La Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) organise une mobilisation nationale le 17 décembre 2025 devant toutes les préfectures de France. Cette action fait suite à une consultation ayant recueilli plus de 5 000 réponses d’adhérents, révélant un profond malaise face aux dispositifs MaPrimeRénov’ et de reprise des déchets du bâtiment. Les artisans dénoncent des procédures trop complexes, instables et génératrices de risques financiers, alors qu’ils dépendent parfois à 50% de ces aides pour leur activité.
Mercredi 17 décembre, les artisans du bâtiment convergeront vers les préfectures de chaque département français. Cette mobilisation coordonnée, intitulée « Les artisans du bâtiment méritent mieux », traduit une exaspération palpable au sein d’une profession traditionnellement peu encline aux manifestations de rue. Les causes de cette colère ? Trois dispositifs publics censés accompagner leur activité mais devenus, selon leurs propres termes, sources de complications majeures : MaPrimeRénov’, la responsabilité élargie du producteur pour les produits et matériaux de construction (REP PMCB), et le régime des micro-entreprises.
Une consultation révélatrice d’un malaise profond
L’initiative de la CAPEB s’appuie sur une large consultation menée auprès de ses adhérents, ayant généré plus de 5 000 réponses. Ce chiffre, rarement atteint dans ce type d’enquête sectorielle, témoigne dans tous les cas d’une attente forte et d’un mécontentement qui monte. Les résultats dessinent le portrait d’une profession sous tension, prise en étau entre ses missions de rénovation énergétique du parc immobilier français et des outils administratifs jugés dysfonctionnels.
Historiquement, les artisans du bâtiment ont toujours entretenu des relations complexes avec les dispositifs d’aides publiques. Depuis les premiers crédits d’impôt pour la transition énergétique en 2005 jusqu’à la création de MaPrimeRénov’ en 2020, chaque nouvelle mesure a suscité autant d’espoirs que de frustrations. La dernière mouture, présentée comme une simplification, semble avoir atteint un point de rupture.
MaPrimeRénov’ : le soutien vital devenu cauchemar bureaucratique
L’étude de la CAPEB révèle un paradoxe saisissant : 79 % des artisans considèrent MaPrimeRénov’ comme déterminante pour déclencher des travaux, et 60 % d’entre eux en dépendent parfois jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires. Pourtant, ce dispositif censé dynamiser leur activité produit aujourd’hui l’effet inverse.
Cette détérioration s’explique par plusieurs facteurs techniques. Ainsi, malgré les récentes évolutions, 62 % des artisans constatent une baisse d’activité, 51 % dénoncent une perte de temps massive liée à l’instabilité des règles, 46 % subissent des difficultés financières dues à des délais de paiement trop longs et 12 % rapportent même une hausse des litiges avec leurs clients.
La complexification des dossiers de demande, l’empilement des justificatifs requis, et la fréquence des modifications réglementaires ont transformé un outil de simplification en labyrinthe administratif. « Le dispositif MaPrimeRénov’ tel qu’il fonctionne aujourd’hui n’est plus soutenable », assène la CAPEB dans son analyse.
La REP PMCB : une filière de recyclage à l’arrêt
La deuxième source de tensions concerne la responsabilité élargie du producteur pour les produits et matériaux de construction, mise en place pour organiser la collecte et le recyclage des déchets du bâtiment. Ici encore, le constat est sévère : une mise en œuvre jugée largement inadaptée aux réalités du terrain.
La CAPEB réclame une refonte complète du système, avec la création d’un outil national unique regroupant l’ensemble des démarches, la suppression de la pré-inscription obligatoire, et l’établissement d’un maillage territorial conçu localement en concertation avec tous les acteurs. « Il serait inadmissible que nos entreprises soient amenées à continuer à payer une éco-contribution pour un service dont elles ne peuvent bénéficier », souligne l’organisation.
Le régime micro-entrepreneur : un tremplin qui brise les ailes
Troisième volet du mécontentement : le traitement fiscal et social des micro-entreprises. Créé en 2008 pour faciliter la création d’entreprise, ce régime devait permettre aux nouveaux entrepreneurs de démarrer leur activité sans charges administratives excessives pendant une période limitée. Quinze ans plus tard, la réalité est tout autre.
Les artisans du bâtiment dénoncent une distorsion de concurrence et un système qui, loin de servir de tremplin vers l’entreprise de droit commun, maintient les créateurs dans une précarité structurelle. Ils supportent d’autant plus difficilement cette iniquité que la conjoncture économique du secteur reste fragile.
Une mobilisation historique dans un contexte tendu
La décision d’organiser une mobilisation nationale simultanée dans tous les départements français représente un tournant pour la CAPEB qui opte cette fois pour une stratégie de pression plus directe.
Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB, justifie cette radicalisation : « La CAPEB ne peut tolérer que les artisans du bâtiment demeurent les premiers pénalisés par des dispositifs instables, technocratiques ou mal calibrés alors que des solutions simples pourraient être mises en œuvre. » Son message au gouvernement est clair : « La CAPEB demande au Gouvernement de reconstruire, avec les entreprises artisanales du bâtiment, une politique publique de rénovation énergétique cohérente, stable et opérationnelle. »
Cette mobilisation intervient alors que le contexte économique demeure particulièrement difficile pour le bâtiment. Après les années fastes du plan de relance post-Covid, le secteur connaît un ralentissement, aggravé par l’inflation des matériaux et la hausse des taux d’intérêt. Les artisans, souvent aux avant-postes de la transition énergétique, se sentent abandonnés par des dispositifs qu’ils jugent inadaptés à leur réalité quotidienne.
L’enjeu dépasse par conséquent la simple satisfaction corporatiste. La réussite de la rénovation énergétique du parc immobilier français dépendra en grande partie de la capacité des 600 000 entreprises artisanales du bâtiment à mener ces travaux. Si leur mécontentement persiste et s’amplifie, c’est l’ensemble de la stratégie bas-carbone du pays qui pourrait être compromise.
Lire l’enquête auprès des adhérents / Consultation MPR-REP ( Accès .PDF )
Source : CAPEB












