Les mécanismes de détection des phéromones chez les insectes fascinent les scientifiques depuis longtemps. Les papillons de ver à soie, malgré leur incapacité à voler, démontrent une aptitude remarquable à localiser leurs partenaires grâce à ces signaux chimiques. Une équipe de chercheurs japonais s’est penchée sur le rôle spécifique du battement d’ailes dans ce processus. Leurs découvertes pourraient avoir des implications, non seulement pour la compréhension du comportement animal, mais aussi pour le développement de technologies innovantes en robotique.
Le battement d’ailes, clé de la détection des phéromones
Le papillon du ver à soie (Bombyx mori), bien qu’incapable de voler en raison de sa domestication, utilise ses antennes pour détecter les phéromones émises par les femelles. Ces insectes ont été largement étudiés comme modèles dans la recherche sur l’olfaction. Un phénomène intriguant a été observé : les mâles battent des ailes (un comportement appelé «fanning») lorsqu’ils détectent des phéromones, malgré leur incapacité à s’envoler.
Une équipe de scientifiques dirigée par le Dr Toshiyuki Nakata de l’Université de Chiba au Japon a entrepris d’élucider l’impact précis de ce battement d’ailes sur la capacité des papillons à localiser la source des odeurs. Leur étude a utilisé des techniques avancées pour analyser les conséquences aérodynamiques de ces mouvements.
Les chercheurs ont employé la photogrammétrie à haute vitesse pour capturer et reconstruire avec précision les mouvements des ailes du Bombyx mori. Un modèle informatique détaillé des insectes et des flux d’air environnants a été élaboré. Les données simulées ont permis de calculer le mouvement des particules ressemblant aux molécules de phéromones autour du papillon en action.
L’une des découvertes majeures de l’étude réside dans la manière dont le B. mori échantillonne sélectivement les phéromones depuis l’avant. «Le papillon scanne l’espace en tournant son corps tout en battant des ailes pour localiser les sources de phéromones» a expliqué le Dr Nakata. L’échantillonnage directionnel s’avère particulièrement efficace dans la recherche de la source d’odeur, permettant au papillon de déterminer rapidement la direction du panache odorant.
Des applications potentielles en robotique
Les implications de cette recherche dépassent le cadre de l’entomologie. Les connaissances acquises sur la manipulation des flux d’air par le B. mori pourraient conduire à des progrès dans les technologies robotiques de localisation des sources d’odeurs. Une équipe dirigée par le Dr Daigo Terutsuki travaille actuellement sur le développement de drones équipés d’antennes d’insectes pour la détection d’odeurs, avec des applications potentielles telles que la localisation de personnes en situations d’urgence.
Le Dr Nakata a souligné : «Les résultats de cette étude mettent en évidence l’importance de créer un flux d’air directionnel lors de la recherche de sources d’odeurs à l’aide de robots volants. Cela implique d’ajuster soigneusement l’orientation du drone et la configuration de ses hélices et capteurs d’odeurs pour optimiser les capacités de détection.»
L’étude souligne la nécessité de prendre en compte dans les futures recherches des facteurs environnementaux tels que la turbulence du flux d’air et la structure des antennes, qui influencent également la détection des odeurs.
Le Dr Nakata a exprimé son optimisme quant aux applications potentielles : «Actuellement, les robots s’appuient fortement sur les capteurs visuels et auditifs pour la navigation. Cependant, comme le démontrent les chiens de sauvetage en cas de catastrophe, l’utilisation de l’odorat peut être très efficace pour localiser les humains. Bien que l’application de la détection olfactive dans les robots en soit encore à ses débuts, cette recherche pourrait aider à développer des robots capables de rechercher efficacement des sources d’odeurs dans des situations de catastrophe.»
En résumé, cette étude ne se contente pas d’approfondir nos connaissances sur les stratégies de détection des odeurs chez les insectes, mais fournit également des principes de conception précieux pour la prochaine génération de robots aériens de détection d’odeurs.
Légende illustration : ver à soie dans son cocoon
Article : « Volume d’échantillonnage olfactif pour la capture de phéromones par la mise en éventail des ailes du ver à soie : une étude basée sur la simulation » – DOI : s41598-024-67966-y