L’intérêt des nanomatériaux pour accumulateurs lithium

Les accumulateurs électrochimiques sont des systèmes servant à stocker réversiblement de l’énergie électrique sous forme chimique. Ceux-ci restituent sous forme d’énergie électrique, exprimée en watt/heure (Wh), l’énergie chimique générée par des réactions électrochimiques.

Ces réactions sont activées au sein d’une cellule élémentaire entre deux électrodes baignant dans un électrolyte lorsqu’une charge, un moteur électrique par exemple, est branchée à ses bornes. L’accumulateur est basé sur un système électrochimique réversible. Il est rechargeable par opposition à une pile qui ne l’est pas. Le terme batterie est alors utilisé pour caractériser un assemblage de cellules élémentaires (en général rechargeables).

Un accumulateur, quelle que soit la technologie utilisée, est pour l’essentiel défini par trois grandeurs :

· Sa densité d’énergie massique (ou volumique), en wattheure par kilogramme, Wh/kg (ou en wattheure par litre, Wh/l), correspond à la quantité d’énergie stockée par unité de masse (ou de
volume) d’accumulateur.

· Sa densité de puissance massique, en watt par kilogramme (W/kg), représente la puissance (énergie électrique fournie par unité de temps) que peut délivrer l’unité de masse d’accumulateur.

· Sa cyclabilité, exprimée en nombre de cycles, caractérise la durée de vie de l’accumulateur, c’est à dire le nombre de fois où il peut restituer un niveau d’énergie supérieur à 80 % de son énergie nominale, cette valeur étant la valeur la plus souvent demandée pour les applications portables.

Les accumulateurs Li-ion ont été commercialisés pour la première fois par Sony en 1990. Ils sont basés sur l’intercalation réversible d’ion Li+ dans deux types de matériaux : le LiCoO2 (feuillets de CoO2) à l’électrode positive et le graphite (feuillets de graphène) à l’électrode négative. Les premiers accumulateurs offraient des performances limitées (100 Wh/kg, 250Wh/l). Depuis, celles-ci se sont notablement améliorées (de 225 Wh/kg, 650Wh/l en 2009), grâce d’une part, aux progrès technologiques réalisés (diminution de la part inactive dans le poids et le volume des accumulateurs) et, d’autre part, à l’optimisation des performances des matériaux.

Ces excellentes performances ont permis à cette technologie d’accumulateur de s’imposer de manière hégémonique sur le marché de l’électronique portable : caméscopes, téléphones, ordinateurs, lecteurs mp3… La production mondiale actuelle (2008) dépasse les 3 milliards d’éléments pour une valeur de 7 milliards de dollars US. De nouveaux marchés, tels que ceux du véhicule hybride ou tout électrique, se développent mais requièrent de nouvelles évolutions, notamment en terme de sûreté et de coût.

Les matériaux actifs d’électrode (LiCoO2, graphite) se présentent sous forme de particules d’environ 10µm (micromètres). Ils sont incorporés par la suite dans une électrode composite poreuse avec différents types de carbones ayant pour fonction d’améliorer le transport des électrons jusqu’aux particules, un liant polymère assurant la tenue mécanique de l’ensemble et son adhésion sur le collecteur de courant métallique. L’électrolyte liquide pénètre dans les porosités de ces électrodes et assure lui le transport des ions Li+ jusqu’à la surface des particules.

L’acception de nanomatériaux regroupe globalement deux familles de composés
:

– les nanoparticules, grains individuels de taille nanométrique

– les matériaux nanostructurés, dont la taille est bien plus élevée mais dont les propriétés sont modifiées par des inclusions, des revêtements ou une structure particulière de taille nanométrique. Ce sont souvent donc des matériaux composites. Leur utilisation dans les accumulateurs Li-ion actuels est loin d’être systématique. Celle-ci intervient lorsqu’elle est à même de résoudre certaines limitations des matériaux ‘massifs’ ou de mieux exploiter certaines de leurs propriétés.

Matériaux nanométriques : il existe plusieurs avantages potentiels évidents à la diminution de la taille des matériaux actifs d’électrode. Ceux-ci peuvent être lié à

  • l’augmentation de la surface de contact électrode/électrolyte pouvant permettre de forts régimes de charge/décharge,
  • un raccourcissement du chemin de diffusion des ions Li+ au sein des matériaux actifs, permettant l’utilisation de matériaux faiblement conducteurs ioniques et/ou l’application de régimes charge/décharge importants,
  • une réduction du chemin de transport électronique, permettant l’utilisation de composés faiblement conducteurs ou l’application de courants importants,
  • une meilleure résistance mécanique des particules aux changements de volume induits par l’insertion/désinsertion des ions Li+.

Matériaux nanostructurés – Nanocomposites : Parallèlement à l’usage de matériaux actifs simples élaborés pour améliorer les propriétés énoncées ci-dessus, il peut être avantageux de proposer des associations de matériaux en vue de combiner leurs propriétés et/ou de générer de nouvelles fonctionnalités :

  • enrobage de particules d’un matériau isolant électronique par une couche nanométrique de conducteur ;
  • enrobage d’un matériau ayant une réactivité vis-à-vis de l’électrolyte par une couche de nanoparticules ou un fin revêtement protecteur ;
  • greffage chimique ou inclusion de nano-particules d’un matériau actif à forte capacité et forte expansion volumique sur une matrice inerte ou à faible variation volumique ;
  • réalisation de systèmes multicouches (matériau actif/matériau inerte) pour accommodation de contraintes et segmentation des profils de concentration en ions insérés ;
  • matériaux actifs composites inorganique-organique : généralement structures lamellaires stabilisées par des espèces organiques servant de piliers entre des feuillets inorganiques,
  • avec éventuellement un caractère de conducteur électronique.


Quelques exemples d’emploi dans des accumulateurs commerciaux :

Nanocomposite LiFePO4/carbone : Le composé le plus couramment employé comme électrode positive dans les accumulateurs Li-ion est le LiCoO2. Les propriétés électrochimiques sont
excellentes, mais sont coût et sont instabilité en cas de surcharge rendent son utilisation improbable dans les batteries destinées au véhicule électrique ou hybride. Le composé LiFePO4 en revanche a une excellente stabilité structurale à l’état chargé (FePO4) – il est donc très sûr – et son coût est trois à quatre fois inférieur au LiCoO2. Seulement, sa très faible conductivité électronique à l’état ‘massif’ le rend impropre en l’état à une utilisation pratique. Elaboré sous la forme d’un nanocomposite constitué d’agglomérats de nanoparticules (20-50nm) revêtues de quelques nanomètres de carbone, il constitue une excellente électrode. Des accumulateurs basés sur ce matériau sont commercialisés actuellement
entre autres par SAFT et A123 systems.

Alliage nanostructuré Sn-Co-C : Le graphite est une forme de carbone utilisée de manière classique comme matériau d’électrode négative. Sa capacité d’insertion maximale théorique est de 372 mAh/g, soit 1Li+ pour 6 atomes carbones. Les éléments formant des alliages avec le lithium comme le silicium, l’étain, peuvent insérer jusqu’à 20 fois plus de lithium par atome, mais parallèlement avec un changement de volume important (x ~ 4) posant de nombreux problèmes. Une solution est de ‘diluer’ ce matériau actif dans un matrice inerte vis-à-vis de l’insertion du lithium et capable d’assurer la cohésion mécanique de l’ensemble. L’incorporation se fait sous la forme d’inclusions nanométriques au sein d’un nanocomposite, et est réalisée par exemple par mécanosynthèse. Sony commercialise depuis cinq ans ses accumulateurs Nexelion utilisant un nanocomposite de type Sn-Co-C. Le gain de capacité obtenu est d’environ 30% par rapport à un élément Li-ion conventionnel.

Revêtement protecteur à base d’Al pour composés de type Li(Co, Ni)O2 : la capacité des composés de Li(Co,Ni)O2 est en partie limitée par leur réactivité croissante avec l’électrolyte lorsqu’on extrait le lithium de leur structure (charge). Il a été montré que l’ajout d’aluminium dans leur composition a un effet stabilisateur de ce point de vue, mais constitue un handicap pour la capacité de ces composés. Une alternative pour pouvoir atteindre des capacités intéressantes tout en assurant la stabilité et la sûreté d’usage, est de réaliser un dépôt nanométrique d’oxyde ou de phosphate d’aluminium dont la diffusion en surface après un traitement thermique va créer interface peu réactive avec l’électrolyte.

Article rédigé par Frédéric Le Cras (CEA-Liten, Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux)

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boris d

Merci pour ce rappel sur les définitions. On lit souvent des articles qui nous apprennent que telle batterie a une puissance importante et la faible densité énergétique est “oubliée”. Parfois c’est l’inverse on a les wH/kg mais sans la puissance massique ou les courants toléré. Il est bien de lire un texte impartial et qui va plus loin dans les explications

Neodyme

Bonjour, “Ceux-ci restituent sous forme d’énergie électrique, exprimée en watt/heure (Wh), l’énergie chimique générée par des réactions” La bonne orthographe est “wattheure” ou “watt-heure” , svp, mais pitié surtout pas watt/heure, pas sur Enerzine !!! :o( Merci de corriger. Neodyme