Les ‘qudits’ ouvrent la voie à des ordinateurs quantiques plus efficaces

Deux qubits totalement intriqués

Dans le monde de l’informatique, nous pensons généralement que les informations sont stockées sous forme de uns et de zéros, ce que l’on appelle le codage binaire. Cependant, dans notre vie quotidienne, nous utilisons dix chiffres pour représenter tous les nombres possibles. En binaire, le chiffre 9 s’écrit par exemple 1001, ce qui nécessite trois chiffres supplémentaires pour représenter la même chose.

Les ordinateurs quantiques d’aujourd’hui sont issus de ce paradigme binaire, mais en fait, les systèmes physiques qui encodent leurs bits quantiques (qubit) ont souvent le potentiel d’encoder également des chiffres quantiques (qudits), comme l’a récemment démontré une équipe dirigée par Martin Ringbauer au département de physique expérimentale de l’université d’Innsbruck. Selon Pavel Hrmo, physicien expérimental à l’ETH de Zurich, “le défi pour les ordinateurs quantiques basés sur les qudits a été de créer efficacement un enchevêtrement entre les supports d’information de haute dimension“.

Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, l’équipe de l’université d’Innsbruck explique comment deux qubits peuvent être totalement intriqués l’un avec l’autre avec des performances sans précédent, ouvrant ainsi la voie à des ordinateurs quantiques plus efficaces et plus puissants.

Penser comme un ordinateur quantique

L’exemple du chiffre 9 montre que si l’homme est capable de calculer 9 x 9 = 81 en une seule étape, un ordinateur classique (ou une calculatrice) doit prendre 1001 x 1001 et effectuer de nombreuses étapes de multiplication binaire en coulisses avant de pouvoir afficher 81 à l’écran. Mais dans le monde quantique, où les calculs sont intrinsèquement sensibles au bruit et aux perturbations extérieures, nous devons réduire le nombre d’opérations requises pour tirer le meilleur parti des ordinateurs quantiques disponibles.

L’intrication quantique est cruciale pour tout calcul effectué sur un ordinateur quantique. L’intrication est l’une des caractéristiques uniques de l’informatique quantique qui lui permet de surpasser largement les ordinateurs classiques dans certaines tâches. Cependant, l’exploitation de ce potentiel nécessite la génération d’un enchevêtrement robuste et précis dans des dimensions supérieures.

Le langage naturel des systèmes quantiques

Les chercheurs de l’université d’Innsbruck ont été en mesure d’enchevêtrer complètement deux qubits, chacun étant encodé dans cinq états d’ions de calcium individuels. Les physiciens théoriques et expérimentaux disposent ainsi d’un nouvel outil pour aller au-delà du traitement binaire de l’information, ce qui pourrait déboucher sur des ordinateurs quantiques plus rapides et plus robustes.

Martin Ringbauer explique : “Les systèmes quantiques ont de nombreux états disponibles qui attendent d’être utilisés pour l’informatique quantique, plutôt que de se limiter à travailler avec des qubits. Bon nombre des problèmes actuels les plus complexes, dans des domaines aussi divers que la chimie, la physique ou l’optimisation, peuvent bénéficier du langage plus naturel de l’informatique quantique.

Cette recherche a bénéficié du soutien financier du Fonds autrichien pour la science (FWF), de l’Agence autrichienne de promotion de la recherche (FFG), du Conseil européen de la recherche (ERC), de l’Union européenne et de la Fédération des industries autrichiennes du Tyrol, entre autres.

Légende / Chambre à vide avec un piège de surface microfabriqué
Crédit : Martin van Mourik

Publication : Enchevêtrement qudit natif dans un processeur quantique à ions piégés. Pavel Hrmo, Benjamin Wilhelm, Lukas Gerster, Martin W. van Mourik, Marcus Huber, Rainer Blatt, Philipp Schindler, Thomas Monz, Martin Ringbauer. Nature Communications 14, 2242 (2023) (Open Access) https://doi.org/10.1038/s41467-023-37375-2

[ Traduction Enerzine ]

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