvelle classe de matériaux, appelés électrolytes à état indépendant (SIEs), qui enfreignent cette règle.
L’équipe a obtenu ce résultat en concevant une nouvelle classe d’ions moléculaires organiques dotés de propriétés physiques et électroniques spéciales. Chaque molécule possède un centre plat en forme de disque entouré de longues chaînes latérales flexibles – comme une roue avec des poils souples. La charge positive est répartie uniformément sur la molécule par le mouvement des électrons, ce qui l’empêche de se lier étroitement à son partenaire chargé négativement. Cela permet aux ions négatifs de se déplacer librement, en circulant à travers les chaînes latérales (les « poils souples »).
Ensuite, à l’état solide, ces ions organiques s’empilent naturellement les uns sur les autres, formant de longues colonnes rigides entourées de nombreux bras flexibles : un peu comme les rouleaux statiques dans un lave-auto (voir le diagramme dans la galerie multimédia). Malgré la formation d’une structure ordonnée, les chaînes latérales flexibles créent toujours suffisamment d’espace pour que les ions négatifs continuent à se déplacer aussi librement que dans un liquide.
Résultat : une structure ordonnée dynamique qui permet aux ions chargés négativement de se déplacer aussi facilement à l’état solide qu’à l’état liquide, sans baisse marquée de la conductivité ionique.
L’auteur principal le professeur Paul McGonigal (Université d’Oxford) déclare : « Nous avons conçu nos matériaux en espérant que les ions se déplaceraient à travers le réseau flexible et auto-assemblé de manière intéressante. Lorsque nous les avons testés, nous avons été étonnés de constater que le comportement est inchangé à travers les phases liquide, liquide-cristalline et solide. C’était un résultat vraiment spectaculaire – et nous avons été heureux de constater qu’il peut être répété avec quelques types d’ions différents. »

Juliet Barclay, doctorante et première auteure de l’étude, explique : « En tant qu’étudiante en doctorat, il est incroyablement gratifiant de découvrir quelque chose qui change notre conception du fonctionnement des matériaux. Nous avons montré que les matériaux organiques peuvent être conçus de sorte que le mouvement des ions ne « gèle » pas lorsque le matériau se solidifie. Cela ouvre de nouvelles possibilités pour des dispositifs à l’état solide plus sûrs et légers, qui fonctionnent efficacement sur de larges plages de température. »
Ce travail est une collaboration entre des scientifiques des universités d’Oxford, York, Leeds et Durham, avec des partenaires au Portugal, en Allemagne et en République tchèque.
La découverte pourrait conduire à de nouvelles classes d’électrolytes solides flexibles et sûrs. Un cas d’utilisation potentiel pourrait être d’ajouter l’électrolyte dans un appareil sous forme liquide à une température légèrement élevée, permettant un bon contact avec les électrodes, avant de refroidir à température ambiante et de l’utiliser sous une forme solide sûre sans perte de conductivité ionique.

Les électrolytes solides obtenus ont des applications potentielles dans les batteries, les capteurs et les dispositifs électrochromiques, où les solides organiques sont généralement avantageux par rapport aux matériaux inorganiques en raison de leurs propriétés physiques légères et flexibles, et du potentiel de les sourcer de manière renouvelable.
L’équipe de recherche d’Oxford travaille maintenant à augmenter la conductivité et la polyvalence des matériaux, ainsi qu’à les utiliser dans des dispositifs électroniques pour le calcul.
Article : State-Independent Ionic Conductivity – Journal : Science – DOI : Lien vers l’étude
Source : Oxford U.











