L’industrie agricole subit actuellement une mutation profonde face à la prolifération des super-mauvaises herbes résistantes aux herbicides. Les méthodes conventionnelles de désherbage chimique sont remises en question dans les exploitations de maïs et de soja aux États-Unis. Une analyse approfondie, menée par les chercheurs américains, met en lumière l’intégration potentielle des robots désherbeurs comme solution alternative aux pratiques actuelles.
Les pratiques agricoles intensives sont confrontées à des limitations majeures. Le professeur Madhu Khanna, experte en économie agricole à l’Université de l’Illinois, a souligné : «La dépendance exclusive aux herbicides pour le contrôle des mauvaises herbes a conduit à l’apparition de super-mauvaises herbes, et nous n’avons aucun nouveau mode d’action en développement. Si les méthodes de contrôle chimique échouent, les pertes de récoltes pourraient atteindre des millions de dollars par an.»
Les répercussions économiques potentielles alarment l’ensemble du secteur agricole.
L’innovation robotique au service de l’agriculture
Les robots désherbeurs autonomes sont développés pour répondre aux enjeux actuels. La technologie se caractérise par des machines légères et compactes, dont l’intervention s’effectue directement sous la canopée des cultures. L’intelligence artificielle permet une navigation précise et une automatisation optimale des opérations de désherbage.
Le système mécanique, constitué de houes spécialement conçues, perturbe efficacement la germination des graines indésirables. Les interventions robotisées sont programmées selon des paramètres agronomiques spécifiques, garantissant une action ciblée et respectueuse des cultures principales.
Analyse comparative des stratégies de gestion
Les chercheurs ont également examiné le taux d’adoption et l’intensité au fil du temps. Leurs calculs ont montré que les agriculteurs ayant une perspective de gestion myope n’utiliseraient pas du tout les robots au cours des six premières années. Ces agriculteurs continueraient à appliquer des herbicides jusqu’à ce qu’ils ne soient plus efficaces, puis passeraient à un contrôle robotisé à 100 % – six robots par acre – au cours de la septième année, lorsqu’ils auraient épuisé les options chimiques.
En revanche, les agriculteurs tournés vers l’avenir commenceraient à adopter les robots beaucoup plus tôt et auraient besoin de moins de robots. Ils les adopteraient progressivement et ne dépasseraient pas le nombre de quatre par acre. Ils utiliseraient les robots en complément des traitements herbicides, afin de ne pas en épuiser l’efficacité. La septième année, ils utiliseraient des robots sur 75 % de leurs terres, tandis que 25 % seraient traitées à l’aide d’herbicides.
L’amarante tuberculée (Amaranthus tuberculatus) a été sélectionnée comme cas d’étude dans les cultures de maïs. Les chercheurs ont établi une distinction entre deux approches managériales : la gestion myope, limitée à un cycle annuel, et la gestion prospective, intégrant les implications à long terme.
Le professeur Shadi Atallah a mis en évidence des résultats significatifs : «Pour une approche prospective, la densité des graines devient secondaire, la propagation future des graines résistantes étant inévitable. L’investissement dans un robot à 20 000 dollars se justifie dès l’apparition d’une résistance de 0,0001% des graines pour les gestionnaires prospectifs, alors que les gestionnaires annuels attendent un seuil de 5%.»
Implications économiques et environnementales
Les analyses financières démontrent que la gestion myope génère initialement une rentabilité supérieure, l’investissement robotique étant différé. La gestion prospective révèle sa pertinence économique après la sixième année d’exploitation. Les agriculteurs adoptant une vision à long terme déploient progressivement leur parc robotique, limitant le nombre d’unités à quatre par acre et maintenant un traitement herbicide sur 25% des surfaces cultivées.
La problématique dépasse les frontières individuelles des exploitations agricoles. La dissémination des semences résistantes affecte les parcelles environnantes, soulignant la nécessité d’une coordination territoriale. Un phénomène biologique particulier est observé chez l’amarante tuberculée : les populations non résistantes, caractérisées par un taux de reproduction plus élevé, peuvent naturellement reprendre l’avantage lorsque la pression de sélection diminue.
Les implications sociétales de l’adoption robotique s’étendent au-delà du secteur agricole. La réduction des intrants chimiques, associée à une gestion raisonnée des résistances, participe à la préservation des écosystèmes agricoles. Les chercheurs poursuivent actuellement leurs investigations sur les effets de voisinage entre exploitations et l’impact à l’échelle du paysage agricole.
Légende illustration : Robot désherbeur autonome opérant dans un champ de maïs
Article : ‘Herbicide-resistant weed management with robots: A weed ecological–economic model,’ / ( 10.1111/agec.12856 ) – University of Illinois College of Agricultural, Consumer and Environmental Sciences – Publication dans la revue Agricultural Economics