Des chercheurs japonais ont démontré que le ferromagnétisme, un état ordonné des atomes, peut être induit en augmentant la motilité des particules et que les forces répulsives entre les atomes sont suffisantes pour le maintenir. Cette découverte étend non seulement le concept de matière active aux systèmes quantiques, mais contribue également au développement de nouvelles technologies qui reposent sur les propriétés magnétiques des particules, telles que la mémoire magnétique et l’informatique quantique.
Des exemples de matière active à différentes échelles
Les oiseaux qui volent en groupe, les bactéries qui essaiment, les flux cellulaires sont tous des exemples de matière active, un état dans lequel des agents individuels, tels que des oiseaux, des bactéries ou des cellules, s’auto-organisent. Les agents passent d’un état désordonné à un état ordonné dans ce que l’on appelle une «transition de phase». En conséquence, ils se déplacent ensemble de manière organisée sans contrôleur externe.
Selon Kazuaki Takasan de l’Université de Tokyo, premier auteur de l’étude, des recherches antérieures ont montré que le concept de matière active peut s’appliquer à une large gamme d’échelles, des nanomètres (biomolécules) aux mètres (animaux). Cependant, on ne savait pas si la physique de la matière active pouvait être appliquée de manière utile dans le régime quantique. Les chercheurs ont voulu combler cette lacune.
Un modèle théorique inspiré du comportement des oiseaux
Pour combler cette lacune, les chercheurs devaient démontrer un mécanisme possible qui pourrait induire et maintenir un état ordonné dans un système quantique. Il s’agissait d’un travail collaboratif entre la physique et la biophysique. Les chercheurs se sont inspirés des phénomènes d’oiseaux qui volent en groupe, car, en raison de l’activité de chaque agent, l’état ordonné est plus facilement atteint que dans d’autres types de matière active.
Ils ont créé un modèle théorique dans lequel les atomes imitaient essentiellement le comportement des oiseaux. Dans ce modèle, lorsqu’ils ont augmenté la motilité des atomes, les forces répulsives entre les atomes les ont réarrangés dans un état ordonné appelé ferromagnétisme. Dans l’état ferromagnétique, les spins, le moment angulaire des particules subatomiques et des noyaux, s’alignent dans une direction, tout comme les oiseaux qui volent en groupe font face à la même direction pendant leur vol.
Une découverte surprenante et validée par plusieurs approches
Kazuaki Takasan a été surpris de constater que l’ordre pouvait apparaître sans interactions élaborées entre les agents dans le modèle quantique, ce qui était différent de ce qui était attendu sur la base des modèles biophysiques.
Les chercheurs ont adopté une approche à multiples facettes pour s’assurer que leur découverte n’était pas un hasard. Heureusement, les résultats des simulations informatiques, de la théorie du champ moyen, une théorie statistique des particules, et des preuves mathématiques basées sur l’algèbre linéaire étaient tous cohérents. Cela a renforcé la fiabilité de leur découverte, première étape d’une nouvelle ligne de recherche.
Perspectives futures pour la matière active quantique
Comme le souligne Kazuaki Takasan, l’extension de la matière active au monde quantique n’a commencé que récemment et de nombreux aspects restent encore ouverts. Les chercheurs souhaitent développer davantage la théorie de la matière active quantique et révéler ses propriétés universelles.
Cette étude, publiée dans la revue Physical Review Research, ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension et l’exploitation des propriétés magnétiques des particules à l’échelle quantique, avec des applications potentielles dans des domaines tels que la mémoire magnétique et l’informatique quantique.
Article : “Activity-induced ferromagnetism in one-dimensional quantum many-body systems” – DOI: 10.1103/PhysRevResearch.6.023096
Légende illustration : Image schématique du ferromagnétisme induit par l’activité dans la matière active quantique. Ici, des atomes mobiles avec des spins présentent l’ordre ferromagnétique (c’est-à-dire qu’ils s’alignent dans une direction) comme une volée d’oiseaux décrite ci-dessus. Crédit : Takasan et al 2024