Il n’y a pas qu’Engie, GRDF et Air Liquide dans la vie. L’industrie gazière tricolore regroupe de nombreuses entreprises performantes, évoluant en France ou à l’étranger. Que ce soit dans la recherche de champs gaziers, les installations de production ou le transport du gaz, ces PME-ETI françaises partent à la conquête de nouveaux marchés.
La règle est partout la même, dans les industries d’extraction. D’abord on cherche, après on exploite et ensuite on transporte. Cette chaîne a trois maillons se retrouve bien évidemment dans le secteur gazier, et la France peut se targuer d’avoir des spécialistes à chaque étape. Si les grandes entreprises sont connues du grand public – comme Engie, TotalEnergies, Air Liquide et consorts –, de nombreuses PME et ETI françaises pallient leur manque de notoriété par l’excellence de leurs services. Et leurs bonnes performances opérationnelles.
À la pointe de la technologie et de l’innovation
Étape nº1 donc : la recherche et la cartographie de futurs sites d’extraction d’énergies fossiles comme le gaz. C’est ce que l’on appelle la géoscience. Dans le domaine, l’entreprise Veridien (ex-CGG) s’affiche comme l’un des leaders mondiaux. Très active dans le Golfe du Mexique, au Brésil ou en Scandinavie, Veridien est un acteur incontournable de la prospection gazière grâce à des technologies de premier plan. Son horizon est plutôt dégagé puisque ses principaux clients sont des majors privées et de grandes entreprises étatiques. « Nous détenons notamment 50% du marché mondial de l’imagerie du sous-sol, avance Sophie Zurquiyah, la PDG de Veridien. C’est un métier très technique, pour lequel nous générons des images jusqu’à 10000 mètres sous terre (ce à quoi il faut parfois rajouter 2000 à 3000 mètres d’eau de mer) au moyen d’ondes sismiques. » L’entreprise tricolore détient également 50% du marché mondial des systèmes des capteurs sismiques qui sont produits près de Nantes (Loire-Atlantique). L’excellence à la française.
Étape nº2 maintenant : l’exploitation. Là, la concurrence est rude, les acteurs nombreux. Parmi eux, un spécialiste de l’exploitation des champs matures est en train de se tailler une solide réputation : Expert Petroleum (XP Group). Cette entreprise française s’est en effet spécialisée dans la modernisation et l’optimisation de sites d’exploitation en perte de vitesse ou vieillissants, principalement en Europe de l’Est. Son travail consiste à analyser en prenant en compte les nouvelles technologies la pertinence technique et financière d’améliorer l’exploitation d’un champ gaziers d’un , son potentiel de production et la mise aux normes environnementales les plus strictes« Les pays que nous ciblons possèdent souvent une solide expérience en matière d’extraction d’hydrocarbures, avance Michel Louboutin, cofondateur et COO d’Expert Petroleum (XP Group). L’Ukraine, par exemple, possède les deuxièmes plus grandes réserves de gaz d’Europe, devancée seulement par la Norvège. Alors que nous continuons d’explorer des opportunités à l’échelle mondiale, notre travail reste à la fois exigeant et extrêmement gratifiant. Nous utilisons des technologies de pointe que seule une poignée d’entreprises maîtrisent, dont certaines ont même été développées en interne pour répondre à des défis spécifiques. » Un savoir-faire industriel hors du commun.
Étape nº3 enfin, le transport : dans ce domaine, l’entreprise GTT (ex-Technigaz) est en quasi-monopole sur une niche très pointue, et affiche des résultats spectaculaires pour 2024 avec +50% de chiffre d’affaires et +72% de bénéfices nets. Son créneau : la conception des systèmes de confinement à membranes dédiés au transport et au stockage des gaz naturels liquéfiés (GNL) qui assurent la sécurité des méthaniers, des réservoirs terrestres et des unités flottantes. « Je n’appelle pas ça un monopole, mais nous avons tous les contrats mondiaux depuis 10 ans, se félicite Philippe Berterottière, PDG de GTT. Nous avons des concurrents qui n’ont pas de contrats, mais qui essayent d’en remporter. Nos clients choisissent de très bonnes technologies que nous développons en France. Nous gérons l’ensemble de l’ingénierie pour chacun des méthaniers, c’est-à-dire tous les plans, les notes de calcul ou encore l’assistance technique, qui permet de construire ces navires en Chine et en Corée du Sud. Nous fournissons principalement les chantiers navals asiatiques. » Rien qu’en 2024, GTT a déposé quelque 64 nouveaux brevets. Pour ces trois entreprises prises en exemple, rester performant passe forcément par l’innovation.
L’indépendance sous toutes ses formes
Ces trois réussites entrepreneuriales s’appuient non seulement sur un goût partagé pour l’innovation, mais aussi sur leur sens de l’indépendance et sur leur politique de diversification. Indépendance énergétique, indépendance technique, indépendance en termes de ressources humaines. « Nous ne dépendons d’aucun fournisseur d’équipements, remarque Michel Louboutin chez XP. Par exemple, nous avons conçu une pompe électrique submersible (ESP) hautement spécialisée pour extraire l’eau d’un puits profond de gaz (4000 mètres) . Cette idée a d’abord suscité un certain scepticisme en raison des conditions d’exploitation extrêmes (+175°C). Cependant, la technologie s’est avérée efficace. Par ailleurs, bien que nous nous approvisionnions en technologies provenant de différents pays, nous embauchons exclusivement des employés locaux. Ils comprennent le pays, parlent la langue et sont très motivés pour fournir des services de qualité supérieure qui bénéficient directement aux communautés locales. » Pour garantir une main d’œuvre qualifiée, l’entreprise française mise sur la formation de ses collaborateurs, sur place, en Ukraine ou en Roumanie par exemple. Un exemple qu’elle compte également appliquer à un nouveau marché : l’Ouzbékistan.
L’indépendance, c’est aussi ce graal que recherchent désormais les pays, dans un contexte de tensions géopolitiques et de concurrence commerciale débridée. Là aussi, la France doit jouer des coudes et peut compter sur ces entreprises dont le cœur de métier est d’apporter des solutions aptes à apporter une certaine autonomie stratégique à leurs clients. Par exemple, Veridien dispose d’une force de frappe hors du commun en France, grâce à la plus grosse puissance de calcul industrielle et de haute performance scientifique (530 pétaflops) qu’elle met au service de ses clients. « Nous utilisons cette puissance comme un service pour des sociétés qui ont besoin de ce type de calcul extrême afin de produire leur propre simulation, explique Sophie Zurquiyah. Nos nouveaux métiers représentent environ 10% de notre chiffre d’affaires et ont connu un taux de croissance de 25% à 30% ces dernières années. Nous développons également des activités ‘bas carbone’ qui nécessitent une compréhension du sous-sol. Notamment pour la séquestration de carbone. » Une préoccupation partagée par XP Group pour qui l’empreinte carbone des champs matures reste un point névralgique de ses opérations, comme le montre la mise en place de l’initiative XP Upgreen dont l’objectif est la décarbonisation des opérations et la réduction les émissions de méthane des installations de surface.
Enfin, comme chez Veridien, la diversification des activités gazières chez GTT passe par la digitalisation des process. « La compagnie maritime CMA CGM – qui est une superbe réussite française – utilise nos solutions digitales, souligne Philippe Berterottière. Nous croyons fermement que les solutions digitales peuvent permettre de réduire énormément leurs émissions de CO2. Nous travaillons aussi sur le développement des énergies renouvelables. » L’indépendance de toutes ces entreprises passe donc par leur savoir-faire et leurs innovation maison, mais aussi par des stratégies visant de gagner en souveraineté industrielle. Et ça, dans le monde actuel, c’est de l’or.