L’intégration la plus harmonieuse possible entre l’électronique et les tissus biologiques mobilise la communauté scientifique internationale depuis des décennies. La quête d’un matériau alliant la souplesse des tissus vivants aux capacités conductrices des composants électroniques a longtemps semblé irréalisable. Une équipe de chercheurs américains propose désormais une solution inattendue à cette équation complexe.
L’équipe dirigée par le Professeur assistant Sihong Wang à l’École Pritzker d’ingénierie moléculaire (PME) a développé un semi-conducteur sous forme d’hydrogel. Le matériau obtenu se présente sous la forme d’un gel bleuté dont les ondulations aquatiques rappellent les méduses, tout en maintenant les propriétés semi-conductrices indispensables à la transmission d’informations entre tissus vivants et machines.
Les caractéristiques techniques du matériau ont été minutieusement mesurées : un module tissulaire atteignant 81 kPa, une élasticité de 150% et une mobilité des porteurs de charge jusqu’à 1,4 cm2 V-1 s-1. «La création d’un dispositif aux propriétés mécaniques similaires aux tissus biologiques constitue un aspect fondamental pour les implants bioélectroniques» a affirmé Yahao Dai, auteur principal de l’étude.
Un protocole de fabrication révolutionnaire
La méthode traditionnelle de fabrication des hydrogels, fondée sur la dissolution de matériaux dans l’eau, s’est heurtée aux limites physiques des semi-conducteurs. Les chercheurs ont donc élaboré une approche alternative par échange de solvants. Le processus est initié par la dissolution des semi-conducteurs dans un solvant organique miscible avec l’eau, suivie de la préparation d’un organogel.
La métamorphose finale en hydrogel est réalisée par immersion dans l’eau, permettant l’échange entre le solvant organique et l’eau. Les applications de leur méthode s’étendent à différents types de semi-conducteurs polymères, multipliant ainsi les possibilités d’utilisation.
Des applications thérapeutiques innovantes
Le nouveau matériau, dont le brevet a été déposé et la commercialisation initiée via le Centre Polsky pour l’entrepreneuriat et l’innovation de l’Université de Chicago, présente des propriétés biologiques exceptionnelles. Les réponses immunitaires et l’inflammation, traditionnellement associées aux implants médicaux, sont significativement atténuées.
La structure poreuse caractéristique des hydrogels confère au matériau une sensibilité accrue pour la biodétection et une photo-modulation optimisée. Les interactions volumétriques avec les biomolécules multiplient les sites d’interaction pour la détection des biomarqueurs. Comme le souligne le professeur Wang : «L’association des propriétés crée un effet synergique dépassant la simple addition des caractéristiques individuelles».
Les applications envisagées comprennent des stimulateurs cardiaques photosensibles et des pansements thérapeutiques activables par la lumière.
Légende illustration : Le nouveau matériau, à la fois semi-conducteur et hydrogel, remplit toutes les conditions d’une interface bioélectronique idéale. (Photo de John Zich)
Article : ‘Soft hydrogel semiconductors with augmented biointeractive functions’ / ( 10.1126/science.adp9314 ) – University of Chicago – Publication dans la revue Science