S’inspirant des systèmes sensoriels naturels, une équipe de recherche dirigée par le MIT a conçu un capteur sans équivalent, capable de reconnaître les mêmes molécules que les récepteurs cellulaires. Cette réalisation, qui conjugue plusieurs technologies de pointe, pourrait bien changer la donne dans le dépistage précoce des maladies, y compris les cancers et autres affections sévères.
Une des caractéristiques remarquables de cette innovation repose sur le fait qu’elle tire son inspiration de la membrane qui entoure toutes les cellules. Au sein de ces membranes, des milliers de protéines réceptrices détectent les molécules présentes dans l’environnement.
L’équipe du MIT a modifié certaines de ces protéines pour qu’elles puissent survivre hors de la membrane, les ancrant dans une couche de protéines cristallisées au-dessus d’un réseau de transistors en graphène. Lorsque la molécule cible est détectée dans un échantillon, ces transistors transmettent l’information à un ordinateur ou à un smartphone.
Une approche versatile pour une détection plus large
Ce type de capteur pourrait potentiellement être adapté pour analyser n’importe quel fluide corporel, qu’il s’agisse de sang, de larmes ou de salive, selon les chercheurs. De plus, il pourrait également être utilisé pour effectuer simultanément un dépistage de plusieurs cibles, en fonction du type de protéines réceptrices utilisées. Il s’agit d’une nouvelle étape majeure vers le développement d’un système qui pourrait être utilisé pour effectuer des dépistages réguliers de cancers ou de tumeurs métastatiques difficiles à diagnostiquer.
En 2018, les chercheurs du MIT, dont Shuguang Zhang et Rui Qing, ont dévoilé une méthode innovante pour transformer les protéines hydrophobes en protéines solubles dans l’eau. Cette approche, appelée code QTY, consiste à remplacer quelques acides aminés hydrophobes par des acides aminés hydrophiles. La capacité à rendre les protéines solubles dans l’eau et à les produire en grandes quantités à moindre coût est l’un des éléments distinctifs de leur approche.
Un assemblage de protéines pour une détection précise
Les chercheurs, dont le professeur émérite de l’Université de Ressources Naturelles et des Sciences de la Vie de Vienne, Uwe Sleytr, ont utilisé des protéines bactériennes, connues sous le nom de protéines S-layer, pour créer une feuille très dense d’une version soluble dans l’eau d’une protéine réceptrice appelée CXCR4.
Cette protéine se lie à une molécule cible appelée CXCL12, qui joue un rôle important dans plusieurs maladies humaines, dont le cancer. La technologie de détection ainsi obtenue a été baptisée RESENSA (Receptor S-layer Electrical Nano Sensing Array).
Des transistors en graphène pour une détection sensible
Ces couches S cristallisées peuvent être déposées sur pratiquement n’importe quelle surface. Pour cette application, les chercheurs ont fixé la couche S sur une puce comportant des réseaux de transistors à base de graphène, que le laboratoire de Tomás Palacios, du MIT, avait précédemment développés.
Mantian Xue, doctorant au MIT, a adapté la puce pour qu’elle puisse être revêtue d’une double couche de protéines – des protéines S-layer cristallisées fixées à des protéines réceptrices solubles dans l’eau.
Lorsqu’une molécule cible de l’échantillon se lie à une protéine réceptrice, la charge de la cible modifie les propriétés électriques du graphène, ce qui peut être facilement quantifié et transmis à un ordinateur ou à un smartphone connecté à la puce.
En synthèse
Grâce à l’utilisation du code QTY, il est désormais possible de modifier les protéines réceptrices naturellement existantes pour créer un éventail de capteurs dans une seule puce, capable de détecter pratiquement n’importe quelle molécule que les cellules peuvent identifier.
Malgré le grand potentiel de cette technologie, il reste encore du travail à faire avant que ces capteurs ne soient prêts à être commercialisés. Les chercheurs travaillent actuellement à améliorer la stabilité des protéines, en particulier pour des conditions extrêmes de température et de pH, afin que les capteurs soient plus robustes et plus fiables dans diverses situations. De plus, ils se concentrent également sur le développement de méthodes pour produire ces capteurs en masse à un coût abordable.
Si ces obstacles peuvent être surmontés, cette nouvelle technologie de capteur inspirée de la biologie pourrait révolutionner la manière dont les maladies sont détectées et diagnostiquées, améliorant ainsi la santé et la qualité de vie de millions de personnes dans le monde.
Pour une meilleure compréhension
Q : Qu’est-ce que le code QTY ?
R : Le code QTY est une méthode qui permet de transformer les protéines hydrophobes en protéines solubles dans l’eau, en remplaçant quelques acides aminés hydrophobes par des acides aminés hydrophiles.
Q : Comment fonctionne le capteur inspiré des récepteurs cellulaires ?
R : Le capteur est conçu pour imiter les récepteurs cellulaires qui détectent les molécules dans l’environnement. Lorsque la molécule cible est détectée, le capteur transmet l’information à un ordinateur ou à un smartphone.
Q : Quels sont les potentiels de cette technologie de détection ?
R : Cette technologie pourrait potentiellement être utilisée pour analyser n’importe quel fluide corporel, tels que le sang, les larmes ou la salive, et permettre de dépister simultanément plusieurs cibles.
Q : Qu’est-ce que RESENSA ?
R : RESENSA, pour Receptor S-layer Electrical Nano Sensing Array, est le nom de la technologie de détection développée par les chercheurs. Elle utilise des protéines réceptrices fixées à une couche de protéines bactériennes S-layer et un réseau de transistors en graphène pour détecter la présence de certaines molécules cibles dans un échantillon.
Une équipe dirigée par le MIT a conçu un capteur qui pourrait être déployé pour dépister les cancers difficiles à diagnostiquer ou les tumeurs métastatiques chez les patients. Le dispositif s’inspire de la membrane qui entoure toutes les cellules. (Image : avec l’autorisation des chercheurs)
Qing et Mantian Xue PhD ’23, sont les auteurs principaux de l’étude, qui paraît dans Science Advances (« Scalable biomimetic sensing system with membrane receptor dual-monolayer probe and graphene transistor arrays« ).
Article adapté de l’auteure : Anne Trafton