Des vacanciers ont aperçu ces derniers jours un curieux mollusque aux reflets irisés, baptisé « dragon bleu », sur plusieurs plages de la côte méditerranéenne espagnole. Les autorités locales ont aussitôt hissé le pavillon rouge, fermant temporairement l’accès à l’eau par précaution. La créature miniature fascine autant qu’elle inquiète : sa beauté cache-t-elle un véritable danger ?
Long de trois à six centimètres, Glaucus atlanticus ressemble davantage à un objet d’art qu’à un banal gastéropode. Son dos bleu argenté se confond avec la surface de l’eau alors que son ventre gris perle se fond dans les profondeurs, un camouflage inversé qui trompe proies et prédateurs. Jusqu’ici, l’espèce restait cantonnée aux eaux ouvertes de l’Atlantique et du Pacifique.
Son arrivée, fin août, sur les plages d’Alicante, Benidorm et Almería a surpris autant les baigneurs que les biologistes. Plusieurs individus ont été repérés, portés par les courants et les vents après un épisode de forte houle. Une fois rejeté sur le sable, le nudibranche se retrouve désarmé : sans flotter à la surface, il se dessèche rapidement, ce qui explique les spécimens figés découverts au petit matin.
Petite taille, grande toxicité
Contrairement aux apparences, le dragon bleu ne fabrique pas son propre venin. Il se nourrit de physalies et stocke dans l’extrémité de ses papilles les cellules urticantes de sa proie. Résultat : son contact peut provoquer des brûlures aiguës, comparable à celles d’une vive ou d’une méduse, voire des réactions allergiques chez les personnes sensibles. Les gestes de premiers secours restent simples : rincer la zone touchée à l’eau de mer, enlever délicatement les filaments éventuels sans frotter, puis consulter un médecin en cas de douleur persistante. Aucune hospitalisation grave n’a toutefois été signalée depuis son apparition sur les côtes espagnoles.
Pourquoi maintenant ?
Les scientifiques avancent plusieurs hypothèses, sans exclure un effet cumulé. D’abord, la hausse des températures de surface — près de 2 °C au-dessus des normales en Méditerranée orientale cet été — allonge la période d’activité de nombreuses espèces pélagiques, dont la physalie, source alimentaire du dragon bleu. Ensuite, les épisodes venteux répétés de ce mois d’août ont poussé vers le littoral des radeaux d’algues et de débris organiques auxquels les nudibranches s’accrochent.
Enfin, le développement des outils de signalement citoyens, via les réseaux sociaux, amplifie la visibilité de phénomènes auparavant passés inaperçus. Il est donc difficile de savoir si la présence du gastéropode augmente réellement ou si l’on l’observe simplement davantage.
Des plages en alerte mais pas en panique
Face à l’émoi médiatique, les municipalités concernées ont choisi la prudence : fermeture temporaire de certaines zones de baignade, drapeaux orange ou rouges, patrouilles de maîtres-nageurs chargés de récupérer les spécimens échoués. Une fois le gros des individus retiré, les plages rouvrent sous vigilance renforcée.
Les autorités rappellent que la Méditerranée abrite déjà d’autres espèces urticantes – méduses pélagiques, poissons-scorpions – et que la présence du dragon bleu ne constitue pas, en soi, une menace généralisée pour le tourisme balnéaire. Les professionnels du secteur soulignent d’ailleurs que ces fermetures n’ont guère dépassé quelques heures et n’ont entraîné qu’une baisse marginale de fréquentation.
À long terme, l’augmentation probable de ce type de rencontres pourrait pousser les communes côtières à renforcer la surveillance des espèces pélagiques, voire à développer des programmes pédagogiques pour le grand public. En attendant, mieux vaut admirer le dragon bleu du bout des yeux : un coup d’œil émerveillé vaut mieux qu’un toucher douloureux.