Le nettoyage des coques de navires, longtemps confié à des plongeurs va peut-être connaître une accélération technologique majeure. La start-up sino-singapourienne Neptune Robotics vient de lever 52 millions de dollars lors d’un tour de table mené par Granite Asia, avec le soutien stratégique du géant japonais NYK Line. Grâce à des robots sous-marins dopés à l’intelligence artificielle, l’entreprise promet de réduire jusqu’à 30% la consommation de carburant des cargos, en même temps qu’elle éloigne les humains des interventions les plus périlleuses. Sur un marché évalué à plusieurs milliards de dollars et soumis à une pression croissante pour décarboner, la robotique maritime entre dans une phase de déploiement industriel.
Derrière le terme technique « biofouling » se cache un fléau qui ralentit les navires, alourdit leur facture énergétique de 40 à 50 milliards de dollars par an et gonfle leurs émissions de gaz à effet de serre. Le nettoyage régulier des coques constitue donc un levier immédiat pour la transition bas-carbone, mais il reste dangereux. Le métier de plongeur professionnel affiche l’un des taux de mortalité les plus élevés au monde.
En automatisant l’opération, Neptune Robotics promet un retour sur investissement « jusqu’à dix fois supérieur » pour les armateurs et la suppression de risques humains majeurs.
Une technologie éprouvée dans 61 ports asiatiques
Les robots conçus par Neptune se déplacent sur la coque comme des « geckos métalliques ». Capables de travailler nuit et jour dans des eaux troubles et des courants atteignant quatre nœuds, ils nettoient un vraquier Capesize en moins de 24 heures, soit trois à cinq fois plus vite qu’une équipe de plongeurs.
Déjà déployés dans 61 ports couvrant 70% des routes commerciales asiatiques, ils sont compatibles avec les peintures silicone de dernière génération, un point crucial pour préserver les revêtements antifouling. L’accord avec NYK Line, scellé après trois ans de tests, prévoit désormais un déploiement à l’échelle de sa flotte mondiale de vraquiers, car-carriers et autres navires.
Des investisseurs qui y voient un standard de demain
Au-delà du montant levé, la participation d’un armateur historique confère à Neptune un sceau de légitimité.
« Le soutien de Granite Asia et de NYK confirme le chemin parcouru par la robotique dans la transformation de l’efficacité et de la durabilité maritimes. Ce tour de table nous donne les moyens de nous développer à l’échelle mondiale, de continuer à innover et d’aider les armateurs à augmenter leur rendement tout en réduisant leurs émissions. » — Elizabeth Chan, CEO de Neptune Robotics.
Le chef de file du tour, Granite Asia, met pour sa part l’accent sur le potentiel commercial.
« Chez Granite Asia, nous considérons Neptune Robotics comme emblématique d’une nouvelle vague d’entreprises qui redéfinissent les industries mondiales grâce à l’automatisation et à l’IA. Nous sommes ravis de diriger ce tour de table et de soutenir leur mission qui consiste à développer des technologies qui apportent une valeur commerciale et environnementale. Avec plus de 50 000 grands navires commerciaux en activité dans le monde, le nettoyage robotisé des coques représente un marché de plusieurs milliards de dollars – et Neptune est à l’avant-garde pour le rendre plus sûr, plus propre et plus efficace. »
NYK Line anticipe déjà les gains opérationnels
« Nous sommes impressionnés par la technologie de nettoyage de coque très efficace de Neptune Robotics, qui maximise la protection des revêtements de coque et contribue aux économies de carburant et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’au respect des réglementations environnementales. Grâce à ce partenariat, nous souhaitons créer de futures opportunités commerciales en combinant nos forces. Nous espérons contribuer à la décarbonisation non seulement de notre flotte, mais aussi de l’ensemble du secteur du transport maritime. » — Hidehiko Sato, directeur du Ship Business Group.
Cap sur l’international
Les nouveaux fonds serviront à développer une plateforme de services pilotée par IA et à concevoir une nouvelle génération de robots, plus rapides et plus autonomes. Neptune cible une vingtaine de marchés supplémentaires, le Japon faisant office de tête de pont en Asie-Pacifique. À moyen terme, l’entreprise ambitionne de s’intégrer aux programmes de suivi de performance des armateurs et de proposer un modèle « as a service » capable de garantir, données à l’appui, les économies de carburant réalisées.
Si l’automatisation du nettoyage de coque semble désormais mûre, deux défis subsistent : l’harmonisation des réglementations portuaires et la mise à l’échelle de l’infrastructure de support (stations de maintenance, pièces détachées, équipes d’intervention). Mais la trajectoire est tracée : les robots plongeurs apparaissent comme un maillon essentiel de la décarbonation maritime et pourraient, à terme, devenir aussi incontournables que les drones d’inspection dans l’aviation. À mesure que la pression réglementaire s’intensifie et que le prix des carburants demeure volatil, la promesse d’un nettoyage plus sûr, moins cher et plus propre a toutes les chances de s’imposer comme un standard industriel.
Source : Neptune Robotics