Bien plus qu’une simple vitrine technologique, la présence bretonne au salon METSTRADE d’Amsterdam révèle une ambition stratégique : positionner le foil comme la clé de voûte de la transition énergétique du transport maritime. De la course au large aux navires de passagers, l’écosystème de la Sailing Valley démontre comment « voler » sur l’eau est devenu synonyme de sobriété.
Le RAI Amsterdam, centre névralgique du nautisme mondial du 18 au 20 novembre a accueilli le METSTRADE, le plus grand salon international des équipements maritimes. En son sein, un espace attire particulièrement l’attention : le Foiling Technology Pavilion. C’est ici que la Bretagne, à travers sa bannière Bretagne Sailing Valley®, a choisi de concentrer sa démonstration de force. Le foil, cet appendice profilé qui permet à une coque de s’élever au-dessus des flots, n’est plus l’apanage des régatiers en quête de vitesse pure. Il est désormais perçu comme une solution mature pour répondre au défi majeur du monde maritime : la réduction drastique de sa consommation énergétique.
En soustrayant la quasi-totalité de la coque à la friction de l’eau, la traînée hydrodynamique s’effondre. Le gain est spectaculaire, avec une consommation de carburant réduite de 40 à 50%. C’est cette promesse, portée par des entreprises comme CDK Technologies, Pixel sur Mer ou Foil & Co, que la délégation bretonne est venue concrétiser aux Pays-Bas. Chacune représente une brique essentielle de cet écosystème : CDK pour la maîtrise des composites haute performance, Pixel sur Mer pour l’intelligence embarquée qui gère la stabilité du vol, et Foil & Co pour la démocratisation et l’industrialisation de ces appendices.
De la course au large à l’industrie : une transition énergétique éprouvée
L’histoire du foil en Bretagne est intimement liée à celle de la compétition. Des intuitions d’Éric Tabarly aux exploits de l’Hydroptère, la région a toujours été un laboratoire à ciel ouvert. La course au large, avec ses budgets de recherche et développement conséquents et son exigence de fiabilité absolue, a servi de banc d’essai incomparable. Les innovations qui permettent aujourd’hui aux trimarans géants de traverser l’Atlantique à des vitesses record sont progressivement transférées vers des applications industrielles et commerciales.
Ce transfert technologique s’opère aujourd’hui sous le prisme de l’efficacité énergétique. Si la vitesse était hier l’objectif premier, la sobriété qui en découle est devenue le principal argument de vente. La Bretagne Sailing Valley® a compris que la performance énergétique est le nouveau Graal du transport maritime, contraint par des réglementations environnementales de plus en plus strictes et la volatilité des coûts des carburants. Les savoir-faire acquis dans la gestion des matériaux, l’hydrodynamique et les systèmes de contrôle de vol sont désormais au service d’une navigation plus verte.

Des projets emblématiques pour décarboner la mer
La crédibilité de cette ambition repose sur un portefeuille de projets concrets, dont plusieurs illustrent parfaitement cette convergence entre performance et durabilité. Ces démonstrateurs, bien au-delà du stade de l’esquisse, dessinent les contours du transport maritime de demain.
- Matériaux durables : Le projet Foil Infinity, mené par AVEL Robotics et MerConcept, s’attaque au cycle de vie du foil lui-même. En développant les premiers foils rétractables en composites thermoplastiques, il permet non seulement un gain de performance mais aussi la recyclabilité des pièces, tout en affichant une empreinte carbone réduite de 30% lors de leur fabrication.
- Autonomie et propulsion électrique : Coordonné par SEAir, le projet européen ARROW développe un navire de surface autonome (USV) dont le foil rétractable est la clé de voûte. Capable de parcourir 740 km à plus de 80 km/h en totale autonomie, son moteur électrique et son hydrofoil optimisent une performance à la fois rapide et silencieuse, ouvrant la voie à des missions de surveillance ou de logistique décarbonées.
- Transport de passagers : Les bureaux d’études MerConcept et VPLP Design travaillent sur des navires rapides à passagers (Fast Foiling Ferries) et de transport de personnel. Ces catamarans de 24 à 30 mètres promettent de relier des points côtiers à près de 40 nœuds tout en consommant 40% de carburant en moins qu’un navire classique de même capacité.
- L’hydrogène comme horizon : Le bateau d’assistance de l’équipe française pour l’America’s Cup, développé par K-Challenge Lab, est un catamaran à foils propulsé à l’hydrogène. Il incarne la synergie ultime : une plateforme à très haute efficacité énergétique associée à un vecteur énergétique à zéro émission.
- Innovation frugale : Même les matériaux sont repensés, à l’image du Woodster Foil de Crazy Lobster, un foil conçu en bois recyclé à Saint-Brieuc, prouvant que l’innovation peut aussi rimer avec sobriété des ressources.
Structurer une filière d’avenir à l’échelle mondiale
Consciente de détenir une avance technologique, la filière bretonne ne se contente pas d’exposer ses produits. Un moment fort de sa présence à Amsterdam est la signature d’un protocole d’accord avec « The Foiling Organization » (TFO). L’objectif est de dépasser le cadre régional pour structurer un écosystème mondial. Il s’agit de faciliter les transferts de technologies, de créer des synergies industrielles et de promouvoir des standards qui permettront au foil de passer du statut de niche innovante à celui de solution industrielle globale.
La participation active d’experts bretons aux conférences du METSTRADE et du Yacht Racing Forum, qui s’est tenue en parallèle, renforce cette position de leader d’opinion. En partageant leur expertise sur l’intelligence artificielle, les matériaux composites ou la responsabilité sociétale des entreprises, les acteurs de la Sailing Valley proposent une vision intégrée et durable pour l’avenir du monde maritime.











