La privation de chauffage aggrave la santé des ménages précaires

La Fondation Abbé Pierre a tenté à travers une étude de décrire les effets de la précarité énergétique sur la santé et d’identifier en quoi elle est un facteur aggravant de l’état de santé des personnes qui y sont confrontées.

La Fondation met en avant des travaux de recherche effectués en Grande-Bretagne qui montrent qu’un seul euro investi dans la rénovation thermique permettait d’économiser 0,42 € sur les dépenses de santé. Elle estime que si les politiques de lutte contre la précarité énergétique ont "un coût", l’inaction en a également un.

En France, l’étude a été confiée au CREAI-ORS Languedoc-Roussillon, et réalisée sur deux terrains : l’Est de l’Hérault et le Douaisis.

Résultats

>>> LES LOGEMENTS ET LES MÉNAGES

Les logements occupés par les ménages exposés à la précarité énergétique sont plus anciens que ceux des ménages non exposés. Les ménages, quel que soit leur groupe d’appartenance, résident dans deux cas sur cinq en appartement et dans trois cas sur cinq en maison.

Des logements moins ventilés et moins isolés

Dans les logements des personnes exposées, les pièces d’eau (cuisine, salle de bains, toilettes) sont moins souvent équipées de bouches de ventilation et, quand celles-ci existent, elles sont plus souvent obstruées. Les fenêtres sont moins souvent équipées de double vitrage. On trouve des moisissures dans un logement sur deux. C’est dans les chambres et les salles de bains qu’elles sont les plus fréquentes.

Des difficultés à se chauffer

Les radiateurs électriques sont le principal mode de chauffage des ménages exposés à la précarité énergétique. Ils ont moins souvent à leur disposition un mode de chauffage central et peuvent moins fréquemment gérer la température de chauffage. Ils utilisent plus souvent un chauffage d’appoint.

Ils sont plus nombreux à ne pas chauffer certaines pièces (comme les chambres), à trouver qu’il fait trop froid chez eux l’hiver, mais également que leur facture d’énergie est trop importante par rapport à leurs ressources.

Des ménages plus nombreux à vivre sous le seuil de pauvreté

Si le revenu disponible des ménage est comparable entre les deux groupes, les ménages exposés sont plus nombreux à vivre sous le seuil de pauvreté. Notons qu’un ménage sur deux du groupe non exposé vit également sous le seuil de pauvreté.

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>>> LA SANTÉ DES ADULTES

Après prise en compte des effets d’âge, de niveau de pauvreté, de tabagisme et de la présence de moisissures dans le logement, des différences apparaissent entre l’état de santé des personnes exposées à la précarité énergétique et celles qui ne le sont pas.

Une santé perçue dégradée

La note de santé globale (de 0 à 10) que se donnent les personnes du groupe exposé n’est pas bonne. Le questionnaire comportait une échelle de santé perçue, le profil de santé de Duke1 permettant de construire un score général et des scores par dimension. L’analyse de leurs scores montre un état de santé dégradé, que ce soit de façon générale ou pour chacune des dimensions du profil de santé de Duke.

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Des pathologies chroniques ou aiguës et des symptômes plus fréquents

Parmi les pathologies chroniques étudiées, quatre sont rapportées plus fréquemment chez les adultes du groupe exposé : les bronchites chroniques, l’arthrose, l’anxiété et dépression, et les maux de têtes. Les pathologies aiguës hivernales comme les rhumes et angines, la grippe ou les diarrhées (gastroentérites) sont significativement plus fréquentes chez les personnes exposées.

Enfin, parmi les symptômes explorés, plusieurs sont plus fréquents en cas d’exposition à la précarité énergétique : sifflements respiratoires, crises d’asthme, rhumes des foins, rhinorrhées (nez qui coule) ou irritations oculaires.

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>>> LA SANTÉ DES ENFANTS

Les questionnaires santé renseignés pour les enfants sont moins nombreux que ceux des adultes. De ce fait, les possibilités de montrer des différences entre les deux groupes sont plus limitées.

Une santé perçue moins bonne

Les parents des enfants exposés à la précarité énergétique leur donnent une note moins bonne pour qualifier leur état de santé.

Quelques pathologies aiguës et symptômes plus fréquents

Les enfants exposés ont eu plus souvent un rhume ou une angine au cours de l’année écoulée.

Après prise en compte du niveau de pauvreté, de la présence de fumeurs ou de moisissures dans le logement, différents symptômes sont plus fréquents chez eux : sifflements respiratoires, rhinorrhées (nez qui coule) ou irritations oculaires.

La privation de chauffage aggrave la santé des ménages précaires

 

Le travail engagé au travers de cette étude a pu mettre en évidence des effets de la précarité énergétique sur la santé des personnes.

Les résultats montrent que les personnes exposées à la précarité énergétique ont une perception de leur santé moins bonne que les personnes qui n’y sont pas exposées. Des problèmes de santé chroniques respiratoires, ostéo-articulaires, neurologiques ou de type de dépression apparaissent plus fréquemment dans le groupe exposé. L’étude des pathologies aiguës montre une plus grande sensibilité des personnes aux pathologies hivernales. Celle-ci, pour les rhumes et les angines, se retrouve aussi bien chez les adultes que chez les enfants. C’est dans le domaine des symptômes que le plus grand nombre de différences sont mises en évidence, aussi bien chez les adultes que chez les enfants.

Une méthodologie valide est désormais disponible pour continuer à mener des études sur le lien entre précarité énergétique et santé et pour confirmer les résultats obtenus.

Cependant, il semble important d’essayer d’aller plus loin et de faire le lien entre précarité énergétique, effets sur la santé et consommation de soins. L’intérêt de tels travaux combinant approche sanitaire et approche économique peut, in fine, permettre d’évaluer le surcoût qu’engendre la précarité énergétique dans le domaine des dépenses de santé et de le mettre en regard des investissements nécessaires pour améliorer la qualité du logement. Au-delà de ces approches médico économiques, il semble également important de mettre en évidence jusqu’à quel point ces situations de précarité énergétique peuvent aussi être un frein à l’insertion sociale des personnes exposées.

>>> Lire l’étude complète ICI (.pdf)

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