Les environnements sous-marins présentent de nombreux obstacles pour la manipulation d’objets. La préhension et le relâchement contrôlés d’éléments divers dans l’eau constituent un défi technique majeur. Une équipe de chercheurs de Virginia Tech s’est inspirée d’un maître en la matière : le poulpe. Leurs travaux ont abouti à la création d’un adhésif biomimétique aux capacités remarquables, élargissant le champ des possibilités pour les opérations sous-marines.
L’équipe dirigée par le professeur associé Michael Bartlett a mis au point un adhésif biomimétique s’inspirant de la forme des ventouses de poulpe. Cet outil innovant permet de saisir et relâcher rapidement des objets sous-marins difficiles à manipuler.
La capacité à attraper et libérer des objets immergés tels que des roches lourdes, de petits coquillages ou des perles molles pourrait s’avérer précieuse pour les opérations de sauvetage et de récupération sous-marines. «La façon dont un poulpe peut tenir fermement quelque chose puis le relâcher instantanément me fascine. Il réalise cela sous l’eau, sur des objets rugueux, courbes et irréguliers – c’est tout un exploit», a indiqué Michael Bartlett.
Une conception biomimétique innovante
Pour relever ce défi de longue date, l’équipe de Bartlett s’est penchée sur la structure externe de la ventouse du poulpe, appelée infundibulum. Cette observation a inspiré les chercheurs dans la création d’un adhésif utilisant une tige élastique et courbée dotée d’une membrane active et déformable qui change de forme pour une adhésion multi-surfaces.
La tige courbée s’attache aux courbures à grande échelle tout en augmentant l’adaptabilité aux rugosités à petite échelle. Ces mécanismes fonctionnent en synergie pour améliorer l’adhésion à plusieurs échelles de longueur.
Le résultat obtenu est un adhésif biomimétique 1000 fois plus puissant lorsqu’il est activé par rapport à son état de relâchement facile. Ce changement d’état s’opère en une fraction de seconde, environ 30 millisecondes. Les adhésifs inspirés du poulpe atteignent désormais une force d’attachement élevée sur diverses surfaces, y compris les objets rugueux, courbes et irréguliers, ainsi que dans différents fluides.
Des applications prometteuses
Les capacités de cet adhésif biomimétique ont été démontrées par la construction d’un cairn sous-marin, un empilement soigneusement construit de roches immergées. Dans cette expérience, les roches de tailles, formes et rugosités variées doivent être ramassées puis relâchées avec précision pour maintenir l’équilibre de la structure.
Chanhong Lee, premier auteur de l’étude, a commenté : «Ce type de manipulations est effectué par un poulpe lorsqu’il arrange des objets autour de son repaire. Cette démonstration met en évidence la capacité de l’adhésif inspiré du poulpe à manipuler avec précision des objets sous-marins difficiles», a-t-il expliqué.
Les matériaux montrent également un attachement fiable sur plusieurs cycles et sur une période prolongée. Dans une expérience, la force d’attachement est restée constante sur 100 cycles. Dans un autre test, l’équipe a maintenu une roche rugueuse et courbe pendant plus de sept jours sous l’eau, puis l’a relâchée sur demande.
Perspectives futures
Bartlett avait précédemment créé l’Octa-Glove, un gant équipé d’adhésifs inspirés du poulpe et de capteurs LIDAR. Ce dispositif pourrait être un outil précieux pour les plongeurs de sauvetage, les archéologues sous-marins, les technologies d’assistance aux utilisateurs et dans les soins de santé.
Les recherches récemment publiées pourraient accroître les capacités du gant, rendant la préhension encore plus forte. Bartlett a conclu : «Nous espérons utiliser notre nouvelle conception d’adhésif pour améliorer davantage l’Octa-Glove. Nous sommes maintenant plus près que jamais de reproduire l’incroyable capacité d’un poulpe à saisir et manipuler des objets avec précision», a-t-il affirmé.
Légende illustration : zéro eau usée(De gauche à droite) Michael Bartlett et Chanhong Lee observent une ventouse inspirée d’une pieuvre qui tient un coquillage dans un réservoir d’eau. Photo d’Alex Parrish pour Virginia Tech.
Article : « Octopus-Inspired Adhesives with Switchable Attachment to Challenging Underwater Surfaces » – DOI: 10.1002/advs.202407588