Les collectivités dénoncent la dégradation du réseau

Réunis le 11 février, les élus de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR) ont exprimé leur mécontentement à l’encontre d’ERDF. Ils estiment que les promesses en terme de qualité de distribution de l’électricité n’ont pas été tenues par le gestionnaire. 7 propositions sont avancées en vue de restaurer la fiabilité du réseau.

Les collectivités propriétaires du réseau concèdent son entretien et son renouvellement à ERDF. Dans un communiqué, elles dénoncent la chute des investissements d’EDF, puis d’ERDF (créée en 2008) depuis les années 2000. Les élus chiffrent ce recul à un milliard d’euros par an par rapport aux années1990, passant de 2,5 milliards d’euros à 1,5 milliard par an aujourd’hui.

Résultat : une forte dégradation de la qualité. "Le temps de coupure moyen a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années", pointe les membres de la Fédération. Hors événements exceptionnels, ils ont relevé 56 minutes de temps de coupure en 2004, 60 en 2005, 72 en 2006, 66 en 2007. En 2008, au 30 septembre, 60 minutes de coupure avaient déjà été observées.

Pour mettre un terme à cette situation, la FNCCR formule 7 propositions :

Demande 1 : la FNCCR demande à ERDF de recenser les « points faibles » du réseau de distribution, à échéance de trois mois. Elle rendra compte des suites réservées à cette demande à cette date.

Demande 2 : Elle réclame à ERDF un plan d’investissement pour sécuriser le réseau à échéance de 5 ans. Ce plan vise l’éradication des fils nus, techniquement les plus vulnérables. Ces fils nus «faible section» correspondent à un linéaire de réseau d’environ 70 000 km.

Il vise aussi l’enfouissement ou le contournement des lignes aériennes situées en zone boisée (réseaux HTA en fils nus). Ces lignes représentent environ 50 000 km. Ce plan sera décliné à l’échelle de chaque concession avec l’autorité concédante concernée. La FNCCR souhaite qu’il accompagne les efforts d’enfouissement actuels et ne s’y substitue pas.

Ce plan d’urgence représente 10 milliards d’euros, chiffre la fédération. Pour y répondre, elle propose plusieurs solutions.

– Les provisions pour renouvellement du concessionnaire sont immédiatement mobilisables, indique-t-elle. A ce jour, ces provisions sont de l’ordre de 11,4 milliards d’euros. Comme cette somme est destinée au renouvellement des réseaux, ERDF doit pouvoir la mobiliser dans les cinq ans qui viennent, affirme-t-elle.

– La fédération met également en avant le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). Son utilisation comme moyen de financement est toutefois problématique, et mérite un arbitrage politique. Un point de Turpe, c’est environ 100 millions d’euros. Les collectivités pensent que cette équation doit être posée au regard des intérêts des consommateurs.

Demande 3 : la FNCCR préconise que les autorités concédantes pour l’électricité aient les mêmes droits que les autorités organisatrices des services publics d’eau et d’assainissement en termes d’informations, par le délégataire, sur la programmation des investissements incombant à ce dernier.

A ce titre, un programme prévisionnel de travaux de renouvellement devrait être annexé au contrat de concession de la distribution publique d’électricité. La FNCCR propose de compléter les objectifs pluriannuels en matière d’enfouissement de réseaux publics (loi du 9 août 2004) par la définition au niveau local d’objectifs similaires.

La FNCCR demande la publication du décret qui doit fixer le montant des pénalités que la loi autorise les autorités concédantes à percevoir auprès d’ERDF en cas de qualité insuffisante. Prévu par l’article 21-1 III de la loi du 10 février 2000, ce décret est toujours en attente de publication.

Demande 4 : la FNCCR souhaite tirer les enseignements de 2009 pour la gestion des situations de crise.

Tout en saluant la mobilisation des équipes d’ERDF, des entreprises soustraitantes et des agents des collectivités locales qui ont aidé à rétablir l’électricité, la FNCCR demande à ERDF de définir un seuil d’alerte météo permettant de déclencher rapidement l’intervention d’équipes de techniciens en renfort, de créer un outil de suivi en temps réel des usagers non alimentés par départ de réseau moyenne tension et par commune.

La gestion des stocks de matériels, en particulier de groupes électrogènes, doit être optimisée, indique-t-elle. La FNCCR demande aussi à ERDF d’améliorer sa communication de crise envers les usagers.

Enfin, ERDF devra communiquer à chaque autorité concédante les informations élémentaires résultant d’une situation de crise : coupures recensées dans le mois, avec nombre de foyers et entreprises concernées, cumul et pic, temps de coupure, courbe de réalimentation.

Demande 5 : la FNCCR déclare soutenir ERDF dans sa demande de revalorisation du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). Mais pas sans conditions : ERDF devra définir à l’échelle de chaque concession les investissements qui résulteront des sommes versées par les usagers ainsi que des mécanismes de péréquation et de solidarité nationale.

L’argent des réseaux représente un peu moins de 50% HT de la facture, rappelle la fédération, qui souhaite que cet argent serve aux réseaux, à leur enfouissement et à leur sécurisation. La FNCCR demande également à ERDF de modifier progressivement sa politique de dividendes vis-à-vis de sa maison-mère EDF. A ce jour, le niveau s’établit à 75%. Celui de RTE est à 60%. La FNCCR invite ERDF et EDF à s’entendre sur un pourcentage acceptable pour les Français.

Demande 6 : La fédération estime que la question de l’organisation territoriale d’ERDF doit être posée. Selon elle ERDF doit définir une maille territoriale à l’échelle de chaque concession, qui garantisse le bon niveau de connaissance technique. La connaissance du terrain et de la cartographie doivent redevenir des priorités en termes de management interne.

Demande 7 : la FNCCR demande une révision de l’article 5.1. des conditions générales de vente d’EDF au tarif réglementé. Pour elle, il permet au distributeur ERDF de s’exonérer de sa responsabilité en cas d’incidents sur les ouvrages qu’il exploite.

Ce plan d’urgence est une première étape, souligne la FNCCR. D’autres problèmes devront être réglés pour permettre aux réseaux français de devenir les «réseaux intelligents» du 21ème siècle, indique-t-elle.

Elle conclut son appel par une reconnaissance de l’expertise d’ERDF et rappelle que la fédération et ses adhérents l’ont invité à travailler à leurs côtés pour améliorer un service public qui s’est dégradé et "qui ne correspond ni à l’image d’ERDF ni aux besoins des Français."

La FNCCR rendra compte de l’avancée de ses travaux, lors de son congrès à Annecy, du 22 au 25 septembre 2009.

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Nature

Enfin nous allons peut-être faire aussi bien que la Suisse ou l’Autriche en matière d’enfouissement des lignes. Il est vrai que cette disposition leur était infiniment plus facile,ce sont deux pays au relief peu accidenté,au sol surtout composé de sédiments en couches épaisses et dont le climat est beaucoup plus clément qu’ en Poitou ,en Artois ou en Beauce. Nous aurions encore quelques petites difficultés supplémentaires s’il fallait coordonner 10.000 éoliennes éparses dans nos paysages.Dieu nous en garde.

Domus

Il ne faudrait pas que nos élus reportent leurs responsabilités sur une entreprise de service publique qui agit dans un contexte réglementaire et contrôlé. La régulation existe aujourd’hui (CRE) et les collectivités ont un pouvoir de contrôle. Elles ont donc les moyens de s’opposer aux inconvénients de l’ouverture du marché de l’électricité mais qu’elles le fassent avec cette entreprise remarquable. Ensuite que ceux qui veulent enfouir tous les réseaux en acceptent le surcoût et évite des comparaisons avec des pays différents en tant que richesse propre et taille du réseau et profondeur de la consommation.  

lion

Les collectivités concédantes seraient bien avisées de mettre à profit les taxes qu’elles perçoivent sur l’électrcité distribuée pour la mise en souterrain des réseaux quand il s’avère que la solution est meilleure que l’aérien. Elles se gardent bien de parler de ce pactole qui représente des sommes considérables et qui sont versées parce que le réseau de distribution est leur propriété, ERDF n’étant que concessionnaire.