Vers un plasma industriel plus sûr

Des scientifiques de l’EPFL ont mis à jour des processus physiques en jeu dans la formation des plasmoïdes. Ces plasmas en forme d’entonnoir à haute teneur en énergie peuvent endommager les réacteurs plasmiques industriels, utilisés notamment pour fabriquer écrans ou contenants alimentaires, et le phénomène occasionne des pertes de plusieurs millions en réparation et productivité.

Le plasma est l’état de la matière le plus répandu dans l’univers. On le trouve principalement dans les étoiles et dans l’espace intergalactique, mais il est également très présent dans l’industrie, d’où ses nombreux usages quotidiens (cellules solaires, néons, écrans d’affichage, sans oublier les emballages alimentaires hermétiques). Malgré ses multiples qualités, ses propriétés restent délicates à exploiter et posent d’énormes problèmes aux fabricants. L’apparition de plasmoïdes – des plasmas intenses et localisés susceptibles de s’enflammer spontanément – peut notamment causer de gros dégâts au réacteur, entraînant des frais de réparation élevés et l’arrêt de la chaîne de fabrication. Or, un article de Plasma Sources Science and Technology annonce que des chercheurs de l’EPFL ont découvert comment les plasmoïdes se forment et se propagent, ouvrant de nouveaux horizons à l’industrie.

Le plasma est avant tout un gaz très chaud dont les molécules sont ionisées, en d’autres termes se transforment en particules chargées. S’il est abondant dans l’univers, le plasma naturel se limite ici-bas aux éclairs, flammes et aurores boréales. Il est difficile à maintenir artificiellement tant il est prompt à réagir avec des molécules d’autres matériaux, raison pour laquelle il doit être maintenu sous vide. Pourtant, c’est précisément cette réactivité accrue qui rend le plasma si utile à une foule de secteurs de fabrication industrielle, comme la métallurgie, la projection et les revêtements plasma, la gravure microélectronique, la coupe et le soudage de métaux… voire l’aéronautique.

Pourtant, les technologies plasmiques ne vont pas de soi. Un problème récurrent concerne les réacteurs utilisés pour créer et confiner les plasmas. Vu les températures élevées requises, leur structure est particulièrement vulnérable. Les plasmoïdes, ces plasmas auto-inflammables, peuvent, s’ils ne sont pas immédiatement éteints, faire fondre et détruire les composants des réacteurs, qui sont alors mis hors service pour longtemps, frais de réparation et manque à gagner en prime.

L’équipe menée par Christoph Hollenstein du Centre de Recherches en Physique des Plasmas de l’EPFL (CRPP) a montré que les plasmoïdes servent en quelque sort d’entonnoir à un intense courant électrique. De fait, lorsqu’un plasmoïde se forme, il transporte des électrons de l’autre côté de la grille du réacteur, qui est censée recueillir le plasma – cette étude s’intéresse à sa forme industrielle, générée via un apport énergétique fourni par une radiofréquence (13.56 MHz). Or, les chercheurs ont découvert que les plasmoïdes se nourrissent précisément de cette énergie à fréquence radio et forment un potentiel de plasma positif de part et d’autre de la grille du réacteur. C’est cet effet d’entonnoir à électricité qui échauffe le plasmoïde et endommage les composants du réacteur.

Le groupe de chercheurs a utilisé pour ses travaux un petit réacteur plasmique spécialement conçu pour générer des plasmoïdes observables. Leur création en nombre a permis aux scientifiques d’étudier leurs causes et les phénomènes menant à l’apparition de plusieurs plasmoïdes susceptibles d’endommager la structure du réacteur. Leur étude a également démontré que l’embrasement se limitait à un point précis, ce qui signifie que l’intensité électrique traversant « l’entonnoir » est très élevée. Selon les chercheurs, cela explique la violence des dégâts occasionnés par ce phénomène.

« La compréhension des processus physiques menant à la formation de plasmoïdes permet d’offrir des stratégies pour s’en prémunir », explique l’auteur Alan Howling. En régulant leurs mécanismes de formation dans les réacteurs, les fabricants peuvent réduire ou stopper leur apparition ».

         

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