"La concentration massive des ressources économiques dans les mains de toujours moins de personnes constitue une réelle menace pour les systèmes économiques et sociaux inclusifs" a alerté dans un rapport publié hier, l’institut Oxfam.
Ainsi, les inégalités économiques vont en s’amplifiant rapidement dans la plupart des pays, alors que les richesses du monde sont divisées en deux : "près de la moitié est entre les mains des 1% les plus riches, tandis que 99 % de la population mondiale se partagent l’autre moitié."
"Les inégalités économiques extrêmes et la confiscation du pouvoir politique sont trop souvent interdépendantes. Si rien n’est fait, la mise à mal des institutions politiques se poursuivra et les États serviront principalement les intérêts des élites économiques, aux dépens des autres citoyens" s’alarme Oxfam, avant d’ajouter "Étant donné l’ampleur de la concentration grandissante des richesses, la confiscation des opportunités et la représentation politique inégale constituent une tendance forte et inquiétante."
Elle donne des exemples chiffrés pour le moins évocateurs :
• Près de la moitié des richesses mondiales sont maintenant détenues par seulement 1 % de la population. La richesse des 1 % les plus riches s’élève à 110 trillions de dollars. C’est 65 fois la richesse totale de la moitié la moins riche de la population mondiale.
• La moitié la moins riche de la population mondiale possède la même richesse que les 85 personnes les plus riches du monde.
• Sept personnes sur dix vivent dans un pays où l’inégalité économique a augmenté au cours des 30 dernières années.
• Les 1 % les plus riches ont augmenté leur part de revenu dans 24 des 26 pays pour lesquels nous disposons des données entre 1980 et 2012.
• Aux États-Unis, les 1 % les plus riches ont confisqué 95 % de la croissance post-crise financière depuis 2009, tandis que les 90 % les moins riches se sont appauvris
EXTRAIT du rapport (Afrique)
"La richesse des ressources devrait promouvoir la prospérité sur le continent (africain), plutôt que de saper la croissance économique inclusive, d’alimenter la corruption ou de détruire l’environnement. Trop souvent les industries extractives de connivence avec des représentants corrompus de l’Etat pillent les richesses de l’Afrique et détournent ce qui pourrait alimenter les dépenses sociales. Les citoyens du continent africain doivent leur juste part des revenus de l’industrie extractive et des redevances payées aux Etats" a commenté Winnie Byanyima, Directrice générale d’Oxfam International.
"Des sources d’inégalités dans une Afrique pleine de ressources"
"La découverte de nouvelles ressources naturelles entraîne une explosion de la croissance économique en Afrique sub-saharienne. Le PIB des pays disposant d’importantes réserves de pétrole comme la Guinée équatoriale et l’Angola progresse en moyenne de plus de 10 % par an depuis 2000. L’exportation de pétrole, de gaz naturel, de métaux et de minerais soutient également une croissance élevée en Tanzanie, en Zambie, en RD Congo, au Mali et en Namibie. Pourtant, alors que plusieurs pays africains comptent parmi les économies comptant le plus fort taux de croissance au monde, les inégalités restent endémiques et entravent la réduction de la pauvreté. On observe même une corrélation directe entre le niveau de ressources des pays africains et leurs niveaux d’inégalités (mesurés par le coefficient de Gini)."
"Dans les pays dotés d’institutions réglementaires faibles, certaines sociétés sous-évaluent les actifs sur lesquels elles paient des redevances et des taxes. Comme les personnes et les sociétés impliquées dans ces entreprises extractives, ainsi que leurs alliés politiques, s’enrichissent, l’attention est de plus en plus détournée de la lutte contre la pauvreté et les inégalités."
"Optimisation fiscale et inégalités"
"Les sociétés extractives internationales font jouer leur influence pour s’assurer des subventions généreuses et des échappatoires fiscales de la part des pays ayant des ressources importantes. D’après une étude menée récemment par Oxfam, l’extraction d’uranium au Niger contribue à seulement 4 à 6 % du budget public, bien qu’il s’agisse du principal produit d’exportation."
>>> Lire le rapport dans son entier (ici) .pdf
Le Forum économique mondial qui se tient à partir de mercredi à Davos (Suisse) a semble t-il identifié ce déséquilibre comme un risque majeur pour les progrès humains.
Aussi Oxfam appelle les décideurs à :
• ne pas contourner la fiscalité dans leur propre pays ou dans des pays où ils investissent et opèrent en tirant parti des paradis fiscaux ;
• ne pas utiliser leur richesse économique pour obtenir des faveurs politiques allant à l’encontre de la volonté démocratique de leurs concitoyens ;
• soutenir une fiscalité progressive sur les richesses et les revenus ;
• déclarer tous les investissements dont ils sont les bénéficiaires effectifs ;
• encourager les États à utiliser leurs recettes fiscales pour financer une couverture universelle en matière de santé, d’éducation et de protection sociale des citoyens ;
• défendre un salaire minimum vital dans toutes les sociétés qu’ils détiennent ou contrôlent ;
• inviter les autres élites économiques à les rejoindre dans ces engagements.
En tant qu’élément clé des objectifs de développement post-2015, Oxfam demande un objectif global de mettre fin aux inégalités économiques extrêmes dans tous les pays. Il doit inclure la surveillance constante de la part des richesses allant aux 1 % les plus riches dans chaque pays.