Le neuvième Rapport Copernicus sur l’état de l’océan livre un constat sans appel. La totalité de l’étendue marine subit simultanément le réchauffement climatique, l’érosion de la biodiversité et la pollution. Appuyé par les travaux de plus de soixante-dix spécialistes mobilisés par le Service Copernicus Marine, le document recense des signes alarmants, depuis la température de surface en hausse constante jusqu’à l’invasion d’espèces opportunistes dans plusieurs bassins.
L’analyse révèle que 90% de l’excès de chaleur issu des émissions anthropiques est absorbé par l’eau salée. Depuis les années 1960, la vitesse d’absorption s’accélère, atteignant un sommet au printemps 2024 avec 21 °C de température moyenne de surface. Une hausse apparemment modeste, mais suffisante pour dérégler les courants, intensifier les tempêtes et perturber la distribution des nutriments. Les canicules marines de 2023 et 2024 illustrent l’ampleur du phénomène. En effet, certaines zones de l’Atlantique ont connu plus de trois cents jours sur trois cent soixante-cinq de chaleur extrême, soit 0,25 °C de plus que les records établis en 2015-2016.
Une hausse du niveau marin
Entre 1901 et 2024, le niveau moyen des eaux a monté de 228 mm. L’élévation se poursuit à un rythme inédit, renforçant les risques d’inondation et d’érosion pour près de 200 millions d’habitants des littoraux européens. Plusieurs sites inscrits au patrimoine mondial, implantés sur des terres basses, figurent parmi les zones les plus exposées.
Les glaces jouent un rôle clé dans cette mécanique. L’Arctique a enregistré quatre minima records entre décembre 2024 et mars 2025, avec une banquise inférieure de 1,2 million de kilomètres carrés à la moyenne hivernale historique. L’Antarctique n’est pas épargné. En février 2025 affiche 0,6 million de kilomètres carrés de glace en moins, soit deux fois la superficie italienne.
Des pressions multiples sur la biodiversité
L’acidification, corollaire direct de la concentration accrue de CO₂, progresse plus vite dans certaines zones riches en vie que dans la moyenne planétaire. Les plateformes coralliennes, maillon essentiel de la chaîne alimentaire, subissent déjà les effets de l’eau plus chaude et plus acide. À cela s’ajoutent les déchets plastiques, désormais détectés jusque dans les abysses des cinq bassins principaux. L’été 2023 fournit un exemple frappant d’impact sur les pêcheries. La Méditerranée, soumise à la vague de chaleur la plus longue jamais observée, a vu la température dépasser de 4,3 °C la normale. Conséquence directe, le crabe bleu atlantique a décimé jusqu’à 100% des palourdes dans le delta du Pô, tandis que le ver de feu barbu compliquait la pêche artisanale en Sicile.

Andrius Kubilius, commissaire européen à la Défense et à l’Espace, rappelle la dimension stratégique des données récoltées : « Les résultats du Rapport sur l’état de l’océan nous rappellent avec force l’ampleur et l’urgence des défis auxquels notre océan est confronté. Ce rapport offre une vision globale de l’état de l’océan, de ses tendances et de ses variations naturelles, tout en présentant des outils de surveillance innovants, qui favorisent une coexistence durable avec les écosystèmes marins ».
Pierre Bahurel, directeur général de Mercator Ocean International, insiste sur la responsabilité collective : « Le neuvième rapport sur l’état de l’océan du Service Copernicus Marine confirme que nous nous approchons dangereusement des limites planétaires : chaque partie de l’océan est désormais affectée par la triple crise planétaire. ».
Pour Karina von Schuckmann, conseillère principale chez Mercator Ocean et directrice scientifique du rapport, la connaissance constitue la première ligne de défense : « Protéger le rôle vital de l’océan dans le soutien à la vie et aux moyens de subsistance commence par comprendre comment et pourquoi il change. Le dernier rapport sur l’état de l’océan du Service Copernicus Marine révèle des événements sans précédent, des tendances qui s’accélèrent et des impacts croissants sur les écosystèmes marins et les sociétés – apportant la science nécessaire pour éclairer des décisions efficaces et tournées vers l’avenir. ».
Le Baromètre Starfish, annexé pour la première fois au rapport, complète la base de données en offrant un suivi annuel d’indicateurs clés. L’initiative, lancée lors de la Journée mondiale de l’Océan 2025 à l’UNOC3, traduit l’engagement de la communauté scientifique à rendre les tendances accessibles aux responsables politiques comme au grand public.
Une responsabilité partagée
La multiplication des records montre qu’aucune parcelle marine n’échappe désormais aux trois pressions majeures décrites par l’ONU. Pêcheries, infrastructures côtières, sécurité alimentaire et régulation climatique subissent déjà des répercussions mesurables. Les auteurs du rapport appellent à agir sans délai pour limiter les dommages futurs grâce à la mise en œuvre de divers leviers bien identifiés comme le sont le stockage du carbone, la régulation des polluants et la restauration d’habitats critiques.
L’édition 2025 du Rapport Copernicus propose une radiographie précise d’un système océanique sous tension. Les données dressent un tableau préoccupant, mais elles fournissent également un instrument de pilotage pour orienter politiques publiques et actions privées.
La prochaine mise à jour permettra de vérifier si la mobilisation internationale parvient à infléchir les courbes alarmantes décrites cette année.
Article : « The 2025 Starfish Barometer » – DOI : 10.5194/sp-6-osr9-1-2025
Source : Copernicus Service Maritime