Pionnière de l’étude des chimpanzés, Jane Goodall s’est éteinte mercredi 1ᵉʳ octobre à Los Angeles, alors qu’elle effectuait une tournée de conférences. À 91 ans, la figure emblématique de la conservation laisse derrière elle six décennies de recherches, un plaidoyer infatigable pour la planète et une influence qui dépasse largement les cercles scientifiques. De Gombe, en Tanzanie, jusqu’aux tribunes des Nations unies, elle a bouleversé notre regard sur le monde animal et inspiré des générations entières à protéger la biodiversité.
Une vie consacrée à « nos cousins les chimpanzés »
« Ce que vous faites fait une différence, et vous devez décider du genre de différence que vous voulez faire. » — Jane Goodall
Née à Londres en 1934, Jane Goodall rejoint la Tanzanie en 1960 sous la responsabilité du paléo-anthropologue Louis Leakey. Sans diplôme universitaire à l’époque, elle établit, sur la rive du lac Tanganyika, la plus longue étude de terrain jamais menée sur une espèce sauvage. Ses observations révèlent que les chimpanzés fabriquent et utilisent des outils, chassent en groupe et manifestent une gamme d’émotions complexes, des découvertes qui, à l’époque, ébranlent la frontière supposée entre l’homme et l’animal.
La célèbre primatologue a aussi ouvert le chemin aux femmes dans une discipline dominée par les hommes. National Geographic publie dès 1963 ses premiers travaux illustrés par son époux, le photographe Hugo van Lawick, qui propulse la jeune chercheuse sur la scène internationale. Loin du jargon académique, elle attribue des noms aux chimpanzés, une pratique jugée « non scientifique » à l’époque mais désormais largement acceptée. « Les découvertes du Dr Goodall ont révolutionné la science », souligne le communiqué de son institut.
De la recherche à l’activisme planétaire
« Le plus grand danger pour notre avenir est l’apathie. » — Jane Goodall
À partir des années 1980, la scientifique troque le carnet de terrain pour le pupitre des conférences. Parcourant jusqu’à 300 jours par an le globe, elle alerte sur la déforestation, le braconnage et la crise climatique.
Son programme Roots & Shoots, lancé en 1991, mobilise aujourd’hui des jeunes dans plus de 60 pays. Nommée Messagère de la Paix par l’ONU en 2002, Dame de l’Empire britannique en 2004 et récipiendaire de la Médaille présidentielle américaine de la liberté cette année, elle symbolise une conscience écologique mondiale.
Un héritage scientifique et philosophique
Au-delà de ses 30 ouvrages et innombrables articles, Jane Goodall lègue l’idée simple qu’il faut comprendre pour protéger. Ses travaux continuent de nourrir la primatologie moderne, tandis que son approche empathique inspire aujourd’hui l’éthique animale et les politiques de conservation. Dans notre monde où nous sommes davantage confrontés à une extinction des espèces, la disparition de cette « grande dame des forêts » résonne plus que jamais comme un rappel de l’urgence écologique.
La voix douce qui imitait le cri du chimpanzé dans les amphithéâtres s’est tue, mais l’écho de son message demeure. Alors que la communauté scientifique lui rend hommage, la meilleure façon d’honorer Jane Goodall sera sans doute de poursuivre son combat comme protéger les dernières forêts, réhabiliter les écosystèmes malmenés et, surtout, ne jamais céder à l’indifférence.
Source : Jane Goodall Institute