Cinq mois après sa présentation au Bourget, l’astromobile conçu par Venturi Space a démontré avec succès ses capacités à évoluer sur sol meuble et pentes abruptes lors d’essais au centre LUNA de l’Agence Spatiale Européenne, à Cologne. La validation technique constitue une étape déterminante pour les ambitions lunaires européennes.
Sur le sol artificiel du centre LUNA, à Cologne, les roues hyper-déformables du rover MONA LUNA ont laissé leurs premières empreintes, traçant symboliquement la voie pour l’Europe dans la nouvelle course à l’exploration lunaire. Cinq mois après sa présentation au Salon du Bourget, le véhicule de Venturi Space vient de franchir avec brio une campagne d’essais exigeants, démontrant son adaptation aux contraintes du régolithe simulé.
Une genèse européenne
Le développement de MONA LUNA s’inscrit dans une dynamique historique où l’Europe spatiale cherche à affirmer sa place dans l’exploration robotique de la Lune. Alors que les agences américaine et chinoise déploient depuis plusieurs années des rovers opérationnels, l’ESA entend développer des solutions alternatives, moins dépendantes des technologies non-européennes.
La conception du rover a mobilisé simultanément les trois sites de Venturi Space à Monaco, en Suisse et en France, qui mettent en synergie des compétences complémentaires. La collaboration transfrontalière illustre encore une fois le modèle de coopération qui caractérise les grands programmes spatiaux européens depuis les débuts d’Ariane.

Une conception technique aboutie
D’une masse de 750 kilogrammes, extensible à une tonne, MONA LUNA répond à deux objectifs fondamentaux : l’exploration scientifique de la surface lunaire et la validation de technologies de mobilité durable. L’architecture repose sur plusieurs innovations majeures.
Le système de locomotion compte quatre roues motrices et directrices, chacune dotée d’une capacité de déformation exceptionnelle. Cette caractéristique permet d’optimiser l’aire de contact avec le sol, quel que soit son degré de compacité. La suspension à amortissement passif garantit quant à elle la stabilité dynamique lors des franchissements d’obstacles ou sur terrain incliné. L’électronique embarquée, testée avec rigueur, assure la gestion des différents sous-systèmes dans des conditions extrêmes.
Des performances au-delà des attentes
Les essais réalisés à Cologne ont validé des paramètres opérationnels essentiels. Le rover a ainsi franchi des pentes atteignant trente-trois degrés, en montée comme en descente, surpassant les spécifications initiales. Sa capacité ouvre la perspective d’explorer des reliefs accidentés, comme les rebords de cratères ou les flancs de collines lunaires. L’adaptation au sol meuble s’est révélée particulièrement efficace, les roues « flottant » littéralement sur le régolithe simulé pour éviter tout risque d’enlisement. Le franchissement d’obstacles rocheux de taille importante s’est effectué sans difficulté notable.
Les ingénieurs ont également constaté une traction supérieure aux prévisions, confirmant la robustesse des choix de conception. Les résultats font écho à des tests antérieurs menés en collaboration avec la NASA entre 2022 et 2025, qui avaient déjà mis en lumière le potentiel des roues hyper-déformables.
Un savoir-faire exporté outre-Atlantique
La validation technologique de MONA LUNA dépasse le cadre strictement européen. Plusieurs composants critiques du rover seront en effet opérationnels sur la Lune dès l’été prochain, mais à bord d’un véhicule différent : FLIP, développé par la société nord-américaine Venturi Astrolab, partenaire stratégique de Venturi Space. Ce rover américain intégrera les mêmes roues hyper-déformables, batteries, systèmes chauffants et capteurs de température que son homologue européen. Il bénéficiera également d’un système technique permettant son extraction de l’alunisseur, une autre innovation de Venturi Space. Notons que les carrosseries des deux rovers partagent une même signature esthétique, celle du designer Sacha Lakic.
Parallèlement au programme de développement du rover, Venturi Space consolide son infrastructure industrielle. Au printemps prochain, la première pierre sera posée pour un site de plus de dix mille mètres carrés à Toulouse, à proximité immédiate du Centre National d’Études Spatiales. Dès le premier semestre 2028, quelque cent cinquante ingénieurs y œuvreront à la conception et à la fabrication des futures versions de MONA LUNA.
L’usine fonctionnera en interaction étroite avec les entités suisse et monégasque, qui conserveront la maîtrise d’œuvres spécifiques : les roues hyper-déformables, les systèmes chauffants, les matériaux cryogéniques, le mécanisme d’extraction de l’alunisseur et les batteries haute performance. Cette répartition des tâches dessine une géographie industrielle européenne cohérente, où chaque site apporte son expertise distinctive.
Perspectives pour l’Europe spatiale
« J’ai vraiment été impressionné par la manière dont MONA LUNA a évolué sur le terrain difficile de LUNA. Voir ses roues se déformer et s’adapter au régolithe, aux pentes et aux rochers… c’est remarquable », souligne Daniel Neuenschwander, directeur des Programmes d’Exploration Humaine et Robotique à l’ESA.
Il ajoute : « Si MONA LUNA gagnait la possibilité de rejoindre l’une de nos missions, ce serait une très belle opportunité pour l’Europe. » Gildo Pastor, président de Venturi Space, exprime une « immense fierté » tout en reconnaissant que « nous n’avons accompli qu’1 % du chemin qui, je l’espère, nous emmènera jusqu’à la Lune ».
Le Dr. Antonio Delfino, directeur des Affaires Spatiales de Venturi Space, insiste sur l’aspect fondamental des essais : « Ces roulages étaient avant tout dédiés à la locomotion du véhicule. Nous voulions comprendre comment MONA LUNA se comporte sur sol meuble, en pente, et face à des obstacles importants. Les résultats sont au-delà de nos attentes. »
Ces tests réussis positionnent l’Europe comme un acteur crédible dans le domaine de la mobilité lunaire robotisée. Alors que l’ESA planifie des missions ambitieuses, notamment dans le cadre du programme « Terrae Novae », la disponibilité d’un rover performant et conçu sur le sol européen offre des options nouvelles. La capacité à négocier des pentes abruptes et des terrains meubles élargit considérablement le spectre des sites d’atterrissage envisageables, depuis les plaines basaltiques jusqu’aux régions polaires riches en glace d’eau. A l’heure où la Lune redevient un objectif prioritaire, l’Europe dispose des compétences pour y participer activement, non plus seulement en tant que partenaire minoritaire, mais comme contributeur majeur de technologies critiques.
Source :Venturi












