Points forts |
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USA : Testés cet été pour repenser les opérations militaires tactiques, EVADE accélère le développement de drones VTOL légers avec une autonomie de 12 heures. ANCILLARY vise à démocratiser l’accès à la puissance aérienne pour les petites unités. MATRIX , l’autonomie logicielle de Sikorsky, optimise les missions de bout en bout. Une transition est prévue vers les forces armées américaines d’ici la fin 2025. |
Cinq systèmes aériens sans pilote (UAS) de pointe s’apprêtent à entamer des tests de vol dans les prochaines semaines, marquant une étape décisive dans le développement de technologies de décollage et d’atterrissage vertical (VTOL) pour des appareils de moins de 150 kilogrammes. Baptisée EVADE (Early VTOL Aircraft Demonstration), cette initiative vise à démontrer la capacité de ces drones à offrir une gamme élargie de performances – autonomie, maniabilité, endurance – tout en répondant à l’urgence des besoins tactiques sur le terrain.
Conçus pour surpasser les modèles existants de taille similaire, les prototypes d’EVADE intègrent des avancées techniques permettant un déploiement rapide de capacités critiques pour les forces armées. « Avec EVADE, notre priorité n’est pas la perfection au premier vol, mais la vitesse du développement », explique Phillip Smith, gestionnaire de programme chez DARPA et ancien pilote d’AV-8B Harrier dans les Marines américains. « Plus vite ces démonstrateurs seront en l’air, plus vite nous pourrons identifier et résoudre les problèmes, et fournir aux soldats des capacités décisives sur le terrain. »
Cette approche accélère le calendrier initial du programme ANCILLARY (AdvaNced airCraft Infrastructure-Less Launch And RecoverY), dont la phase 2 était initialement prévue pour 2026. En reportant certains critères, comme les contraintes liées aux conditions météorologiques extrêmes ou aux dimensions maximales, les équipes ont réduit drastiquement le délai jusqu’au premier vol. L’objectif est clair : valider la pertinence opérationnelle de cette catégorie de drones, capables de transporter des charges utiles variées et de s’adapter à des missions multiples.
Standardisation et autonomie : des clés pour l’efficacité
Pour optimiser les délais de production et l’efficacité des opérations, les cinq plateformes d’EVADE utilisent un logiciel d’autonomie commun, développé par Sikorsky dans le cadre du programme ALIAS (Aircrew Labor In-Cockpit Automation System) de DARPA. Ce système gère l’intégralité des phases de vol – du décollage à l’atterrissage – tout en minimisant l’intervention humaine, particulièrement lors des trajets longue distance. « L’uniformité des algorithmes facilite l’utilisation et réduit la courbe d’apprentissage », souligne Phillip Smith.
Par ailleurs, le logiciel de gestion des charges utiles (BMS), conçu par le centre d’essais navals de Dahlgren, est intégré à chaque drone. Interagissant directement avec le « Tactical Assault Kit » utilisé par les soldats, il permet une transmission immédiate d’informations stratégiques aux unités déployées. Cette synergie élimine le besoin de stations de contrôle au sol, réduisant ainsi les coûts logistiques et opérationnels. « EVADE vise à démocratiser l’accès à la puissance aérienne, en dotant les unités les plus modestes de la capacité de recevoir et contrôler un appareil aérien en temps réel », poursuit t-il. Les tests porteront sur cinq missions clés : transport logistique, relais de communications, livraison d’armes, radar à synthèse d’ouverture et reconnaissance (ISR/RSTA).
Un écosystème industriel en pleine expansion
Les cinq designs retenus – signés AeroVironment, Griffon Aerospace, Karem Aircraft, Method Aeronautics et Sikorsky – illustrent la diversité des approches techniques. Chacun optimise des paramètres spécifiques : vitesse, altitude de croisière, durée d’opération stationnaire ou configurations moteur. Tous garantissent une endurance minimale de 12 heures à 185 kilomètres (100 milles nautiques) avec une charge de 27 kilos (60 livres). « Je considère ces appareils comme des “camions volants”. Ils peuvent être adaptés facilement pour remplir des missions variées en embarquant les charges utiles nécessaires », compare encore Phillip Smith.
L’ambition d’ANCILLARY est de créer un écosystème industriel robuste, capable de produire ces drones à grande échelle. « Nous croyons en la réussite de chaque UAS testé. L’armée américaine a besoin d’un éventail diversifié de fabricants capables d’optimiser les compromis techniques pour répondre à des missions variées », insiste-t-il. Pour anticiper le passage à l’industriel, les équipes ont synchronisé la certification avec le développement, tout en préparant les chaînes d’approvisionnement à une production rapide. « Nous examinons de manière exhaustive tous les aspects – performance, coût, interopérabilité – pour livrer une solution opérationnelle rapidement », ajoute Phillip Smith, confiant dans la capacité des cinq entreprises à répondre aux commandes dès l’exercice budgétaire 2025.
Vers une accessibilité élargie des drones tactiques
La limite de 150 kilos fixée par le programme ANCILLARY est stratégique. Jusqu’ici, les drones de plus de 25 kilos (55 livres) devaient être détenus par des unités aériennes et pilotés par des opérateurs certifiés, limitant leur déploiement. Une évolution récente des règles du Département américain de la Défense autorise désormais les unités non spécialisées à acquérir et exploiter des appareils jusqu’à 150 kilos, sous réserve d’approbations cas par cas. « ANCILLARY comble un vide opérationnel en apportant des capacités comparables à celles des grands drones (Groupes 4 et 5) aux unités de petite taille », note Smith. « Ces drones peuvent être déployés sans infrastructure ni équipement supplémentaire, même dans des environnements hostiles. »
Le programme prévoit une évolution progressive via un modèle en spirale, permettant d’améliorer les prototypes en intégrant des retours opérationnels. Les améliorations envisagées incluent une meilleure résistance aux intempéries, des algorithmes pour atterrir en mer par mer agitée, ou encore une efficacité moteur accrue. Bien que DARPA ne prévoie pas nécessairement toutes les itérations programmées, la méthode reste flexible.
Après des tests prévus cet été, les résultats devraient être transférés aux forces armées américaines par la fin 2025. « Ce n’est qu’un début », conclut l’ancien pilote. « L’objectif est de poser les bases d’une flotte modulaire, capable de s’adapter aux défis d’un futur imprévisible. »
En synthèse
Le programme EVADE marque une évolution stratégique dans l’utilisation des drones militaires. En combinant modularité, autonomie et déploiement rapide, ces UAS légers (moins de 150 kg) offrent des capacités comparables à celles des grands drones, mais avec une accessibilité élargie aux unités non spécialisées. Grâce à un modèle itératif (spirale de développement) et une collaboration avec cinq entreprises, DARPA positionne ces appareils comme des outils clés pour les opérations futures. La réussite d’EVADE dépendra toutefois de la capacité à surmonter les défis techniques (résistance aux intempéries, atterrissage en mer agitée) et à garantir une production industrielle à grande échelle.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce qu’EVADE ?
EVADE (Early VTOL Aircraft Demonstration) est une initiative de DARPA visant à tester cinq drones VTOL légers pour valider leurs capacités opérationnelles (logistique, reconnaissance, etc.).
Pourquoi la limite de 150 kg est-elle stratégique ?
Elle permet aux unités non spécialisées (infanterie, forces spéciales) d’acquérir et d’exploiter des drones sans nécessiter de pilotes certifiés, élargissant ainsi leur déploiement.
Quel est le rôle du logiciel MATRIX ?
MATRIX, développé par Sikorsky, gère l’autonomie complète des drones d’EVADE, de la navigation au contrôle de vol, minimisant l’intervention humaine.
Quelles missions les drones d’EVADE testeront-ils ?
Cinq missions clés : logistique, relais de communications, livraison d’armes, radar à synthèse d’ouverture et reconnaissance (ISR/RSTA).
Qu’est-ce que le développement en spirale d’ANCILLARY ?
Un modèle itératif permettant d’améliorer progressivement les prototypes en intégrant des retours opérationnels (ex. : résistance aux tempêtes).
Quels sont les avantages des drones VTOL ?
Ils décollent et atterrissent verticalement, éliminant la nécessité de pistes, et s’adaptent aux environnements hostiles (zones urbaines, terrain accidenté).
Quelles entreprises participent à EVADE ?
AeroVironment, Griffon Aerospace, Karem Aircraft, Method Aeronautics et Sikorsky.
Lexique
Tactical Units : Unités militaires déployées sur le terrain (infanterie, forces spéciales).
EVADE : Early VTOL Aircraft Demonstration – Programme DARPA testant cinq drones VTOL légers.
VTOL : Vertical Take-Off and Landing – Technologie permettant le décollage et l’atterrissage verticaux.
UAS : Unmanned Aerial System – Système aérien sans pilote (dron).
ANCILLARY : AdvaNced airCraft Infrastructure-Less Launch And RecoverY – Programme DARPA visant à développer des drones indépendants d’infrastructures.
MATRIX : Logiciel d’autonomie développé par Sikorsky pour les drones d’EVADE.
Tactical Assault Kit : Ensemble d’équipements numériques utilisés par les soldats pour recevoir des données en temps réel.
ISR/RSTA : Intelligence, Surveillance, Reconnaissance and Target Acquisition – Missions de reconnaissance et d’acquisition de cibles.
Spirale de développement : Modèle itératif d’amélioration des prototypes en fonction des retours opérationnels.
Payload : Charge utile transportée par un drone (armes, capteurs, etc.).
Source : DARPA
Comment les drones d’EVADE communiquent-ils avec les soldats ?
Via le logiciel BMS (Battle Management System) intégré, qui transmet en temps réel des données stratégiques aux Tactical Assault Kits des troupes.