Dans un monde où la demande en calcul informatique industriel ne cesse de croître, la recherche de solutions pour réduire la consommation énergétique des infrastructures devient cruciale. Les matériaux supraconducteurs pourraient jouer un rôle clé dans cette quête d’efficience, promettant des avancées significatives dans la gestion de l’énergie des centres de données.
Des physiciens de l’Université de Washington et du Laboratoire national d’Argonne du Département de l’Énergie des États-Unis (DOE) ont identifié un matériau supraconducteur doté d’une sensibilité particulière aux stimuli externes. Cette caractéristique permet d’améliorer ou de supprimer les propriétés supraconductrices à volonté, ouvrant la voie à de nouveaux circuits supraconducteurs commutables et économes en énergie.
La supraconductivité est une phase de la matière où un courant électrique peut circuler sans résistance, garantissant une efficacité de transport électronique parfaite. Les applications actuelles des supraconducteurs incluent les électroaimants les plus puissants, utilisés dans des technologies avancées telles que l’imagerie par résonance magnétique, les accélérateurs de particules, les réacteurs de fusion et même les trains lévitant.
Ce matériau est passionnant car il existe une compétition étroite entre plusieurs phases, et en appliquant une petite contrainte ou un champ magnétique, vous pouvez favoriser une phase par rapport à l’autre pour activer ou désactiver la supraconductivité
Shua Sanchez, Université de Washington
Un potentiel pour l’échelle industrielle
Les dispositifs électroniques actuels utilisent des transistors semi-conducteurs pour commuter rapidement les courants électriques, générant les uns et les zéros binaires nécessaires au traitement de l’information.
Ces courants traversent des matériaux avec une résistance électrique finie, entraînant une perte d’énergie sous forme de chaleur. Les températures très basses requises pour la supraconductivité, bien inférieures à 200 degrés Fahrenheit en dessous de zéro (soit -93,33°C), rendent ces matériaux peu pratiques pour les appareils portables, mais ils pourraient être extrêmement utiles à l’échelle industrielle.
L’équipe de recherche, dirigée par Shua Sanchez, a étudié un matériau supraconducteur inhabituel avec une tunabilité exceptionnelle. Ce cristal est composé de couches planes d’atomes d’ europium ferromagnétiques intercalées entre des couches supraconductrices d’atomes de fer, de cobalt et d’arsenic. La coexistence du ferromagnétisme et de la supraconductivité est extrêmement rare dans la nature, car une phase a tendance à dominer l’autre.
« C’est en fait une situation très inconfortable pour les couches supraconductrices, car elles sont traversées par les champs magnétiques des atomes d’europium environnants », a déclaré Sanchez. « Cela affaiblit la supraconductivité et entraîne une résistance électrique finie. »
Contrôle et personnalisation de la supraconductivité
En utilisant une combinaison de techniques de rayons X, Sanchez et ses collaborateurs ont démontré que l’application d’un champ magnétique au cristal peut réorienter les lignes de champ magnétique de l’europium parallèlement aux couches supraconductrices, éliminant leurs effets antagonistes et permettant l’émergence d’un état de résistance nulle. Des mesures électriques et des techniques de diffusion des rayons X ont confirmé la capacité de contrôler le comportement du matériau.
« La nature des paramètres indépendants contrôlant la supraconductivité est tout à fait fascinante, car on pourrait élaborer une méthode complète de contrôle de cet effet », a déclaré Philip Ryan d’Argonne, co-auteur de l’étude. « Ce potentiel soulève plusieurs idées fascinantes, y compris la capacité de réguler la sensibilité au champ pour les dispositifs quantiques. »
En appliquant des contraintes au cristal, l’équipe a obtenu des résultats intéressants. Ils ont découvert que la supraconductivité pouvait être soit suffisamment renforcée pour surmonter le magnétisme même sans réorienter le champ, soit suffisamment affaiblie pour que la réorientation magnétique ne puisse plus produire l’état de résistance nulle. Ce paramètre supplémentaire permet de contrôler et de personnaliser la sensibilité du matériau au magnétisme.
En synthèse
La découverte de ce matériau supraconducteur sensible aux stimuli externes représente une avancée significative dans la recherche d’une plus grande efficacité énergétique pour les infrastructures informatiques à grande échelle. Avec la possibilité de commuter la supraconductivité, ce matériau pourrait transformer la manière dont nous gérons l’énergie dans les centres de données et au-delà, marquant un pas important vers une technologie plus durable et moins énergivore.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que la supraconductivité ?
La supraconductivité est un état de la matière où la résistance électrique tombe à zéro, permettant un courant électrique de circuler sans perte d’énergie.
Pourquoi les matériaux supraconducteurs sont-ils importants ?
Ils sont essentiels pour créer des technologies avancées comme les IRM, les accélérateurs de particules et les trains à lévitation magnétique, grâce à leur capacité à générer des champs magnétiques puissants sans perte d’énergie.
Quelle est la découverte des chercheurs de l’Université de Washington et d’Argonne ?
Ils ont trouvé un matériau supraconducteur qui peut être commuté on et off grâce à l’application de contraintes ou de champs magnétiques, ce qui pourrait conduire à des circuits supraconducteurs plus économes en énergie.
Quels sont les défis de l’utilisation des matériaux supraconducteurs ?
Le principal défi est la nécessité de maintenir des températures extrêmement basses pour que la supraconductivité se manifeste, ce qui est difficile et coûteux à réaliser, surtout pour les appareils portables.
Quel est le potentiel de cette découverte pour l’avenir ?
Cette découverte a le potentiel de révolutionner la gestion de l’énergie dans les centres de données et d’autres applications industrielles, en réduisant considérablement la consommation énergétique.
Références
Article : « Strain-switchable field-induced superconductivity » – DOI: 10.1126/sciadv.adj5200