Quel modèle économique pour l’accès à l’énergie des plus démunis ?

L’accès à l’énergie est consommateur de moyens capitalistiques importants ; de lourds investissements doivent être réalisés pour développer des outils de production, de distribution et de stockage, avec des temps de retour portant généralement sur plusieurs dizaines d’années.

Ces investissements sont, dans de nombreux cas, inaccessibles pour une large partie des populations les plus pauvres de la planète.

Pourtant, ces populations ont quotidiennement recours à l’énergie pour répondre à des besoins élémentaires, mais les formes d’énergie qui sont à leur portée (bougies, lampes à pétrole, bois), les condamnent à une triple peine : ces énergies se révèlent, à l’usage, coûteuses, peu efficaces et dangereuses. Au final, les dépenses des ménages « du bas de la pyramide » sont, pour leurs consommations d’énergie, estimées à 433 milliards de dollars, soit 7% de leurs revenus. Cette solvabilité relative doit permettre d’envisager des modèles économiques adaptés à ces populations les plus vulnérables, et fondés sur des technologies performantes, sûres et non polluantes.

La mise en place de modèles durables et compatibles avec la situation des plus pauvres, est aujourd’hui facilitée par l’émergence de technologies toujours plus efficaces sur le plan énergétique, par l’apparition de produits mieux adaptés (portés par l’intérêt de grands groupes industriels pour ce marché de la pauvreté), et par une réduction des coûts permise par la dissémination à grande échelle de ces produits. En l’absence de soutiens institutionnels, elle suppose l’existence de dispositifs locaux de micro crédit non dissuasifs.

Les acteurs engagés dans ce domaine porteur d’enjeux immenses, savent cependant qu’il n’y a pas d’émergence naturelle de modèles économiques innovants, forcément décalés par rapport à des logiques et des traditions sociales lourdement enracinées. Ils savent aussi qu’il n’y a pas non plus génération spontanée d’entrepreneurs locaux, capables de mettre en place et de porter des projets novateurs. Là où il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’électriciens, et les success stories vantant l’initiative individuelle ne disent pas toujours les actions de formation et d’accompagnement indispensables pour faire germer l’envie d’entreprendre et donner les moyens de réussir.

Les Organisations de Solidarité Internationale, comme les acteurs institutionnels, ont donc à construire des modèles économiques spécifiques, adaptés aux besoins prioritaires, aux moyens et à la culture des populations concernées, et à soigneusement préparer les conditions de leur appropriation et de leur réussite. On ne bâtit pas le même projet pour des agriculteurs du nord Laos que pour des éleveurs transhumants des pays du Sahel.

En partenariat et avec le soutien actif de l’ADEME, Electriciens sans frontières a ainsi développé et mis en place, dans plusieurs villages du Cambodge, une activité de recharge de lampes portables reposant sur la création de micro entreprises de production d’énergie et de mise à disposition pour le consommateur final de lampes rechargeables en leasing. Ce programme initié en 2006 a démontré qu’il était possible pour les villageois de remplacer, et pour un coût inférieur, leurs lanternes à pétrole polluantes et dangereuses, par des lampes électriques plus performantes. Il a également montré que l’activité ainsi créée générait des revenus suffisants pour assurer un fonctionnement économiquement viable aux entreprises en charge de gérer la recharge des lampes.

La réussite de ce projet a reposé sur deux conditions clés. Des matériels adaptés aux usages : les lampes utilisées doivent être robustes, et leurs batteries d’une autonomie suffisante, et cela à des coûts abordables. Et des partenaires de qualité : des relais locaux fiables sont indispensables pour assurer le suivi de l’opération et l’accompagnement dans la durée des opérateurs.

L’expérience acquise permet aujourd’hui à Electriciens sans frontières d’engager de nouvelles opérations du même type en les adaptant à des contextes économiques et culturels aussi divers que celui des iles du lac Titicaca ou des villages des hauts plateaux malgaches.

Avec la même préoccupation de formation et de partage de compétences, par ce que là sont les fondements du développement. Et une volonté constante : permettre aux plus démunis d’accéder à une énergie propre, sûre et à la mesure de leurs moyens.

            

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Pas naif

Il me semble souhaitable entre autres de ne facturer aux français démunis que le prix HT du courant et des combustibles domestiques, avec bien sûr une formule de limitation de volume annuel approprié.Pourquoi? Parce que ce ces consommateurs n’ont pas la possibilité de se priver de courant comme d’autres peuvent se priver de vacances. Nous payons des taxes pour 35% de nos factures EdF. Pourquoi autant?